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Nº 3064 du vendredi 29 juillet 2016

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Les scénarios du dialogue. Entre le pire et le meilleur!

Tout le Liban attend désormais les réunions du 2, 3 et 4 août dans l’espoir que le dialogue interne prévu à huis clos et sans interruption puisse aboutir à un déblocage de l’impasse politique. Mais même enfermés dans un même local, les participants au dialogue national continuent d’avoir accès au téléphone et à Internet. Ce qui signifie que réunions marathons ou non, les interférences étrangères restent possibles, voire souhaitées.

En principe, et au lendemain de la fête de l’armée, les participants au dialogue national devraient entamer une réunion de trois jours pour discuter des sujets brûlants: la présidentielle, la loi électorale et la composition du nouveau gouvernement. A court d’idées pour parvenir à un déblocage, le président de la Chambre, Nabih Berry, n’a rien trouvé de mieux que de rééditer le scénario de Doha en 2008. Mais comme aucun pays au monde n’a accepté d’accueillir les Libanais pour une réunion de dialogue politique interne, Berry a dû se résoudre à l’organiser au Liban… dans l’espoir que ce dialogue ininterrompu puisse aboutir à un accord.
A quelques jours du début de ces réunions, leur résultat reste imprécis. Certains pensent qu’il s’agit d’une tentative désespérée, destinée à sauver la face du président de la Chambre et à lui permettre de dire qu’il a fait de son mieux et qu’il a tout essayé, alors que d’autres sont convaincus qu’il y a une chance réelle d’aboutir à un déblocage.
Les partisans de la thèse pessimiste brandissent les arguments suivants: la situation libanaise est totalement dépendante de celle du Moyen-Orient et en particulier de la Syrie. Comme aucune solution n’est en vue dans la région, il y a donc peu de chances qu’un déblocage ait lieu au Liban, sachant que contrairement à tous les pronostics qui avaient suivi la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien entre l’Iran et l’Occident, la situation régionale ne cesse de se compliquer et la tension augmente entre les chiites et les sunnites et surtout entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Au lieu de se diriger vers un dialogue, voire un compromis, ces deux pays sont, au contraire, en train d’augmenter leurs scènes d’affrontement, du Yémen à la Syrie, en passant par l’Irak. Ayant tous les deux une influence importante au Liban à travers, pour l’Arabie, la rue sunnite et en particulier le Courant du futur et, pour l’Iran, le Hezbollah, on voit mal comment dans un contexte aussi explosif, ces deux parties pourraient s’entendre sur une solution politique à l’impasse actuelle. Pour les partisans de cette thèse, les réunions du dialogue ne seraient que de la poudre aux yeux et surtout un moyen pour la classe politique de gagner du temps et de faire taire la grogne de la rue en faisant croire qu’elle essaie d’avancer.
 

L’équation du Hezbollah
Face à ce scénario pessimiste, il en existe un autre qui défend la thèse opposée. Sans se faire trop d’illusions sur la capacité de la classe politique libanaise de trouver seule des solutions à la crise actuelle, les partisans de cette thèse exposent une approche tout à fait différente. Selon eux, la situation de Saad Hariri, chef officiel du Courant du futur, est devenue intenable. Il serait au bord de la faillite, pas forcément financière, puisque sa fortune personnelle est intacte, mais plutôt politique. Pour lui, l’horizon semble bouché en Arabie même où la lutte d’influence entre les princes et la volonté de chacun d’eux de renforcer son pouvoir politique, militaire et économique, sans parler des difficultés que traverse actuellement le royaume, font que ses problèmes financiers ont peu de chances d’être résolus. Un retour à la tête du gouvernement au Liban serait non seulement bon pour ses affaires, mais lui permettrait aussi de redevenir un interlocuteur incontournable pour les dirigeants saoudiens. Il y va donc de sa carrière politique et de son avenir. Or, l’équation établie par le Hezbollah et le général Michel Aoun stipule que tout retour de Saad Hariri à la présidence du Conseil passe par l’élection du leader du Bloc du Changement et de la Réforme à la présidence de la République. Après avoir commencé par refuser cette équation, puis par en discuter au sein du Courant du futur et avec ses proches conseillers, Saad Hariri aurait fini par s’incliner devant cette réalité. L’idée ferait donc son chemin chez lui, surtout depuis que l’Arabie saoudite a déclaré qu’elle ne pose aucun veto sur la candidature du général Aoun à la présidence. Ce n’est certes pas un aval de cette candidature, mais au moins la voie est ouverte. Ce qui, aux yeux des partisans de cette thèse, donnerait une certaine marge de manœuvre à Hariri. Ceux qui défendent cette thèse ajoutent que, dans le cadre des discussions bilatérales entre le Hezbollah et le Courant du futur (le dialogue entre ces deux parties n’a jamais été suspendu en dépit des crises et des polémiques verbales), des points précis sont en train d’être évoqués qui montrent que ce dernier n’est pas hostile à l’idée d’élire Michel Aoun à la présidence moyennant le retour de Saad Hariri au Sérail.
Les représentants du Courant du futur seraient actuellement en train de réclamer des garanties sur la non-réédition du scénario de 2011, lorsque le gouvernement de Saad Hariri a été renversé par le Hezbollah et ses alliés après un retournement politique de la part du leader druze Walid Joumblatt. Dans les discussions, l’idée que Saad Hariri ne veut pas être Premier ministre pour quatre mois, mais pour quatre ans (la durée du mandat du prochain Parlement) revient souvent et montre que les débats sont sérieux et entrent dans le vif du sujet. Déjà, la position de Joumblatt lui-même, considéré une boussole qui indique la direction du vent, est un indice concluant sur un changement dans les positions dans le sens d’une volonté réelle d’accepter l’arrivée du général Aoun à Baabda en contrepartie de garanties fournies au Courant du futur sur son retour au Sérail pour une période relativement longue. Même le président de la Chambre a mis de l’eau dans son vin. Au cours de la visite qu’a faite à Aïn el-Tiné le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, et qui était axée sur le dossier du pétrole, la dernière question du ministre a porté sur la présidence, et Berry a répondu par un proverbe qui veut dire que les deux dossiers sont séparés. En d’autres termes, il n’a pas fermé la porte, mais il a laissé entendre qu’il faudrait en parler séparément et c’est alors que le général Aoun s’est rendu lui-même à Aïn el-Tiné officiellement pour présenter ses vœux au président de la Chambre à l’occasion de la fête du Fitr…

 

Statu quo renforcé
Les partisans de la thèse optimiste sont convaincus que tous ces indices ne peuvent pas être de simples coïncidences. S’il est vrai que la présidence libanaise n’est pas un sujet prioritaire pour la communauté internationale ni même pour les puissances régionales, il se pourrait que les pays principalement concernés par le dossier libanais ne voient pas d’objection à un règlement dans lequel leurs alliés respectifs trouveraient leur compte. Le système global ne serait pas remis en cause, ni les rapports de force politiques et, en même temps, la crise dans laquelle se débat Saad Hariri serait réglée, alors que la pression sur le Hezbollah serait réduite avec le redémarrage des institutions étatiques.
Les deux argumentations se valent et les options restent ouvertes et en définitive, les réunions du dialogue qui doivent se tenir la semaine prochaine serviraient de cadre soit à un déblocage soit au maintien de la crise…

 

Joëlle Seif

Le rôle de Abbas Ibrahim
Le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, serait un des personnages clés dans les tentatives de rapprochement des points de vue entre les différentes parties en conflit. Selon la loi, le rôle de la Sûreté générale ne se limite pas au contrôle des frontières. Elle doit aussi contribuer à la stabilité politique du pays. Et c’est dans ce sens que le général Ibrahim multiplie les contacts pour tenter de dégager un accord qui assurerait au Liban une sortie de la crise actuelle.

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