La part de l’immobilier du PIB occupe la deuxième position après celle du secteur bancaire. L’immobilier joue un rôle vital dans l’économie, d’autant que son développement a des répercussions directes sur la création d’emplois et représente un vecteur de dynamisation de l’activité dans près de soixante-dix sous-secteurs commerciaux. L’immobilier est un investissement à long terme et, par conséquent, sa liquidation à tout moment pour subvenir aux besoins en cash de l’investisseur n’est pas évidente. La problématique est encore plus compliquée au Liban, un pays où prévaut une instabilité sécuritaire et politique et qui se trouve au centre d’une région secouée par un cycle de violence en boucle. La description du pouls de l’activité immobilière en ce moment n’est pas au beau fixe.
Hausse des prix des terrains
Certains experts évoquent une stagnation de l’industrie immobilière, alors que d’autres parlent de crash. Ces derniers supposent qu’il y aurait une bulle immobilière dans le sens où les prix des biens-fonds bâtis ou non sont gonflés et ne reflètent pas la valeur réelle du produit.
Dans tous les cas de figure, les Libanais continuent à considérer le placement dans l’immobilier comme le meilleur choix d’un investissement à capital garanti, selon une analyse de marché faite par BlomInvest Bank, qui souligne par ailleurs que les chiffres du registre du cadastre montrent que l’amorce d’une tendance haussière décelée dans l’immobilier au cours du premier semestre de 2016 est tirée par les nationaux, puisque les transactions conclues par les étrangers ont reculé de 2,01% à fin juin 2015, à 1,48% sur la même période de 2016. D’après l’Ordre des ingénieurs de Beyrouth et de Tripoli, le nombre de permis de construire a progressé au premier semestre de 2015 de 7 387, à 8 408 au premier semestre de 2016. L’amélioration de l’activité du secteur immobilier a été également perçue en termes de nombre de transactions, qui ont enregistré une hausse de 4,4% sur un an, à 30 100. Cette hausse serait due à une augmentation de 5 et 4% respectivement de la vente de biens-fonds bâtis et de terrains. De même, la croissance de la valeur des transactions immobilières a représenté 5,9% sur un an, atteignant au cours des six premiers mois de 2016 le montant de 3,85 milliards de dollars.
Rareté des surfaces constructibles
Ces résultats relativement encourageants seraient tributaires d’une croissance de la valeur des terrains de l’ordre de 11,2% sur un an, associée à une hausse en rythme annuel de la valeur des biens-fonds bâtis d’environ 2,7%. Au cours des vingt dernières années, le secteur de l’immobilier a connu tour à tour des hausses puis des plateaux, mais il n’a, à aucun moment, baissé, selon un rapport de la Bank Audi. Certains promoteurs l’expliquent par la rareté des surfaces constructibles, alors que des experts économiques s’inscrivent en faux contre cette justification, affirmant que l’opération de reconstruction du centre-ville a permis la destruction davantage d’immeubles que la construction de nouveaux.
D’après la même source, les investissements des expatriés et des ressortissants arabes ont représenté près de 80% du total des placements dans ce secteur pendant la période 1990-1995. Cette tendance s’est accrue après le 11 septembre 2001. Au cours de celle-ci, près de deux milliards de dollars ont été dépensés par les ressortissants et investisseurs des pays du Golfe sur l’achat d’appartements haut de gamme situés sur le front de mer. A ce moment, le prix du mètre carré à Beyrouth a enregistré des sommets jamais atteints.
Prêts logement à long terme
En même temps que l’injection de liquidités sur le marché visant à ouvrir les vannes du crédit à des taux d’intérêt subventionnés en vue de la stimulation de tous les secteurs productifs de l’économie, la BDL a introduit le concept des prêts à long terme. Un concept qui avait totalement disparu au cours des dernières décennies. En effet, en 2014, le volume du marché des hypothèques de crédits immobiliers a, pour la première fois, dépassé de 10 milliards de dollars celui des crédits de construction.
Dans un même esprit dont l’objectif est d’empêcher l’écroulement du secteur immobilier dans toutes ses composantes, la Banque centrale a émis la circulaire intermédiaire No 427, en vertu de laquelle les développeurs immobiliers pourraient être financés à non moins de 40% en fonds propres de cette caisse et bénéficier de 60% en bons susceptibles d’être escomptés auprès de la BDL. Pour les promoteurs, cette formule de la participation du secteur privé au financement de leurs projets serait à même d’alléger les pressions de leurs endettements. Commentant pour Magazine cette circulaire, un promoteur immobilier a estimé que «les pouvoirs n’ont pas d’autres choix; les secteurs de la banque et de l’immobilier sont les fondements de l’économie du pays». Un commentaire qui pourrait ouvrir une nouvelle parenthèse de débats.
Liliane Mokbel