Engagé, rebelle, passionné, le groupe Mashrou’ Leila a donné une soirée mémorable au Festival de Byblos, concert qui a définitivement consacré sa notoriété. Le groupe dénonce, au gré de sa musique, le conservatisme et aborde sans tabou la religion, la politique et l’homosexualité.
Devenu icône de la scène alternative arabe, Mashrou’ Leila a réussi le pari de captiver son public du début jusqu’à la fin du concert. Dès leur entrée sur scène, les cinq beaux et talentueux jeunes hommes sont accueillis par les cris d’euphorie de plus de 4 000 personnes qui ont fait vibrer le magnifique gradin installé pour l’occasion. Les fans se ruant sur les plateformes de devant, tous les moyens étant bons pour être au plus près possible de leurs idoles. Les membres du groupe – Hamed Sinno au chant, Haig Papazian au violon, Carl Gergès à la batterie, Firas Abou Fakher à la guitare électrique et Ibrahim Badr à la guitare
basse –, dont la notoriété est montée en flèche ces dernières années, se font les nouveaux porte-paroles de la jeunesse arabe progressiste, en proposant une musique révolutionnaire et sans complexe. Le concert était en majeure partie consacré au dernier album du groupe, Ibn el-Leil, qui aborde la thématique des nuits beyrouthines dans leurs complexités au-delà de leurs images touristiques. Mashrou’ Leila dépeint une jeunesse qui se réfugie dans l’alcool et autres interdits pour oublier la dureté de la vie et ses contraintes. Il remet aussi en question les genres sexuels. On a eu droit aux titres Aoede, joué en intro et qui, dès les premières notes, galvanise la foule, Falyakon, Djin – sur fond sonore, Hamed jure au nom de Dieu qu’il se donne corps et âme aux jouissances de la nuit –,
3 minutes, Tayf, qui prône l’affirmation des droits des gays réprimés et emprisonnés… Reprise aussi d’anciens titres issus des premiers albums comme Fasateen, Rakset Leila, Bahr, Lil watan, Cham el-yasmine… que le groupe a pris plaisir à revisiter.
Le concert se termine sur Marrikh qui parle des médicaments psychotropes et de leurs effets sur l’humeur… Le groupe remercie son public et disparaît dans les coulisses, mais le voilà de nouveau sur scène clôturant le concert sur des rythmes endiablés. En fond, un visuel magnifique accompagne chaque titre illuminant la scène de mille feux. Les fans ont repris en chœur ces chansons avec Hamed Sinno qui se déhanchait sans répit. «Liban, merci pour la plus belle des nuits que nous avons jamais passée. Personne ne le fait aussi bien que chez nous à la maison. Une audience incroyable».
Six ans après, les revoilà, ces cinq jeunes charismatiques, sur la scène du vieux port. Entre les deux dates, une série de concerts en Europe, aux Etats-Unis et dans les capitales arabes joués à guichets fermés, relevant un pari qui, à leurs yeux, est essentiel: galvaniser la scène libanaise, graver leurs marques au Liban, ce pays d’où ils sont tous originaires parce qu’on n’atteint jamais les étoiles de la voûte céleste si l’on ne brille pas sous le même soleil que ses compatriotes.
Défi relevé, les images sont là pour le montrer. Les responsabilités sont aujourd’hui plus grandes; c’est une génération entière du monde arabe qui est pendue à leurs cous, eux dont la force réside dans le mélange des cultures, l’association des époques, leurs rythmes électros se mariant magnifiquement bien aux persécutions traditionnelles à coups de tabous brisés et d’injustices dénoncées.
Danièle Gergès