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Nº 3068 du vendredi 26 août 2016

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Les Sentinelles refusent la modernisation. Le plus dangereux des voyages

Et il y a un endroit sur terre où l’on ne pourra jamais arriver! Isolés depuis 60 000 ans sur un petit lopin de terre de 72 km2 au cœur de l’océan Indien et de ses lagons à en faire rêver plus d’un, les Sentinelles sont l’un des peuples les plus sauvages de la planète. Et leur île l’une des plus dangereuses du globe.

Ils n’ont rien changé à leur manière de vivre depuis plusieurs milliers d’années; et, depuis 1967, ils attirent les regards des plus curieux. Que sait-on de ce peuple primitif qui repousse les visiteurs avec des arcs et n’hésite pas à tuer pour protéger son île de l’invasion du monde moderne?
A l’est de l’Inde, en plein golfe du Bengale, se trouve l’archipel des îles Andaman-et-Nicobar. Parmi ces îles, North Sentinel. C’est un peu plus d’une centaine d’individus qui formeraient la tribu et qui seraient retranchés sur l’île située à des milliers de kilomètres du Liban. Impossible de les approcher, ils sont connus pour leur agressivité vis-à-vis d’éventuels visiteurs. Quelles sont leurs coutumes et leurs croyances? Jusqu’à ce jour… on l’ignore.
 

Vie primitive et archaïque
Mais pourquoi? La vraie raison de cette méfiance est inconnue, mais cela serait dû à un fait vieux de plus d’un siècle. En 1880, des Britanniques se rendent sur l’île et embarquent une famille indigène. Le couple, âgé, tombe rapidement malade et décède. Ses enfants sont ramenés sur l’île et infectent probablement toute la tribu avec une maladie occidentale contre laquelle personne n’était immunisé. Depuis, toute tentative d’approche amicale est un échec. Tout étranger est rudement accueilli par une volée de flèches et de lances, à l’instar d’un réalisateur de National Geographic qui a eu la cuisse transpercée en tentant de les filmer.
C’est grâce à quelques images qui ont pu leur être «volées» qu’on sait que les Sentinelles ont la peau foncée et les traits de l’Afrique noire, qu’ils vivent nus ou presque nus, et que la chasse et la pêche sont leurs activités favorites.
Outre le fait que leur mode de vie archaïque intrigue le reste du monde, il a inspiré les internautes qui se sont amusés à commenter la fiche Google + de l’île. Le jeu? Faire croire qu’il s’agissait d’une fantastique destination touristique cinq étoiles! Toutes sortes d’histoires plus hallucinantes les unes que les autres y sont racontées et la blague est même poussée à l’extrême: «Pas de wifi, aucun McDonald, aucun Starbucks». Et il faut prévoir «une armure pour esquiver les lances de certains indigènes». Tous ont ironisé sur le style de vie primitif de ce peuple sauvage, exilé et inhospitalier mais qui, pourtant, a su se protéger des problèmes que les sociétés «modernes» connaissent aujourd’hui.

 

Protégés par leurs ennemis
Que sait-on des Sentinelles et, surtout, comment ce peuple a-t-il survécu au tsunami de 2004 qui a frappé l’océan Indien? A la suite de ce tsunami, il y a eu de nombreuses craintes que le peuple soit mort; mais quand des hélicoptères survolèrent la zone pour les secourir, l’accueil qu’ils avaient reçu les rassure. Les autochtones étaient encore assez vivants pour brandir leurs arcs vers le ciel. Cela relève presque du miracle.
The Independent raconte, en 1993, que plusieurs expéditions ont été menées par l’universitaire Trilokinath Pandit pour s’approcher de la tribu. C’est l’un des seuls êtres humains de notre civilisation (en comptant son équipe) à avoir pu établir un contact avec eux, si infime soit-il. C’est en 1991 que le Britannique y parvient, après plusieurs essais infructueux. «On ne sait pas pourquoi, soudain, ils ont décidé de baisser les armes», avait-il expliqué, lui-même étonné d’avoir pu jeter l’ancre. Mais pour pénétrer dans l’antre des Sentinelles, même pour une simple visite, l’équipe de Pandit a du ôter ses vêtements et se plier à leurs coutumes.
La visite fut filmée et l’universitaire a pu démentir les idées reçues. Le peuple n’est pas cannibale et ne vit sous le règne d’aucun chef de tribu ou sorcier. Les Sentinelles se nourrissent principalement de poissons et de tortues. Aussi cordiale fut-elle, cette visite est l’une des très rares auxquelles a eu droit Trilokinath Pandit. Créer un lien avec l’extérieur et voir ce qui se passe ailleurs n’intéressent pas les Sentinelles.
Le face-à-face s’est plutôt bien passé pour l’universitaire britannique, mais tout le monde ne peut pas en dire autant. Certains, même, n’auront jamais eu l’opportunité de pouvoir raconter leur histoire. Comme le rapporte Mail Online, en 2006, deux pêcheurs auraient été tués par des Sentinelles, alors qu’ils amarraient leur bateau sur la côte de North Sentinel. Et le cas ne serait pas isolé.
L’île est toutefois protégée par les autorités indiennes. Il est même illégal de s’en approcher à moins de cinq kilomètres. Selon Survival France, l’administration des îles Andaman a ordonné l’arrêt de tout contact avec les Sentinelles et mis un terme au braconnage autour de l’île. La tribu ne le sait pas, mais elle est protégée par ses ennemis! Son intimité et sa survie préoccupent les autorités indiennes qui ont reconnu le droit pour la tribu à vivre en paix, isolée et loin des regards curieux. Aujourd’hui, beaucoup doivent considérer cela comme un privilège… Et la tribu entend bien le conserver; elle ne cédera pas, aucun lien ne sera établi avec le reste de l’humanité.

Anne Lobjoie Kanaan
 

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