Les participants au dialogue national, réunis lundi 5 septembre, à Aïn el-Tiné, se sont quittés sans s’entendre sur une nouvelle date. La rencontre a été caractérisée par de violentes altercations, notamment entre le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, représentant le général Michel Aoun, et le député Sleiman Frangié. Le vide s’étend désormais au dialogue.
Il a suffi que Gebran Bassil lance que «la foi des chrétiens dans la coexistence et le dialogue n’a plus de sens, parce que les décisions gouvernementales et les nominations ne respectent pas le Pacte», pour que le président de la Chambre, Nabih Berry, s’indigne: «Ce n’est pas vous qui mettez fin au dialogue. C’est moi. (…) Ce dialogue devait être suspendu si une composante se retire. C’est le cas». Le chef du Législatif lève alors la séance du dialogue national, qui se tenait en l’absence notamment de Michel Aoun et de Walid Joumblatt.
Bassil vs Frangié
Au cours de la séance, la question de la représentativité chrétienne a suscité une altercation verbale entre Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre (CPL), et Sleiman Frangié, leader des Marada, censés, pourtant, être des alliés. «Qui êtes-vous et que représentez-vous? Vous avez échoué aux élections deux fois!», lance le député de Zghorta au ministre des Affaires étrangères. Boutros Harb renchérit dans le même sens. M. Bassil force la dose. Il se sent visé et affirme que sans le CPL, les Kataëb et les Forces libanaises (FL), les chrétiens siégeant au sein du gouvernement ne représentent plus que 6% de la communauté. Ali Fayad, député du Hezbollah, tente de minimiser l’incident. «Cette petite mise au point entre Bassil et Frangié» a poussé le chef du CPL à suspendre sa participation au dialogue, a-t-il dit à l’issue de la réunion.
Après la séance, M. Frangié a clarifié sa position: il appuie les revendications du CPL mais pas ses méthodes. «Nous avons le courage de dire les choses en face. Les revendications justes ne justifient pas nécessairement tous les agissements», a-t-il poursuivi, en allusion à la décision du parti orange de boycotter le Conseil des ministres, afin de bloquer la reconduction du général Jean Kahwagi au commandement de l’Armée libanaise. «Nous nous opposons à l’injustice à l’égard des chrétiens, a-t-il dit. Notre chrétienté, notre patriotisme et notre arabité ne sont plus à prouver». Le chef des Marada a souligné qu’entre la nomination et la reconduction (du commandant en chef de l’armée), il opte pour la nomination. Mais entre le vide et la reconduction, il préfère la seconde option.
«Un grave échec»
Selon des sources proches du dialogue, le Conseil des ministres serait la principale victime de la crise politique. Toutes les parties gagneraient à réexaminer leurs positions.
Au terme de la séance, Gebran Bassil a déclaré que son camp avait présenté la question du Pacte national, le concept le plus honorable pour le pays. «Les agissements quotidiens, les nominations administratives, ainsi que le gouvernement ne sont pas conformes au Pacte», s’est-il insurgé. «Il est impossible, voire inutile, de continuer le dialogue si on ne reconnaît pas notre rôle et notre importance (…). Nous refusons cette injustice». «Le gouvernement poursuivra-t-il son travail si les ministres du Parti socialiste progressiste (PSP) présenteraient leur démission?», s’est-il interrogé.
Le ministre de la Santé publique, Waël Abou Faour, a estimé, lui, que le dialogue du lundi 5 septembre est «un grave échec». «Nous aurions souhaité que certaines forces politiques ne le provoquent pas», a-t-il poursuivi.
Le député Ghazi Aridi (qui représentait le PSP) a, pour sa part, déclaré: «Des développements politiques ont mené au report de la séance de dialogue à une date ultérieure non déterminée. (…) Toutes les parties sont bien conscientes du problème actuel». Aridi a souligné l’importance «de relancer l’action du gouvernement et du Parlement en attendant l’élection d’un président de la République».
Quoi qu’il en soit, entre le vide qui perdure à la première magistrature, un Parlement dont le mandat est prorogé, un gouvernement et des institutions paralysés, des nominations qui traînent, des dossiers qui peinent à se refermer… le pays tourne dans un cercle vicieux.
Karla Ziadé