Saad Azhari, président du Groupe Blom, analyse pour Magazine la situation du secteur bancaire et revient sur les sanctions américaines et leurs conséquences.
a dernière ingénierie financière de la Banque du Liban (BDL) lui a permis de reconstituer ses réserves en devises et même de les accroître pour atteindre un niveau historique, dépassant les 40 milliards de dollars. Le président du Groupe Blom, Saad Azhari, souligne que la BDL a trouvé le moyen d’inciter les banques à souscrire dans des eurobonds du gouvernement ou des certificats de dépôt de la Banque centrale en dollars, à plus ou moins long terme, reconstituant ainsi ses réserves pour pallier non seulement le déficit extérieur, mais aussi toute éventuelle détérioration de la situation politique ou économique du pays. D’autre part, les profits réalisés par les banques, à travers ces opérations, devront servir à constituer les provisions nécessaires lors de la mise en application de la nouvelle norme comptable IFRS9, à partir du 1er janvier 2018, précise-t-il.
Pour le règlement du malentendu passager entre les banques et le Hezbollah, la première version du projet de la loi américaine, visant à assécher le financement du Hezbollah, a été allégée, à la suite des contacts entrepris par l’Association des banques avec les instances américaines, afin de ne pas nuire aux relations bancaires internationales du Liban, souligne
M. Azhari, avant de poursuivre: «Les responsables libanais (délégation parlementaire, ministre des Finances, Association des banques, BDL) ont entrepris des contacts avec les autorités américaines, ce qui a entraîné une meilleure compréhension de la réalité libanaise et a prouvé l’attachement à la stabilité financière et sécuritaire du Liban. D’autre part, la BDL a émis, en mai dernier, des instructions visant à clarifier le mode d’application de cette loi, afin d’éviter tout excès dans son interprétation, tout en assurant la protection des banques».
M. Azhari regrette, par ailleurs, que le phénomène connu sous le nom de «De-Risking» prenne de plus en plus d’ampleur dans le monde. «Il est dicté par la crainte des grandes banques internationales (surtout américaines et européennes) d’être victimes de pénalités, souvent très élevées, à la suite de transactions avec ou en provenance de certains pays, jugées illicites ou interdites par des sanctions internationales, américaines, européennes ou autres (le cas le plus récent étant celui de la Deutsche Bank avec les autorités américaines)», dit-il, avant d’ajouter: «Ces mêmes sanctions obligent les banques correspondantes à supporter des charges exorbitantes pour surveiller toutes les transactions transfrontalières, ce qui les poussent à réduire leurs relations de correspondance et à les limiter aux banques ayant de bons systèmes de surveillance, notamment en matière de conformité (Compliance) et un volume important de transactions pour justifier de telles relations de correspondance».
Concentration des dépôts
«Je ne suis pas d’avis que les banques libanaises aillent à la recherche des dépôts quels que soient leur nature et les risques qui les entourent, poursuit le président du Groupe Blom. Les placements de fonds, souvent qualifiés de vautours, toujours à la recherche de nouvelles occasions plus rentables, peuvent entraîner un accroissement immédiat des dépôts dans le secteur bancaire libanais, mais la concentration des dépôts, qui entraîne un risque de retrait massif de ces fonds, constitue un aléa grave et une volatilité de la liquidité, qui exposent les banques à des situations qu’elles ne peuvent pas supporter».
Les banques doivent, en outre, s’assurer en permanence que les dépôts reçus de l’étranger ne sont pas entachés de risques de non-conformité aux règles internationales de lutte contre le blanchissement d’argent (fraude fiscale, activités illicites, corruption, terrorisme, etc.), conclut Saad Azhari.
Liliane Mokbel