Magazine Le Mensuel

Nº 3071 du vendredi 4 novembre 2016

Editorial

Afin que servent tous nos sacrifices

Vraiment incorrigibles ces Libanais!!! Hier encore, 14 et 8 mars s’écharpaient jusqu’à la moelle. Une rupture presque totale était dans l’air. Rien ne semblait pouvoir arranger les choses. Et voilà le général Michel Aoun promu au grade de candidat incontournable, puis de chef d’Etat.
Définitivement prévisibles ces Libanais!!! Emotionnellement, leurs convictions et leurs engagements semblaient inébranlables. Mais quand les intérêts commencent là où l’amitié et les sympathies finissent, le cynisme et l’opportunisme l’emportent. C’est qu’il faut absolument être à l’heure de l’échéance, du «bon» côté de l’Histoire, sous peine d’une longue traversée du désert.
L’accession de Michel Aoun, populiste et populaire, à la magistrature suprême est plus une nomination conjoncturelle, couplée à un deal, qu’une authentique élection. Qu’elle soit «Made in Lebanon» ou pas, cette désignation est le fruit d’un compromis, fondé sur des engagements locaux et régionaux, pris au nez et à la barbe des Libanais.
Dépassionnons le débat et penchons-nous de plus près sur cette nouvelle ère qui commence, sur ce tandem Aoun-Hariri qui, une fois au pouvoir, sera confronté aux mêmes problèmes et à la même conjoncture des années précédentes: une Amérique qui se désengage depuis un certain temps déjà de la région, réduisant du coup son soutien à son allié traditionnel, l’Arabie saoudite; une Russie poutinienne qui impose ses conditions de bloqueur, à travers la violence aveugle de sa puissante machine militaire. Ce n’est pas forcément à Bachar el-Assad que Moscou tient, mais à ses propres intérêts, en Méditerranée. L’Iran et le Hezbollah, au contraire, s’accrochent à Bachar et à la Syrie des Assad. Quant à la vieille Europe, elle se ferme face aux réfugiés et panique devant Daech et son terrorisme.
Dans l’attente d’un gouvernement, de la prochaine Administration américaine et de l’élaboration d’une nouvelle loi électorale au Liban, nous voilà déjà au printemps 2017.
Comment gérer le pays avec autant d’impondérables? Le Liban doit résolument se moderniser: nouvelles infrastructures, routes, télécommunications, électricité, fibre optique, eau, informatisation à outrance de toutes les administrations, afin d’aboutir à une décentralisation progressive de l’ensemble des services. Grâce aussi à une remise à niveau du personnel étatique, doublée d’une gestion rigoureuse de la sphère publique. Le Liban souffre, depuis des décennies, d’une administration lourde, vieillissante, coûteuse, inefficace et dépassée techniquement. Ces réformes indispensables permettront d’assurer le bien-être du citoyen, sa productivité et une meilleure qualité de vie, au-delà des éternels clivages politiques et confessionnels.
A lui seul, le montant des pertes abyssales de l’Electricité du Liban et de la corruption active aurait servi à financer une grande partie de la modernisation des installations. L’économie libanaise repose, depuis toujours, sur l’initiative privée. Cette constante ne doit pas changer mais, au contraire, se développer avec de nouveaux outils, des méthodes innovantes, des montages financiers modernes qui ont fait leur preuve un peu partout dans le monde, tels que le partenariat public privé et la privatisation.
Les miliciens et les seigneurs de la guerre ont repris le pouvoir, qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais vraiment lâché. Sauront-ils enfin répondre aux attentes des Libanais? Sauront-ils faire face aux graves échéances qui guettent le pays et la région?
Rattraper le temps perdu est une priorité. Dans ce pays de Cocagne et de glandeurs, notre survie et notre pérennité en dépendent.

Charles Abou Adal

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