Magazine Le Mensuel

Nº 3072 du vendredi 2 décembre 2016

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2017. L’année de la reprise?

L’élection d’un nouveau président de la République suffira-t-elle à changer la donne économique qui prévaut au Liban depuis le début de la guerre en Syrie? A quoi s’attendre en 2017? Enquête.

Deux jours à peine après l’annonce du soutien de Saad Hariri à Michel Aoun, la simple perspective d’une sortie de crise institutionnelle a suffi pour redynamiser la Bourse de Beyrouth. L’action de Solidere a ainsi directement grimpé de 9,5 $ pour atteindre un niveau de 13,25 $ et clôturer à 11,80 $ après cette annonce. L’élection d’un nouveau président de la République suffira-t-elle à changer la donne économique qui prévaut au Liban depuis le début de la guerre en Syrie? Peut-on s’attendre à une reprise semblable à celle connue par le pays du Cèdre après les accords de Doha en 2008?
Pour l’économiste Ghazi Wazni, «cela ne fait aucun doute que 2017 sera une année sensiblement meilleure que 2016. Le principal avantage d’un déblocage institutionnel sera le regain de confiance et de stabilité économique qui en résultera. La formation rapide d’un gouvernement sera la cerise sur le gâteau pour la confiance du consommateur et des investisseurs et pour l’atmosphère économique au Liban. Cela laissera surtout espérer un déblocage des dossiers économiques clés, tels que le gaz et le pétrole, qui attendaient, eux aussi, depuis longtemps, les élections».

Indicateurs dans le rouge
De son côté, l’économiste Charbel Cordahi rappelle que tous les indicateurs économiques et financiers sont dans le rouge depuis le début de l’année. «D’un côté, nous subissons, depuis 2011, les retombées de la guerre en Syrie (avec la présence de 1,5 million de réfugiés); d’un autre côté, nous payons les conséquences d’une situation économique morose dans la région, le tout associé à une perte de confiance interne et à une faible demande. La situation économique a atteint un seuil critique».
Selon M. Cordahi, si l’élection d’un président va, dans un premier lieu, freiner la dégradation des comptes publics et inspirer la confiance des acteurs économiques, la reprise de 2008 était surtout d’origine extérieure (crise financière mondiale et repli des capitaux sur les banques libanaises, engouement pour l’immobilier, hausse des prix de l’énergie). «Le retour à la croissance en 2017 dépendra, elle, de la rapidité de la mise en œuvre des réformes structurelles et financières», insiste-t-il.
Ghazi Wazni est plus optimiste et table sur une croissance qui pourrait dépasser les 2,5% en 2017, contre à peine 1% en 2016. «L’ensemble des indicateurs économiques devraient être plus favorables grâce à ce regain de confiance», précise-t-il.

Croissance à 3,3%
De son côté, l’Institut international de la finance (IIF) mise sur une croissance qui pourrait dépasser les 3% en 2017. «L’élection d’un président de la République, après 29 mois de vacance, pourrait bien améliorer, de manière significative, la confiance sur les marchés et changer la dynamique économique qui prévaut au Liban», écrit l’IIF. Cependant, l’organisation met en garde le pays contre les problèmes structurels que le gouvernement doit absolument résoudre, s’il souhaite parvenir à cette reprise de l’activité économique.
«Ces défis concernent les déficits budgétaires, les problèmes bureaucratiques, la détérioration des infrastructures, la lenteur des prises de décisions et le poids des conflits syrien et irakien sur le pays du Cèdre».
L’IFF prévoit ainsi une croissance à 3,3% en 2017, contre 1,4% en 2016 et une moyenne d’à peine 1,5% entre 2014 et 2016. L’Institut a souligné que l’élection présidentielle du mois d’octobre allait, sans doute, aider le pays à sortir de l’impasse politique qui paralyse les institutions depuis deux ans, et devrait ainsi conduire à une amélioration des investissements privés et des exportations de biens et services libanais, en particulier avec une amélioration des relations avec les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et si les voies de transports terrestres via la Syrie et la Jordanie venaient à rouvrir. Sur le moyen terme, l’IFF mise sur une croissance qui avoisinerait les 5% dans un environnement politique stable accompagné de réformes structurelles.
L’organisation prévoit également la stabilité de la livre par rapport au dollar, grâce à «des réserves officielles de devises (détenues par la Banque du Liban) d’environ 40 milliards de dollars» et des «réserves en or évaluées à 11 milliards de dollars».
Plus en détail, le tourisme, qui avait chuté de 40% entre 2011 et 2014, pourrait rebondir d’entre 10 et 15% selon l’estimation de Ghazi Wazni. «Nous pourrions même espérer une amélioration des relations libano-arabes et le retour de ces touristes au Liban, alors qu’ils nous boycottent depuis 2011», poursuit-il.
C’est également sur ces améliorations des relations libano-arabes que mise Pierre Achkar, président du Syndicat des propriétaires d’hôtels au Liban. «Avec la présidentielle, nous avons effectué 70% du travail; il reste à former rapidement un gouvernement, ce qui pourrait bien nous rouvrir les portes du Golfe».

Remplissage des hôtels
M. Achkar rappelle qu’avant la crise en Syrie, les touristes arabes représentaient plus que la moitié des visiteurs étrangers au Liban et 60% des dépenses détaxées. «Ils constituaient la base de notre activité touristique; ils venaient pour de longues périodes, entre 15 jours et un mois en été, mais aussi tout au long de l’année, durant les fêtes islamiques. Le retour de ces touristes au Liban pourrait faire passer les taux d’occupation des hôtels de 50% en moyenne durant l’été 2016 à 70 ou 80% l’été prochain».  
La contribution du secteur touristique au PIB est de 7,9%, soit près de 4 milliards de dollars directement. Indirectement, cette contribution s’élève à 18%.
Le secteur commercial devrait, lui aussi, bénéficier d’une hausse de son activité d’entre 10 et 15%.
De son côté, le secteur immobilier, largement au ralenti depuis 2011 (avec une baisse d’au moins 30% des transactions immobilières ces cinq dernières années), pourrait également se stabiliser, selon Ghazi Wazni.
«On recensait quelque 120 000 transactions par an en 2010 contre à peine 75 000 aujourd’hui, tandis que les prix ont baissé d’entre 15 et 20% pour les grands appartements».
La croissance du secteur bancaire pourrait, elle, dépasser les 7% en 2017 contre à peine 5% pour 2016. «Cela dit, cette croissance sera toujours affectée par la baisse des prix du pétrole dans la région et la stagnation des transferts des émigrés».
Selon les derniers chiffres de la Banque du Liban, ces transferts ont diminué en 2016, passant de 7,2 milliards de dollars à 7 milliards de dollars. En 2017, l’économiste mise sur une reprise de ces fonds dopée par le climat de confiance.

Soraya Hamdan
 

Pays à risques: recul du Liban
Le magazine Euromoney a classé le Liban à la 124e  place sur 186 et à la 15e sur 22 pays de la région Mena dans son enquête sur les pays à risques. Le Liban a encore reculé d’un cran dans le classement régional. L’étude de l’Euromoney évalue les risques des pays en fonction de six indicateurs: la politique, la performance économique, l’accès aux financements des banques et aux marchés de capitaux, les indicateurs de la dette, les notations de crédit et une évaluation structurelle. 

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