Beit Beirut ouvre enfin grand ses portes, le 12 avril, pour accueillir les visiteurs qui n’ont que trop attendu le retour à la vie de cet endroit mythique.
Située sur l’ancienne ligne de démarcation qui séparait la capitale en deux durant la guerre civile, à l’intersection de Sodeco et de la rue de Damas, se dresse fièrement la «Maison jaune», ou l’immeuble Barakat, construit en 1924. Longtemps occupé par les francs-tireurs, le bâtiment porte toujours les marques de l’agression du temps et surtout celles des stigmates de la guerre, que la rénovation a gardées parfaitement intactes.
C’est en 2003 que la municipalité de Beyrouth a décidé de transformer cet endroit en musée et centre culturel, dédié à la mémoire de la ville. «Ce lieu a plus de 90 ans d’âge. Nous ne lui avons pas fait de lifting. Nous l’avons gardé tel quel et nous l’avons conservé avec ses blessures actuelles dues à la guerre et à la vieillesse. Nous sommes souvent amnésiques dans ce pays et ceci est une initiative pour dire réellement, ‘plus jamais ça’», explique à Magazine Youssef Haidar, architecte en charge du projet.
Les meurtrières des francs-tireurs, les graffitis sur les murs, l’impact des balles et des obus, les sacs de sable, les barricades… tout est encore là. Un tour effectué au premier étage permet de prendre conscience de ce que devait être le lieu en ces temps-là. Une rampe remplace les escaliers détruits par les snipers. Le deuxième étage comprend des espaces d’exposition sur le thème de l’histoire; au troisième figurent des espaces d’expositions ouverts, tandis qu’un restaurant doit être aménagé sur la terrasse.
Dix-huit millions de dollars
Une infrastructure moderne épouse la vieille bâtisse et en fait partie intégrante. Sur une superficie de 6 000 m2, l’immeuble Barakat réunira un musée et un espace destiné à accueillir des expositions de 2 000m2. Un lieu de travail pour 40 chercheurs, un auditorium de 200 places, un autre de 65 places, une salle d’archives de 1 000m2, une librairie publique pouvant contenir 5 000 livres, une boutique de souvenirs, une cafétéria et un restaurant, prendront également leur place dans la bâtisse. Ce projet, financé par la municipalité de Beyrouth en étroite collaboration avec la mairie de Paris, a coûté 18 millions de dollars.
Inas Abou Ayache, dont l’association qui porte son nom a offert la bibliothèque et la boutique d’artisanat, est chargée de l’organisation de l’inauguration, qui aura lieu en présence du président de la municipalité de Beyrouth Jamal Itani, le 12 avril. Plusieurs activités sont prévues pour redonner vie à cette construction dont les murs ont été témoins de toute un pan de l’histoire de Beyrouth. Un takht oriental jouera de la musique arabe, l’acteur Rafic Ali Ahmad présentera un show d’une dizaine de minutes devant les bustes à l’image des artistes qui ont fait la gloire du Liban: Fayrouz, les frères Rahbani, Caracalla et bien d’autres. Sur les barricades installées par les francs-tireurs au 1er étage, des fleurs seront déposées en mémoire de tous ceux qui sont tombés. Se souvenir… pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Joëlle Seif