Hygiène, exigence religieuse, pratique culturelle? La circoncision fait, depuis longtemps, l’objet de multiples controverses. Faut-il circoncire ou pas un nouveau-né? Magazine tente de donner une réponse à cette question.
Au Liban, près de 93% des musulmans sont circoncis. A la question de savoir pour quelle raison les 7% restants ne le sont pas, une enquête menée par la Faculté de médecine de l’USJ précise que cette omission est due à un oubli ou à une négligence de la part de certaines familles. Bien que, chez les chrétiens, cette pratique ne constitue en aucun cas un rite religieux, il n’en demeure pas moins qu’environ 45% d'entre eux sont circoncis. Pour expliquer ces chiffres, il faut revenir vingt ans en arrière. Dans les années 80 et 90, une tendance en provenance des Etats-Unis se répand dans le monde entier: la circoncision que l’on appelle «hygiéniste» ou «médicale». D’où vient cette pratique?
Aux origines
La circoncision consiste en une ablation du prépuce chez l’individu de sexe masculin. Cette pratique existe depuis la très Haute Antiquité. Maints experts ont tenté de donner des explications à ce phénomène. Qu’est-ce qui pousserait un être humain à se débarrasser d’une partie de son corps? La réponse n’est pas évidente. D’après le Dr Roland Tomb, dermatologue et Doyen de la Faculté de médecine de l’université Saint-Joseph, l’histoire fournit quelques éclaircissements. «En Egypte pharaonique, seuls les prêtres étaient circoncis. Il s’agissait alors d’une pratique à la fois rituelle et religieuse. Dans le judaïsme, la circoncision est apparue il y a très longtemps. Elle est fixée au 8e jour de la naissance. Dans l’islam, la circoncision existe à n’importe quel âge sans pour autant être codifiée comme c’est le cas pour le judaïsme. La tendance n’est à aucun moment mentionnée dans le Coran, bien qu’elle figure dans le Hadith du Prophète», explique le médecin.
En Europe, la circoncision n’existe pratiquement pas. Sauf qu’au XVIIIe siècle, un grand problème est survenu en société: toute les maladies (paralysie, démence, etc.) sont attribuées à la pratique de la masturbation, indique le Dr Tomb. Pour y remédier et empêcher les gens de pratiquer l’onanisme, un seul remède: la circoncision. Une solution pourtant inappropriée, puisque d’une part, la masturbation n’est pas une maladie et d’autre part, la circoncision ne la «réprime» pas. Plus tard, il a été considéré que la circoncision constituait une prévention contre les infections urinaires, contre le cancer, contre le sida (dans les années 2000). Or, le pays où il y a le plus grand nombre de circoncis mais aussi le plus grand nombre de malades de sida (après l’Afrique) est les Etats-Unis.
Insatisfaction sexuelle et éthique
Des controverses sont nées autour du rapport entre circoncision et diminution du plaisir sexuel. Au XIIe siècle, un grand philosophe juif, Moïse Maïmonide, affirmait que la circoncision est utile puisqu’elle diminue le plaisir sexuel chez l’homme, alors plus enclin à se consacrer à la prière. Même si cette assertion n’est pas tout à fait correcte, le sexe masculin est susceptible de devenir moins sensible après circoncision (le prépuce contenant une muqueuse sensorielle spécifique). En milieu médical, nombre de complications peuvent survenir comme les infections, le sida, les risques d’hémorragie et de mutilation accidentelle, les rétractions à l’âge adulte, etc.
Au point de vue éthique, on considère que la circoncision est une mutilation qui n’a pas de raison d’être. Les différents motifs la justifiant ont évolué au fil du temps, sans qu’aucun ne soit réellement valable ou fondé scientifiquement. Beaucoup de pays nordiques interdisent aujourd’hui cette pratique. En mai 2012, le tribunal de grande instance de Cologne en Allemagne a déclaré la circoncision illégale, considérant qu’il s’agissait d’une atteinte à l’intégrité corporelle. Toutefois, en décembre 2012, le Bundestag a voté une loi l'autorisant pour motifs religieux, tout en l’encadrant avec le devoir de «respecter les règles de la médecine et de traiter efficacement la douleur». En Angleterre, même pour des raisons cultuelles, l’accord écrit du père et de la mère est exigé. Juridiquement permise au Liban, la circoncision se fait dans la phase néonatale, bien que les pédiatres du pays n’y sont pas forcément favorables.
En langue française, la circoncision concerne uniquement les garçons. En revanche, en anglais, on parle de circoncision masculine et de circoncision féminine (désignée en français par le terme d’«excision»). La pratique est presque la même, dans le sens où la circoncision chez les hommes consiste en une ablation du prépuce, alors que chez femmes, elle comprend plusieurs stades. Non pratiquée au Liban, on la retrouve surtout dans les pays d’Afrique subsaharienne, en Egypte et au Maghreb. Des raisons culturelles et religieuses justifient le recours à l’excision dans ces nations.
Natasha Metni