Semaan Bassil, Pdg de Byblos Bank, répond aux questions de Magazine concernant les grandes lignes de la stratégie de la banque. Les idées-clés tournent autour de l’excellence des services à la clientèle, d’une prudence dans la prise de risque, du soutien à la politique de la BDL et, surtout, du renforcement continu de l’organisation et des ressources humaines de la banque pour qu’elle soit mieux préparée aux futurs défis.
Quelle est la vision stratégique de Byblos Bank portant sur la concurrence serrée des banques commerciales libanaises, vu la saturation du marché et la forte bancarisation dans le pays? Sachant que ces facteurs provoquent des soucis même au niveau des banques de la catégorie Alpha, dont fait partie Byblos Bank?
Les banques libanaises disposent, plus ou moins, de produits et de services bancaires similaires. La Byblos Bank continue à investir dans ses efforts pour assurer un service de haute qualité à ses différents clients, tout en étant à l’écoute de leurs demandes pour mieux satisfaire leurs besoins.
De plus, la banque poursuit ses projets visant à simplifier et informatiser ses activités en optant pour les outils les plus avancés des nouvelles technologies bancaires, afin de mieux servir sa clientèle. En effet, Byblos Bank s’est positionnée à la pointe de l’innovation en obtenant récemment un prix d’excellence dans ce domaine pour le lancement de la première application de paiement mobile dans la région, ByblosPay, et la mise sur le marché du service d’émission instantanée de cartes bancaires, disponible dans nos agences à travers le Liban.
Vous avez opté pour une déconsolidation de votre entité libanaise par rapport aux autres qui se trouvent à l’étranger et une politique très conservative qui s’est reflétée par une baisse du niveau de vos profits au 1er semestre de 2017. Pourquoi?
Les résultats financiers de Byblos Bank pour l’année 2016 et pour les six premiers mois de 2017 sont conformes au niveau de l’appétit de risques que la banque s’est assignée à respecter. Depuis plusieurs années déjà, la direction de Byblos Bank, soutenue par son conseil d’administration, mène une politique prudente dans la prise de risques. L’objectif étant de renforcer ses actifs liquides, de maintenir un portefeuille de crédit sain et d’assurer continuellement des fonds propres solides, afin d’amortir des chocs potentiels pouvant provenir de l’instabilité locale et régionale sur le plan économique, financier et sociopolitique.
Nous opérons déjà, depuis plusieurs années, dans certains pays émergents à fort potentiel économique (exemple: Afrique, Proche-Orient) ainsi qu’en Europe (Paris, Londres, Bruxelles). Certains de ces marchés émergents ont été affectés soit par des sanctions économiques, soit par des conflits militaires, soit par la baisse de leurs revenus, à la suite de la chute des prix du pétrole. Nous avons donc décidé de déconsolider nos investissements dans nos filiales dans deux de ces pays afin de préserver et d’optimiser la performance et la solidité financière de la banque à long terme. Cependant, nous nous préparons activement, en interne, à assurer les outils, les hommes et les femmes adéquats, afin d’être prêts pour profiter des retournements positifs dans les pays où nous opérons. Par ailleurs, nous continuons à étudier de nouvelles opportunités qui peuvent se présenter à notre groupe, que ce soit au niveau local ou international.
Il est clair que la Banque du Liban joue un rôle important pour doper la croissance économique. Elle s’occupe de la politique monétaire et du contrôle des institutions financières mais elle assume également un rôle essentiel au niveau de la politique économique, à savoir celui du financement en partie des déficits du budget et de la stérilisation ensuite des liquidités qui en découlent, pour maintenir sa masse à un niveau acceptable. Que proposez-vous pour mettre fin à ce phénomène anormal au sein des compétences de la banque centrale?
Et que pensez-vous de l’ingénierie financière de la BDL?
Il est impératif que le gouvernement s’attelle rapidement à mener des réformes sérieuses et en profondeur dans le secteur public afin de mettre un terme au gaspillage, d’améliorer l’efficacité de l’administration publique pour mieux servir le citoyen contribuable et rétablir sa confiance, ainsi que de stimuler des flux d’investissements nécessaires en provenance de l’étranger.
La Banque du Liban est une institution publique qui travaille de manière très efficace dans l’intérêt de l’économie libanaise et de la société libanaise, tout en adhérant aux règlements de prudence internationaux du secteur bancaire. Cela a largement contribué à la stabilisation monétaire et financière du Liban. En tant que citoyens libanais, nous devons faire de notre mieux pour protéger cette institution, afin qu’elle puisse continuer à nous protéger et jouer son rôle.
L’ingénierie financière de la banque centrale a permis, en gros, de renforcer ses réserves en devises étrangères à court terme, un indicateur important pour les agences internationales de notations qui peuvent influencer fortement le coût que l’Etat et le secteur privé pourraient payer pour emprunter sur le marché international. Des réserves en devises très basses peuvent faire chuter la notation du Liban et du coup augmenter le coût du crédit pour les entreprises au Liban. D’autre part, cette ingénierie financière permet aux banques de dégager un profit non-récurrent qui les oblige à les mettre en réserve pour satisfaire les nouvelles réglementations internationales de prudence ainsi que pour couvrir d’autres types de risques. Cela n’est pas nouveau, même à l’étranger, différentes banques centrales (comme en Europe ou aux États-Unis) entreprennent certaines ingénieries financières pour améliorer leurs économies et renforcer leur secteur bancaire.
Quelles sont vos prévisions économiques pour le Liban à court et moyen termes?
Nous nous attendons à une amélioration des conditions économiques et politiques au Liban dans les années à venir, suite à un début de prise de conscience de la part de certains politiciens sur la nécessité de prendre
des décisions difficiles. Nous travaillons à différents niveaux pour être bien préparés à réagir activement lors de la reprise de l’économie, grâce au financement par les banques d’une partie importante des infrastructures du pays.
Liliane Mokbel