Cyril Dion participera au prochain Salon du livre. Celui qui a coréalisé le documentaire Demain, y présentera son premier roman, Imago (Actes Sud).
Pourquoi avoir placé votre premier roman dans un contexte israélo-palestinien? On ne vous attendez pas forcément là…
J’ai commencé à l’écrire en 2006 alors que j’organisais des congrès israélo-palestiniens et des congrès d’imams et de rabbins pour la paix avec la fondation Hommes de Parole. Entre 2002 et 2007, j’ai passé pas mal de temps en Israël, en Cisjordanie… Lorsque les personnages ont commencé à apparaître, certains se sont donc retrouvés dans ce contexte car je le fréquentais beaucoup… Cela a certainement frappé mon imagination.
Parlez-nous de Khalil et Nadr, deux frères au cœur du roman, que tout semble opposer?
En 2004, j’ai eu l’occasion de rencontrer dans la même journée Yasser Arafat et Mahmoud Darwich à Ramallah. Le chef du protocole d’Arafat qui m’accompagnait m’a dit: «Aujourd’hui tu as vu les deux monstres sacrés de la Palestine». J’étais très frappé que l’un soit le chef de guerre, le chef politique et l’autre le poète. Il m’a semblé qu’il y avait là deux réponses possibles à la situation tragique dans laquelle se trouvent les Palestiniens. Nadr et Khalil incarnent ces deux trajectoires: l’une qui choisit l’affrontement, l’autre qui cherche à construire du sens en incluant mais en transcendant le contexte dans lequel il vit.
Qu’est ce que l’imago? Quelles métamor-phoses vont subir vos personnages?
L’imago caractérise le stade final d’évolution d’un individu. C’est un terme plutôt utilisé pour les insectes. Typiquement le papillon est l’imago de la larve.Chacun des personnages cherche à opérer cette mue, à se dégager du cocon qui l’enferme dans une existence définie par des circonstances extérieures (ses souffrances d’enfants, son appartenance religieuse, politique, le territoire où il vit…) pour trouver une forme de liberté, d’individuation.
Vous y parlez de terrorisme, de géopolitique, mais est-ce pour autant un roman politique?
Il s’agit avant tout d’un roman sur l’enfermement et la liberté. Il interroge des trajectoires intimes qui évoluent dans des contextes contemporains certes, avec des attentats, des conflits, mais pour sonder les ressorts qui permettent à chacun de trouver l’espace de faire ses propres choix. De développer sa propre façon d’être au monde, en dehors de chemins tous tracés par les circonstances extérieures. C’est d’autant plus intéressant lorsque ces circonstances sont puissantes: l’embrigadement religieux, la croyance quasi dogmatique dans le néo-libéralisme, l’enfermement physique à Gaza… Dans le livre, certains personnages parviennent à une forme d’imago et d’autres non…
Vous sortez également Demain entre tes mains, avec Pierre Rabhi. De quoi s’agit-il?
C’est un livre qui tente d’expliquer aux enfants de 10-12 ans ce qui se passe aujourd’hui sur la planète, pourquoi et ce que nous pouvons faire. Là encore, c’est un ouvrage qui parle de trouver un sens à sa vie, de sortir des sentiers battus, de la pensée préformatée. Je suis parti des petites histoires que Pierre raconte souvent, qui sont simples, drôles, profondes pour tirer les fils de la pelote: pourquoi détruisons-nous tout sur la planète, pourquoi certains sont riches à millions et d’autres ne mangent pas à leur faim, comment agir au quotidien et, plus largement, qu’est-ce que tout ça raconte de notre rapport à la mort, au travail, à l’autre.
Jenny Saleh