Diplomate, poète, essayiste, ancien responsable de L’Orient littéraire qu’il a fondé, Salah Stétié a beaucoup lu, écrit et voyagé. Il nous présente une belle encyclopédie consacrée aux oasis, une superbe invitation au voyage qu’il signera lors du salon du livre de Beyrouth. Interview.
Pourquoi rendre cet hommage aux oasis ?
En cette époque où notre petite planète bleue est exposée à des menaces considérables contre lesquelles les écologistes du monde entier, dont moi-même, se battent chaque jour avec l’espoir de ramener les quelques gouvernants récalcitrants à la raison et à une plus juste appréciation des périls qui nous guette tous, tant que nous sommes, l’oasis m’est apparue comme une réserve naturelle pour sauver exemplairement le sauvable. Pour, en quelque sorte, constituer le symbole d’un retour à une logique naturelle de la vie aussi bien pour les humains que pour les animaux et les plantes. L’histoire (et aussi bien la préhistoire) de l’oasis, notamment dans sa version saharienne, remonte très loin dans le temps au niveau de tout le sud saharien et méditerranéen. Les historiens, notamment grecs et latins, étaient fascinés par cet immense espace faussement vide, en réalité tout grouillant de faits vrais et de légendes fabuleuses. C’est cette panoplie de raisons vitales, intellectuelles, pénétrées de fables et de légendes (dont celle de l’Atlantide) qui m’a amené à consacrer deux ou trois ans d’études et de réflexions personnelles à cet espace mi-réel, mi-imaginaire, de notre présence sur terre. La contrepartie de la disparition éventuelle de l’oasis serait l’annonce de notre propre disparition.
Quel est votre message à travers cet ouvrage?
Je me suis promené dans beaucoup d’oasis sahariennes et même saoudiennes et irakiennes. Cela a été pour moi une grande jouissance intellectuelle et poétique. J’adore les bédouins, les chameaux, dont le nom jamal a donné naissance en arabe au vocable jamâl qui signifie la beauté, et les palmiers-dattiers aux fruits arrachés au soleil et à son intense rayonnement. Vive donc l’oasis!
Diplomate, qu’est-ce qui vous procure l’envie d’écrire?
L’envie, le goût, le besoin d’écrire était en moi bien avant la diplomatie. J’écris parce que j’aime la langue comme on aime une femme. J’écris pour vivre. La diplomatie a été ma profession, mais l’écriture, elle fut et demeure toujours ma passion.
Pourquoi écrivez-vous?
J’écris pour communiquer aux autres mon monde intérieur. J’écris pour me faire des amis. «Des amis inconnus» disait le poète français Jules Supervielle que j’ai eu le bonheur de connaître (j’avais 20 ans) et de fréquenter jusqu’à sa mort. C’était, sans le savoir, un grand écologiste, ce mot n’existant pas encore.
Dans quels livres vous retrouvez-vous le mieux?
J’aime la grande poésie, qui fût de langue arabe (la jâhiliya, Ve siècle) ou française, ou autre. Je suis moins sensible au roman. La poésie est un langage vertical. Le roman, qui est prose, est circonstanciel et, plutôt que métaphysique, il est événementiel. Mais j’aime aussi certains romanciers qui se trouvent être également de grands poètes comme Marcel Proust, en France, Henry James ou encore William Faulkner aux États-Unis. Dans ce type de roman-là, je me retrouve.
Christiane Tager Deslandes