Magazine Le Mensuel

Nº 3095 du vendredi 2 novembre 2018

general Restauration

Le vegan pénètre le marché

«Manger la conscience tranquille». Tel est le leitmotiv de ces jeunes restaurateurs qui n’ont qu’un objectif: démonter les idées reçues sur le veganisme.
 

Cela fait cinq mois qu’Omar Ghandour, 33 ans, et Héloïse Delastre, 24 ans, ont ouvert Luna’s Kitchen à Hamra, à côté de l’Université américaine de Beyouth. «On voulait pouvoir manger la conscience tranquille. Les conditions dans lesquelles sont élevées les animaux sont très cruelles», explique Héloïse. Le restaurant sert des menus vegan, c’est-à-dire exempts d’ingrédients d’origine animale. Pour les pizzas par exemple, une préparation à base de noix de cajou remplace le fromage, les burgers sont quant à eux réalisés avec des steaks de betterave et les hots dog avec des saucisses de soja. Pour faire les sauces, le lait de vache trouve son alternative dans le lait d’amande et de coco. «Il y a beaucoup d’aprioris sur le vegan. On voulait montrer aux gens que ça n’est pas si cher, pas si bizarre et qu’on peut manger de tout», poursuit la jeune femme. Ouvert 24h/24, Luna’s Kitchen accueille une clientèle essentiellement jeune, en raison de sa proximité avec l’AUB. Parmi eux des vegan, mais aussi des non vegan. «C’est 50/50», assure-t-elle.
Laurena, Eva et Erika Saadé, partenaires de Ballouta, ont succombé au vegan il y a cinq ans. En 2013, c’est depuis leur cuisine à Zouk que les trois sœurs commencent à commercialiser leurs viande et fromages végétaux. Des mets à base de seitan (sorte de pâte au gluten), de PVT (protéine végétale texturée) ou encore de soja. «Je me suis convertie au vegan et ne trouvais pas d’autres options que des salades. J’ai commencé à concocter des recettes moi-même, j’ai essayé de les vendre et l’on s’est rendu compte qu’il y a une grosse communauté vegan au Liban qui ne cesse de grandir», raconte Laurena Saadé, 26 ans, diplômée de l’école hôtelière Al-Kafaat. Outre son menu salé –burgers, tacos, etc.- Ballouta propose gâteaux en tous genres; donuts, chouros, tartes… Fournisseurs jusqu’à présent pour plusieurs cafés et magasins bio, les trois jeunes femmes prévoient d’ouvrir très prochainement leur propre boutique. Elles aussi entendent démonter les idées reçues sur le véganisme. «On veut montrer aux gens que contrairement à ce que beaucoup pensent, être végétalien n’est pas si difficile que ça», poursuit Laurena. Ces dernières années, plusieurs cessions de sensibilisation et événements culinaires vegan ont été organisées par Ballouta afin de vulgariser ce mode de consommation.

Le coût
Aligner ses pratiques alimentaires sur une philosophie du respect de la cause animale peut toutefois s’avérer coûteux. «Les produits disponibles sur le marché sont très chers», reconnaît Laurena. «C’est pour cette raison que nous faisons nous-mêmes 90% des produits que nous utilisons». Le fromage végétal se vend ainsi autour de 15 000 LL les 100 grammes. «Au même prix, on fait un kilo à la maison», souligne-t-elle. Idem pour le seitan, vendu autour de 20 000 LL les 200 grammes. Au même coût, Laurena en produit cinq fois plus chez elle. Pour Héloïse Delastre, au contraire, le vegan n’est pas plus cher que les concepts de restauration classiques. «On contrebalance les ingrédients», explique la gérante. «Le lait d’amande est un peu plus cher que le lait de vache mais en même temps la betterave qu’on met dans le cheese burger est moins coûteuse que la viande». En réalité, le vegan est surtout onéreux quand il rime avec organique. Un choix que se sont refusés à faire les propriétaires de Luna’s Kitchen et Ballouta. «On s’est posé la question mais pour le coup ça coûte plus cher», confie Héloïse, qui propose un ticket moyen de 30 000 LL pour deux personnes. Pour Chantal Salloum, directrice de Breakfast Barn, un concept de petits déjeuners vegan 100% organique, l’alliage des deux représente un défi de taille. «Les produits issus de l’agriculture biologique sont extrêmement chers. En même temps, nous nous devons de proposer des plats abordables aux clients qui sont habitués à petit-déjeuner pour 5 000 LL», résume-t-elle.

Par Philippine de Clerment-Tonnere

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