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Nº 3096 du vendredi 7 decembre 2018

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Immeuble de l’Union. La restauration d’un bâtiment historique

La restauration du légendaire immeuble de l’Union,à Beyrouth, donnera-t-elle l’exemple aux promoteurs qui achètent à tour de bras les anciennes bâtisses pour les démolir et les remplacer par des tours?

En 2014, Ali Hassoun, achète à la compagnie d’assurance al-Ittihad al-Watani le bâtiment historique de l’Union, à Sanayé. A l’époque, la crise de l’immobilier commence juste à se faire sentir. La mise en vente de cet immeuble, partiellement occupé par une poignée d’anciens locataires, avait alors provoqué de vives réactions. Des acteurs de la société civile arguaient que le nouvel acheteur, à la tête de Verdun Trading Contracting Company et promoteur de la très moderne et luxueuse Verdun Twins, conçue par feu Pierre Khoury, projetait de démolir le bâtiment pour y construire à la place une tour.
Avant la guerre, des compagnies prestigieuses et des personnalités politiques de renom avaient pris leurs quartiers dans l’immeuble de l’Union. Le promoteur affirme avoir été attiré par le caractère historique et unique de cet imposant bâtiment et par son emplacement stratégique, en face du jardin de Sanayé. Il assure n’avoir eu aucune intention de le démolir et l’avoir choisi pour ce qu’il représentait. «Même les chauffeurs de taxi savent quand vous leur dites immeuble de l’Union», raconte Ali Hassoun à Magazine. Le promoteur rappelle le passé de cet immeuble, étroitement lié à celui du Liban. Tapline, Air India, Iran Air, Reuters, CBS News y avaient élu domicile, de même que Hajj Hussein Oueiny, qui fut Premier ministre, Youssef Salem, ministre, Désiré Kettaneh, concessionnaire de Audi, etc. En même temps résidentiel et commercial, l’immeuble était l’un des rares centres d’affaires connus de la ville, à l’instar de Starco et de Gefinor.

Immeuble pré-moderniste
Pour rénover ce lieu symbolique conçu par les illustres Lucien Cavro et Antoine Tabet, le nouveau propriétaire n’a pas lésiné sur les moyens. Il a fait appel à des architectes et entrepreneurs de renom, comme Karim Nader, qui compte à son actif, notamment, la Villa Kali à Batroun, Amchit Residence et les bureaux de la Capital Market Authority sur le campus de la Banque du Liban. M. Nader se dit «agréablement surpris de rénover et non pas de démolir. C’est l’occasion de ne pas aller en hauteur et de rester dans une morphologie proche de la terre de Beyrouth». L’architecte est ravi du choix du propriétaire de «conserver le bâtiment sachant que beaucoup d’immeubles de cette époque ont été détruits et que peu d’entre eux avaient cette taille. L’Union est un bâtiment pré-moderniste (transition entre la période décorative et la période moderniste de la capitale) d’une excellente qualité de construction et d’un grand luxe, ajoute Karim Nader. Construit en 1952, il est plutôt en bon état. Les travaux avaient été très bien exécutés, évitant les problèmes d’étanchéité ou autre». La façade sera néanmoins ravalée et le travail de l’architecte a consisté à «faire dialoguer une période et une autre». «Il ne s’agit pas pour moi d’une simple rénovation mais plutôt d’une retour vers le futur, de donner au bâtiment un souffle nouveau et contemporain», explique-t-il. «Mon approche n’est pas nostalgique, c’est une vision de renouveau. L’objectif est de ne pas faire disparaître le design original, mais seulement d’intervenir lorsque cela a été nécessaire pour rendre l’immeuble plus sûr, plus léger et plus agréable pour l’usager». «J’ ai cherché à contraster l’architecture un peu trop présente de cette époque avec des idéaux contemporains de légèreté et de végétal: mur végétal matelassé hydroponique;  tissage de fil d’eau au plafond qui reprend le cannage des charges en paille et les losanges au sol, dans une interprétation contemporaine de certains motifs traditionnels; tissage de lattes de bois, variations sur l’idée du cannage dans la salle de réunion commune; balcons et terrasses plantées, pergolas; capitalisation sur les gaines comme source de lumière pour éclairer les bureaux».

Le challenge des parkings
Le développeur et l’architecte ont opté pour une lecture pragmatique des lieux qu’ils ont reprogrammés : rez-de-chaussée commercial: magasins et brasserie; six étages de bureaux exclusivement et deux derniers étages résidentiels. Les superficies des bureaux varient entre 118 m2 et 240 m2 ; chaque étage fait 1 800 m2  et peut aussi faire l’objet d’un open space. Six appartements/villas sur les deux derniers étages, de 275 à 750m2 , y compris des duplex. Le traitement de la façade est prévu, de même que celui des fameuses sculptures de Jean Dorier à l’entrée. Celle-ci, majestueuse, compte aussi deux mosaïques d’Henri-Pierre Fortier.
Les parkings ont constitué le principal défi. L’immeuble n’en comptait qu’un seul. Des techniques d’avant-garde ont été employées pour en créer trois autres. L’exécution des travaux a été confiée à des entrepreneurs de grand standing, qui ont notamment réalisé au Liban les hôtels Kempinsky et Phœnicia.
La rénovation de l’immeuble de l’Union devrait être achevée d’ici un an et demi à deux ans. Le développeur, qui espère pouvoir vendre bientôt, table sur le fait que le bâtiment n’a pas d’équivalent et s’adresse à une clientèle spéciale. Il souligne néanmoins que le problème au Liban est que «le client compare des mètres à des mètres plutôt qu’un immeuble à un autre; il ne regarde pas les spécifications.
Cela commence à changer. Par le passé, il courait pour acheter, aujourd’hui, il commence à apprécier».
La phase de marketing devrait commencer en décembre. Ali Hassoun espère que «le pays se portera mieux» mais déplore «l’absence de soutien de la part de la municipalité de Beyrouth et des autorités: pas d’exemption fiscale ni de traitement privilégié, et encore moins de facilités dans les formalités, alors qu’au lieu de démolir il est en train de restaurer. Pas de prêts subventionnés non plus. Pas d’appui du ministère de la Culture, qui a pourtant lui-même octroyé le permis pour la restauration. «Le gouvernement n’encourage pas les initiatives individuelles», déplore le promoteur.

Nicole Hamouche

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