Depuis quelques années, la commercialisation des produits sans gluten explose. S’agit-il d’une simple tendance ou d’un véritable besoin à la suite d’un diagnostic médical? Enquête.
Qu’il s’agisse d’une mode en vogue ou d’une nécessité due à une réelle intolérance au gluten, la consommation de produits estampillés «gluten free» est en hausse. Comment être sûr de la fiabilité de ces denrées vendues (dans les restaurants et dans les supermarchés)? Quelle est la loi libanaise qui règlemente la production, l’emballage et la mise en vente de ces produits? Cette loi est-elle appliquée?
Sur le plan de la santé publique, il faut d’abord savoir si l’intolérance au gluten est avérée ou sujette à un simple phénomène de mode ou de régime alimentaire. D’après le Dr Adib Moukarzel, gastroentérologue et pédiatre, l’intolérance au gluten est une maladie auto-immune, où le corps va réagir d’une certaine façon, contre l’intestin, considéré comme un organe étranger. Cette maladie est engendrée par une réaction contre le gluten, une protéine présente dans le blé. Elle est permanente chez certains individus génétiquement prédisposés à en être atteints. Deux principaux facteurs favorisent la survenue de cette maladie: un facteur génétique et un facteur environnemental (populations dont l’alimentation est majoritairement composée de gluten. Le corps développe alors une réaction contre l’intestin dans certains cas).
QUELLES MANIFESTATIONS ?
Que se passe-t-il exactement lorsque l’on ingère des aliments à base de gluten? Dans les intestins, il existe des villosités qui constituent des digitations. Celles-ci vont permettre d’augmenter la surface d’absorption de l’intestin grêle qui fait 3 à 4 mètres de long. La surface sans villosités qui le compose est d’environ 1 m2. Avec l’apparition des digitations, cette surface augmente jusqu’à atteindre 50m2 ce qui fait que la maladie cœliaque (ou intolérance au gluten) va détruire les villosités de l’intestin. Ce phénomène est étroitement lié à la présence de gluten. Toutefois, la consommation de gluten ne présente pas les mêmes effets chez tous les individus. Le facteur le plus déterminant est le facteur génétique. C’est le corps qui considère que, parce que le gluten a modifié les villosités intestinales, l’intestin constitue un corps
étranger. S’ajoute à ce facteur celui d’une industrie agroalimentaire qui recourt aujourd’hui, de plus en plus, aux amidons modifiés dans la préparation des aliments contenant du gluten. De quoi provoquer une intolérance, le corps humain étant incapable de digérer de telles substances, faute d’«équipement enzymatique optimal».
Quels symptômes?
Chez les enfants, comme chez les adultes, le symptôme le plus fréquent est la diarrhée chronique. Pour les premiers, c’est partir de l’âge de six mois, au moment où ils commencent à consommer des céréales (après l’allaitement) que cette atrophie des villosités se développe progressivement. Malabsorption, ballonnement de l’abdomen, diarrhée persistante, retard de croissance (de point de vue taille et poids), autant de symptômes à ne pas négliger. D’autres signaux peuvent être également alarmants: une anémie qui ne répond pas aux traitements par le fer, des vomissements à répétition, des ballonnements abdominaux sans diarrhées, des problèmes hormonaux, etc. Par ailleurs, les personnes souffrant de diabète de type pédiatrique (dit infantile), la trisomie 21, le syndrome de Williams, l’hépatite, etc. sont plus sujettes à la maladie cœliaque.
Maladie ou effet de mode?
Même si cela fait une vingtaine d’années que la maladie cœliaque est diagnostiquée et même si ce n’est qu’en 1960 que des chercheurs et médecins américains ont commencé à s’y intéresser, il n’en demeure pas moins que c’est récemment que les gens cherchent à s’approprier les produits «gluten free». Comme la plupart des tendances «importées» des Etats-Unis, le régime sans gluten en fait partie. Le phénomène débute donc en Amérique et prend de l’ampleur à l’échelle mondiale, lorsque des stars (acteurs, chanteurs, etc.) vantent les mérites d’un régime alimentaire sans gluten: énergie, minceur, ventre plat, … De là, c’est la moitié de la planète qui se déclare «intolérante au gluten», souvent sans diagnostic médical. En réalité, uniquement 3% de la population mondiale souffre de la maladie cœliaque. Cet effet sur le poids n’est toutefois pas durable.
NATASHA METNI TORBEY