Le projet de budget 2019 proposé par le ministre Ali Hassan Khalil prévoit une réduction du déficit à travers une compression des dépenses de l’Etat. Toutefois, les mesures envisagées semblent plus motivées par le souci de répondre aux attentes de la communauté internationale afin de débloquer les fonds de la conférence Paris IV que par une réelle volonté d’assainir sérieusement les finances publiques et de jeter les bases d’une réforme sur le long terme. Le texte initial examiné par le Conseil des ministres mardi, et qui sera revu à maintes reprises avant d’être voté par le Parlement, prévoit des dépenses de 26 031 milliards de livres et des recettes de 18 256 milliards, soit un déficit de 5 352 milliards de livres, ou 3,55 milliards de dollars. Conformément à ces chiffres, le déficit s’élèverait à 5,95% du Produit intérieur brut (PIB). Mais c’est sans compter les avances octroyées à l’Electricité du Liban (EDL) pour acheter le fuel, qui seraient de 1,13 milliard de dollars, ce qui signifie que le déficit réel avoisinerait les 8% du PIB. Cette tentative d’enjoliver les chiffres prouve que les préposés à la gestion des deniers publics n’ont pas rompu avec cette fâcheuse manie d’user de mesures cosmétiques pour maquiller la réalité. Mais ce n’est pas la seule tare du projet. Une première lecture montre que les autorités financières tablent plus sur une réduction des dépenses que sur une amélioration des recettes. La tentative de revoir à la baisse les gros budgets et de combattre le gaspillage est certes louable, elle semble cependant sinon arbitraire du moins sélective. Sur les 500 milliards de livres d’économies faites sur les fonds alloués à certains ministères et administrations, la moitié (252 milliards de L.L.) est supportée par le ministère de la Défense, qui voit son budget passer de 3 199 milliards à 2 946 milliards de livres. Le ministère de l’Intérieur, lui, est amputé de seulement 17 milliards de livres (1 652 au lieu de 1 670 milliards); celui du Travail de 24 milliards (365 au lieu de 389 milliards); les Travaux publics perdent 73,6 milliards (368 au lieu de 441 milliards) etc.
D’autres ministères voient leurs budgets augmenter, comme celui de l’Energie et de l’Eau, qui passe de 328 milliards à 400 milliards de L.L.; celui des Affaires sociales s’élève à 340 milliards au lieu de 228 milliards. Le plus frappant est l’augmentation du budget de la présidence du Conseil (qui passe de 1 523 à 1 592 milliards de L.L.), alors que les fonds alloués à la présidence de la République et au Parlement baissent respectivement de 2,1 milliards et 5,6 milliards de livres. Cela montre que la «mentalité» des préposés à la gestion des finances publiques n’a pas changé sinon comment expliquer le fait que le Grand Sérail continue de gérer une multitude de caisses et de fonds pour lesquels sont alloués plus d’un milliard de dollars, sans véritable audit et sans qu’aucune coupe ne soit opérée dans ces généreux budgets.
La principale augmentation des recettes proviendrait de la hausse de l’impôt sur les dépôts bancaires qui passerait de 7 à 10%, et qui drainerait plus de 900 milliards de livres. Sinon, il y a peu de mesures pour pénaliser ceux qui ont fait des centaines de millions de dollars dans l’illégalité, comme les empiètements sur le domaine public maritime: les exemptions douanières qui permettent aux institutions religieuses d’user et d’abuser de leurs privilèges en important des produits pour le compte de commerçants, qui le revendent sur le marché en faisant du dumping des prix etc…
Et évidemment, il n’est nulle part question de récupérer ne serait-ce qu’une infime partie des milliards de dollars détournés ou volés par les pontes du système.
Paul Khalifeh