L’élection d’un président de la République dans une ambiance de réconciliation et d’entente, ainsi que la désignation de Saad Hariri pour la formation d’un gouvernement d’union nationale ont créé un climat d’optimisme, quant à une possible reprise économique, après un ralentissement de trois ans.
La vacance à la première magistrature, la paralysie du Parlement, l’impuissance du gouvernement à prendre des décisions sur des dossiers vitaux et urgents, la détérioration des services et les tiraillements politiques ont marqué le paysage libanais, alors que les guerres destructrices faisaient rage au Levant, exportant les rancœurs, les contradictions et des centaines de milliers de réfugiés.
Cette situation dramatique a provoqué un recul du taux de croissance à près de 1%, une régression des indicateurs des finances publiques et un déficit continu de la balance des paiements, qui avait enregistré des surplus historiques depuis huit ans. Le déficit de la balance des paiements a résulté, surtout, de la baisse des exportations libanaises, en raison du blocage des voies de transport routier dans les pays voisins, du ralentissement économique dans les Etats arabes partenaires du Liban à l’importation, de la décélération des investissements étrangers de plus de la moitié par rapport à leur niveau précédent, ainsi que de la stabilisation des transferts des expatriés.
Dans un tel contexte, la BDL a dû initier une ingénierie d’exception à coût financier élevé, afin de consolider ses réserves en devises, lui permettant ainsi de défendre la livre et de satisfaire la demande sur des marchés soumis à des pressions par intermittence.
Retombées positives
Le climat politique négatif s’est répercuté sur l’économie, traduisant une réelle peur pour l’avenir du Liban et son système constitutionnel. D’autant que des Etats voisins, hier encore plus solides que le pays du Cèdre, sont tombés dans une spirale de démembrement et de partition entre les grandes puissances régionales et internationales. Dans ce contexte, l’élection d’un président de la République et l’amorce de consultations par le Premier ministre en vue de la formation d’un gouvernement ont eu des retombées positives. Ce processus politique, qui a démarré à un moment inattendu, a constitué un message d’apaisement à l’adresse de l’opinion publique et des marchés à l’interne comme à l’externe, quant à la pérennité du Liban dans ses frontières, son régime politique et son système économique. Ce qui est de nature à encourager la consommation, l’investissement et la reprise de l’activité économique.
Cependant, les responsables commettraient une erreur s’ils pensent que l’accord politique entre eux est, à lui seul, suffisant pour régler les problèmes socioéconomiques complexes auxquels le Liban est confronté. Un immense chantier attend l’Etat. S’il ne l’entame pas dans les plus brefs délais et n’obtient pas de résultats tangibles, le cycle économique reprendra, certainement, son parcours baissier jusqu’à l’effondrement.
L’urgence d’un budget
Ainsi, l’ambiance positive qui règne dans le pays souffre d’une grande lacune. Il y a un besoin urgent de s’entendre sur un programme national de sauvetage économique. Il est impératif de transférer au Parlement le projet de budget, après une décennie de fonctionnement de l’Etat sans loi de Finance. Celle-ci est l’illustration, par les chiffres, de la politique financière de l’Etat, sans laquelle il ne saurait y avoir de sauvetage. L’objectif principal de cette loi serait de libérer la BDL du fardeau du financement de la dette publique, qui a pompé toute son énergie et son potentiel au cours des décennies passées, et de libérer le secteur bancaire, quoique graduellement, de l’affectation de la majeure partie de ses ressources au financement de l’endettement de l’Etat et au renforcement des réserves de la Banque centrale. Une baisse graduelle du niveau d’endettement de l’Etat en devises étrangères doit constituer le point focal de sa politique, dans les années à venir.
La réussite de l’Etat au cours de ce nouveau mandat et le fait qu’il recouvre le respect de l’opinion publique locale et internationale sont tributaires de la gestion des établissements publics en toute transparence et efficience, après les échecs cuisants enregistrés par l’Etat dans le règlement des multiples dossiers dont, notamment, ceux des déchets et des télécoms, sans compter la question de l’extraction du pétrole, otage des intérêts des différentes parties au pouvoir.
Dr Ghassan Ayache
Ancien vice-gouverneur de la BDL