Le Liban est l’un des pays les plus endettés au monde! Le total de la dette publique, qui s’élève à 75 milliards de dollars, s’est accumulé au fil des années, à la suite des déficits budgétaires récurrents depuis la fin de la Guerre civile. La dette a augmenté très rapidement ces quelques dernières années, parce que le déficit budgétaire ne fait qu’empirer. Le service de la dette (les intérêts payés sur le montant de la dette) atteindra, l’année prochaine, environ 5 milliards de dollars. Pour apprécier la gravité de la situation, il suffit de constater que le montant des intérêts payés par l’Etat est égal à la masse salariale de tous les employés du secteur public. Il faut absolument arrêter la propagation de ce cancer le plus rapidement possible, en diminuant le déficit budgétaire d’une manière drastique pour commencer à réduire notre endettement ou, au moins, le maintenir à son niveau actuel.
Mesures impopulaires
Ne compliquons pas les choses; une réduction du déficit budgétaire ne peut se réaliser que par une baisse des dépenses publiques et/ou une augmentation d’impôts. Ces mesures sont évidemment impopulaires et ne seront certainement pas mises en œuvre par le prochain gouvernement, dont les membres devront affronter l’électorat dans moins de six mois. Malheureusement, le temps presse et le pays ne peut plus s’offrir le luxe de subir un dérapage fiscal qui risquerait d’avoir de graves conséquences sur l’avenir financier des Libanais. Il est donc impératif que le gouvernement, issu des prochaines élections législatives, prenne le taureau par les cornes et mette en place un programme de restructuration financière visant, en priorité, une réduction radicale du déficit budgétaire. Ce programme devra être présenté à une conférence de bailleurs de fonds, Paris IV, pour mobiliser une aide financière substantielle qui viendrait amortir le choc du redressement fiscal indispensable.
Le gouvernement, qui aura le courage de proposer les mesures impopulaires qui s’imposent, ne peut pas être un gouvernement d’union nationale, où l’accord de tous est nécessaire pour la moindre réforme, et ne doit pas s’évertuer à établir un équilibre confessionnel artificiel au détriment d’un équilibre budgétaire indispensable à la prospérité de tous les Libanais. Les membres de ce gouvernement doivent être des personnes compétentes et intègres, qui ne se soucient pas de leur popularité à court terme, mais qui inspirent confiance à leurs concitoyens et aux bailleurs de fonds arabes et étrangers.
Inconscience
La dette publique libanaise est financée, en très grande partie, par les dépôts bancaires. Cela veut dire que si l’Etat ne parvient plus à rembourser sa dette, ce sont les Libanais et non pas les étrangers qui en subiront les graves conséquences. La dette publique est bel et bien libanaise; elle n’est ni chrétienne ni musulmane, ni sunnite ni chiite! Certains qualifieront ces propos d’alarmistes; mais s’il est vrai que l’Etat n’est pas encore en faillite, une grave crise financière éclatera dans un an ou deux, si rien n’est fait pour parer au pire. L’opinion publique et la classe politique semblent inconscientes des graves dangers qui nous guettent.
Sami Haddad
Ancien ministre de l’Economie