L’effondrement de l’accord russo-américain semble aggraver la fracture de la Syrie. Depuis la révolte de 2011, diverses pulsions ont façonné de multiples zones d’influence, au nord comme au sud.
Sud de la Syrie. Voisin du Liban, de la Jordanie et d’Israël, le sud de la Syrie abrite une population de 1,2 million de personnes, des sunnites, des minorités chrétiennes et des druzes. La région se trouve sous le contrôle des factions de l’Armée syrienne libre, regroupées sous le label Jabhat Janoubia. On dénombre près de 49 factions réunissant 20 000 à 30 000 combattants, répartis entre Qoneitra, Daraa et Soueida, ainsi que dans les environs de Damas. Contrairement à d’autres régions syriennes, les groupes jihadistes salafistes y ont eu peu d’influence.
Selon Bachar Zohbi, commandant de la Brigade Yarmouk, l’emprise de la Jordanie sur cette région et sa crainte de l’implantation des groupes islamiques expliqueraient l’hégémonie des factions «modérées» sur la région. Près d’un millier de combattants de l’Etat islamique (EI) sont déployés dans le sud-ouest du Golan syrien, faisant partie d’une structure tribale, ce qui implique que leur loyauté à Daech est définie tout d’abord par les chefs de tribus.
Les factions de la région du Sud sont placées sous la supervision du Centre de commandement jordanien (MOC), créé en 2013 par les Etats-Unis. Malgré des avancées rebelles en 2015, la création par les Russes d’un centre de désescalade à Amman aurait permis d’imposer des lignes rouges dans le sud du pays et faciliter la reprise de la ville stratégique de Sheikh Maskin par l’armée syrienne.
Le nord d’Alep
Objet de toutes les convoitises, le sort de la ville d’Alep décidera de l’issue de la guerre. La moitié orientale de la ville est actuellement contrôlée par l’insurrection, alors que la moitié ouest est contrôlée par les forces gouvernementales. La région rurale environnante est presque entièrement sous le contrôle des groupes rebelles, à savoir la coalition dominée par les islamistes sunnites des factions rebelles arabes dans l’Ouest et le Sud-Ouest. Toutefois, le Nord-Ouest est entre les mains de groupes kurdes et le Nord-Est avec l’Etat islamique.
L’émergence de l’Armée de la conquête, en mars 2015, a amélioré la coordination des groupes armés à Alep et Idlib, les groupes jihadistes d’Ahrar el-Cham et de Fateh el-Cham (ex-Nosra) dominant cette dernière région.
Le carte du nord de la Syrie est extrêmement complexe, en raison notamment de la présence des jihadistes étrangers. Les rivalités entre la Turquie et l’Arabie saoudite ainsi que les revirements de position américains ont également contribué à la fracturation des groupes rebelles dans le nord du pays.
Dans ce cadre et en l’état des divisions géographiques et idéologiques, une solution pacifique semble devenue impossible, en raison de la multitude d’acteurs régionaux menant leurs propres guerres en Syrie. Ainsi, la Turquie est entrée dans le conflit syrien dans le cadre de la coalition américaine contre l’EI, sa priorité étant toutefois d’éviter l’expansion des forces kurdes au nord de la Syrie. L’allié de la Turquie, les Etats-Unis, poursuit une politique de gestion de crise en Syrie, principalement axée sur la lutte antiterroriste et contre l’influence de la Russie. A l’inverse, Moscou est opposé à un changement de régime qui établirait un dangereux précédent et éprouve des craintes face à la montée des islamistes dans sa zone d’influence. L’Iran, lui, défend des intérêts plus directs, le régime de Bachar el-Assad étant l’un des principaux chaînons de l’axe antioccidental de la «moumanaa».
Son ennemi juré, Israël, a visé le territoire syrien de nombreuses fois, notamment des officiers iraniens, des responsables du Hezbollah ainsi que des convois d’armes à destination du Liban.
Ces forces locales et régionales rivales sont symptomatiques de la nouvelle pathologie syrienne: le fait que les diverses factions soient soutenues par des puissances étrangères, prônant des agendas divergents, ne fait que prolonger inutilement la guerre en accentuant la fragmentation du pays.
La Ghouta orientale
La Ghouta orientale est l’une des régions les plus importantes tombant sous le contrôle des rebelles, en raison de sa proximité à la ville de Damas. La région abrite deux principales factions, Jaych el-islam (JAI) et Faylaq Rahman (un groupe islamiste), ainsi que Jaych Fustat affilié à l’ex-Front al-Nosra. JAI reste l’un des groupes rebelles les plus puissants en Syrie, malgré l’assassinat de son fondateur, le salafiste Zahran Allouch dans un raid aérien.
Mona Alami