Magazine Le Mensuel

Nº 3056 du vendredi 3 juin 2016

Semaine politique

Derrière la loi électorale. La peur de la classe politique

Il y a fort à parier que la classe politique ne doit pas être très enthousiaste à subir, une nouvelle fois, le test des urnes. Mais il est clair qu’elle a peu de chances de trouver des prétextes pour une nouvelle prorogation du mandat du Parlement. Deux questions se posent toutefois: sur la base de quelle loi les législatives se tiendront, en principe dans un an, et est-il possible d’organiser des élections législatives, alors que la présidence de la République est vacante?

C’est dans ce contexte que le président de la Chambre, Nabih Berry, ne cesse de répéter, depuis une dizaine de jours, que la priorité est actuellement à l’adoption d’une nouvelle loi électorale. Et c’est dans ce but qu’il a lancé les réunions des Commissions parlementaires conjointes pour étudier les différents projets de loi présentés, afin de s’entendre sur l’un d’eux ou sur une nouvelle formule basée sur les points communs dégagés par les débats.
Le problème c’est que, jusqu’à présent, les points de vue restent assez éloignés, chaque partie souhaitant une loi qui assure sa victoire aux élections. Et comme tout le monde ne peut pas gagner, les intérêts restent contradictoires. Le point de divergence principal tourne autour de l’adoption ou non du mode de scrutin proportionnel. De l’avis de tous les experts, ce dernier est le plus équitable pour une population diverse, comme la société libanaise. Mais face au net recul des partis politiques, concrétisé à travers le scrutin municipal, ceux-ci ne sont pas disposés à favoriser l’adoption de la proportionnelle qui ne peut qu’éroder encore plus leur emprise sur leurs électeurs. Mais comment justifier le refus de moderniser la loi pour la rendre plus représentative, alors que le clivage entre les partis traditionnels et leurs bases respectives semble s’accentuer? Il s’agit d’un véritable casse-tête.
 

La loi mixte
Dans un rapide survol des positions politiques au sujet de la loi électorale, le Hezbollah, par la voix de son secrétaire général, a clairement exprimé son appui à une loi basée sur le mode de scrutin proportionnel, parce qu’elle permet une meilleure représentation de la population. Dans son dernier discours, Hassan Nasrallah a reconnu qu’un mode de scrutin proportionnel devrait réduire le Bloc parlementaire de la Résistance, ajoutant qu’il est prêt à cette concession pour une meilleure représentation populaire. En tenant ces propos, sayyed Nasrallah a visiblement voulu montrer qu’il a bien reçu le message envoyé par les électeurs de sa communauté, dans la Békaa, le Hermel et au Sud. En revanche, chez le Courant du futur (CDF) et le Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt, le refus est catégorique d’une loi basée sur le mode de scrutin proportionnel, qui risque de réduire, de façon importante, leur emprise sur les rues sunnite et druze, ainsi que sur les chrétiens qui font partie de leurs blocs parlementaires. C’est pour surmonter cet obstacle majeur que les Forces libanaises (FL), le PSP et même le député Ali Bazzi, proche de Berry, ont proposé des formules mixtes, chacune conçue pour favoriser le camp qui soumet le projet. La seule logique qui commande le partage des circonscriptions en scrutin proportionnel et scrutin majoritaire est l’intérêt de ceux qui conçoivent le projet, d’autant que, dans ceux des FL, du Futur et du PSP, 60% des députés seront élus par scrutin majoritaire et 40% par scrutin proportionnel. Du côté de Bazzi, le partage est plus équitable, puisque son projet prévoit 64 députés élus par scrutin majoritaire et 64 par scrutin proportionnel.
Reste à déterminer les circonscriptions, et c’est là que le bât blesse. Il est probable que les discussions soient animées sur ce sujet au cours de la prochaine séance de dialogue national, prévue le 21 juin. Le Hezbollah a déjà fait une concession en se déclarant prêt à une loi mixte, mais sur quelles bases? C’est ce qui reste à déterminer, sachant que le Courant patriotique libre (CPL) réclame un mode de scrutin proportionnel, parce que plus représentatif, au moins dans les régions à composition confessionnelle mixte.  D’ailleurs, dans ce contexte, l’alliance entre le CPL et les FL est sur la sellette, chacune de ces deux formations appuyant une formule différente. Mais, en réalité, tout dépendra du paysage des alliances politiques. C’est lui qui déterminera la loi et non le contraire…

Joëlle Seif

La présidentielle avant?
L’autre question qui se pose avec le début des discussions sur la prochaine loi électorale est la suivante: peut-on élire un Parlement sans avoir un président? Nabih Berry a trouvé la réponse, en affirmant que le nouveau Parlement s’engagera à élire, au lendemain de son entrée en fonction, un nouveau président. Mais certains milieux politiques laissent entendre qu’il pourrait y avoir un déblocage au niveau de la présidence au cours des prochains mois. Ce qui facilitera les contacts politiques pour l’adoption d’une nouvelle loi électorale et la tenue des législatives dans les plus brefs délais.

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