Le général Kamil Daher succède au général Edmond Fadel à la tête des Renseignements de l’armée. Le ministre de la Défense, Samir Mokbel, a signé la décision approuvant ainsi la recommandation du Conseil miliaire sur suggestion du commandant en chef de l’armée, selon le mécanisme réglementaire appliqué, sachant qu’une décision du Conseil des ministres n’est pas nécessaire pour pourvoir à ce poste délicat.
Par le passé, la nomination d’un chef des Renseignements militaires était soumise à un consensus politique minimum et, surtout, à l’avis du président de la République, dont dépend moralement et politiquement cette fonction bien qu’elle relève du commandant en chef de l’armée du point de vue hiérarchique et administratif. La nomination du nouveau chef des Renseignements militaires ne s’est pas passée dans la sérénité, sans commentaire et sans interrogation, d’autant plus que l’effet-surprise a donné l’impression que la décision a été adoptée au nez et à la barbe des politiques qui vivent dans un état de léthargie totale. Or, toutes les prévisions allaient dans le sens du renouvellement du mandat du général Edmond Fadel. Les raisons invoquées étaient les suivantes:
♦ La désignation d’un nouveau chef aux Renseignements militaires ne devrait pas précéder celle du nouveau commandant de l’armée qui, à son tour, ne devrait pas précéder la présidentielle, vu le lien qui existe entre ces deux fonctions: militaire et présidentielle.
♦ La difficulté de parvenir à une entente sur l’identité du nouveau responsable desdits Renseignements, à la lumière des tiraillements politiques et des divergences d’opinion. Le ministre Samir Mokbel faisait la promotion du général Adnan Souhaid (chef de la Chambre d’opérations militaires), l’ex-président Michel Sleiman avait avancé le nom du chef de la Garde présidentielle, le général Wadih Ghafari, le commandant de l’armée, Jean Kahwagi avait présenté la candidature du directeur de son bureau, le général Kamil Daher. Quant au général Michel Aoun, qui a insisté sur la nécessité de désigner un successeur au directeur des Renseignements militaires, surtout après la nomination des trois membres du Conseil militaire en Conseil des ministres, il souhaitait qu’un général de la famille Hayek accède à ce poste.
♦ La période de transition et le temps nécessaire au nouveau directeur pour maîtriser tous les dossiers et informations, en particulier ceux relatifs au terrorisme, et aussi pour monter son équipe et procéder à des nominations dans les régions… Toutes ces données peuvent freiner l’action de la direction des Renseignements durant cette période, ce qui n’est pas souhaitable à l’ombre de la tension sécuritaire et des mouvements des groupes terroristes qui pourraient déstabiliser la situation sécuritaire.
♦ Le vaste réseau de relations que le général Fadel avait établi avec les services de Renseignements arabes et internationaux chargés de la lutte antiterroriste, sachant que des responsables d’organes de Renseignements internationaux auraient souhaité maintenir le contact avec le général Fadel.
C’est en raison de tous ces facteurs réunis que la tendance était en faveur de la prorogation du mandat du général Fadel. Parti à la retraite, il avait été rappelé, en 2008, pour diriger la direction des Renseignements.
Au début de l’année 2016, Fadel aurait déclaré n’avoir jamais agi pour obtenir ou renouveler son mandat à la tête des Renseignements.
Deux facteurs essentiels ont cependant contribué à la prise de la décision relative à la nomination d’un nouveau directeur à cet organe, selon des sources informées.
♦ La finalisation des nominations au sein du Conseil militaire, qui a donné le coup d’envoi aux permutations militaires supposées s’élargir pour toucher les Forces de sécurité intérieure (FSI).
♦ La visite réussie du général Jean Kahwagi à Washington, le commandant en chef de l’armée serait rentré à Beyrouth fort d’un soutien concret à l’armée et d’un appui moral à son rôle et à ses décisions.
Chaouki Achkouti
Les pointes de Joumblatt
Le premier à avoir immédiatement commenté la nomination du général Kamil Daher à la tête des Renseignements de l’armée fut le député Walid Joumblatt. Critique depuis un certain temps à l’égard du général Jean Kahwagi, le leader druze a tweeté: «Lorsque le commandement de l’armée a procédé à des mutations au niveau des magistrats au sein du tribunal militaire avec pour résultat la libération de Michel Samaha, ce fut le scandale du siècle! Mais un scandale dont l’unique effet fut des réactions verbales et la démission d’Achraf Rifi. Avec la désignation du nouveau chef des Renseignements militaires aujourd’hui, loin de tout professionnalisme et d’un minimum de discipline et d’éthique, en passant par un Conseil militaire docile et obéissant et à l’ombre des progrès accomplis par le régime syrien et ses alliés russes et perses dans les régions syriennes, on serait tenté de croire que Rustom Ghazalé a réinvesti le Beau Rivage».