Selon un rapport de la fondation Muhanna et de UN Habitat, l’objectif de zéro déchet au Liban d’ici à 2022 est loin d’être utopique, la majorité des ordures étant organiques, donc compostables. Le Liban aurait, en réalité, un formidable potentiel pour développer une économie verte.
Et si la crise des déchets était en réalité une bénédiction plutôt qu’une malédiction? C’est, en tout cas, la conviction des experts de l’ONG Muhanna Foundation, qui est sur le point de publier un rapport sur le sujet en collaboration avec UN Habitat.
«La crise des déchets doit être considérée comme une opportunité pour le Liban d’entrer dans une nouvelle ère en matière de leur gestion, explique Antoun Andrea, membre de l’équipe de recherches à l’origine du rapport. Nous devons absolument sortir du schéma qui consiste à traiter uniquement les déchets ménagers pour passer à un modèle de gestion intégré des déchets et prendre en compte tous types de résidus, qu’ils soient industriels, chimiques ou même pharmaceutiques».
Le rapport a été élaboré en réponse à la crise des déchets qui paralyse le pays depuis le 17 juillet dernier. Il établit un parallèle avec la crise des déchets vécue par l’Italie en 2008 et qui lui aurait coûté plus de 2 milliards d’euros.
«L’objectif est de tirer des leçons de ce qui s’est passé et de s’inspirer de l’expérience italienne pour transformer cette crise en opportunité», poursuit Antoun Andrea.
L’étude examine ainsi tous les aspects de ce service public de première nécessité en matière de gouvernance, de financement, d’administration, de processus de gestion et de traitement des déchets. Elle apporte des recommandations basées sur la situation actuelle et se fixe pour objectif d’atteindre zéro déchet non recyclé ou composté d’ici 2022, évitant ainsi d’utiliser des décharges.
L’économie verte
Selon les auteurs du rapport, le Liban possède un potentiel énorme pour le développement d’une économie verte, notre production de déchets étant composée à 60% de déchets organiques pouvant être compostés.
Le rapport appelle à la mise en place d’un état d’urgence dans le pays pour traiter les déchets accumulés depuis le 17 juillet dernier.
«Même si l’exportation des déchets est une option extrêmement coûteuse, elle peut être nécessaire pour la préservation de la santé des citoyens et de l’environnement, à condition qu’elle soit temporaire et couplée à une stratégie de gestion des déchets au niveau municipal», considère le chercheur.
Le coût de cette opération sur une période transitoire de 18 mois est estimé à 240 dollars la tonne de déchets, avec la possibilité de récupérer 33% de ce coût.
«A moins qu’il n’y ait une réforme administrative au niveau de la gouvernance, c’est aux municipalités d’agir et ce, le plus tôt possible», ajoute Antoun Andrea. «Il faut former les agents municipaux à la sensibilisation au tri et donner les moyens aux municipalités d’exercer leur responsabilité juridique. Mais tout doit commencer à la maison, par une responsabilisation au tri et la réduction de la production individuelle de déchets».
Selon Antoun Andrea, la viabilité financière de la méthode actuelle de gestion des déchets doit être remise en question. Cette dernière coûterait jusqu’à 320 millions de dollars par an et devrait atteindre un milliard de dollars dans les dix à quinze prochaines années. «Ce qui est littéralement du gâchis au regard de la composition de la poubelle libanaise qui pourrait être valorisé», insiste l’expert.
Le rapport appelle enfin à une séparation des pouvoirs: le gouvernement central devra établir une politique nationale de gestion des déchets sur le plan législatif et les municipalités devront assurer le suivi, l’évaluation et la mise en œuvre effective de ce plan.
Soraya Hamdan
Les déchets en chiffres
♦ Il existerait au Liban quelque 760 décharges sauvages.
♦ Le coût moyen du système actuel de gestion des déchets solides est 320 millions de dollars par an environ.
♦ 54% des déchets sont déposés dans les décharges à ciel ouvert.
♦ 23% sont enfouis.
♦ 15% sont compostés.
♦ 8% seulement sont recyclés.
♦ La production de déchets moyenne en zones urbaines est de 0,97 kg par jour contre 0,79 kg par jour et par habitant en zones rurales.
♦ Chaque réfugié au Liban génère 0,5 kg de déchets par jour.
♦ Production de déchets par an: 2 millions de tonnes.
♦ Composition des déchets à majorité organique (50%), ce taux varie d’une ville urbaine (0,85 kg à 1,1 kg) à une ville rurale (0,7 kg par jour et par personne).