Magazine Le Mensuel

Nº 3032 du vendredi 18 décembre 2015

general

Hannibal Kadhafi. Dépositaire des secrets du père

Enlevé vendredi 11 décembre par des hommes armés qui l’avaient attiré dans la Békaa, l’un des fils de Mouammar Kadhafi, Hannibal, n’en a pas fini avec le Liban. Libéré, il a ensuite été interrogé par la justice libanaise dans le cadre de l’affaire de la disparition de l’imam Moussa Sadr.

Il «se porte bien». Pourtant, les images diffusées, vendredi 11 décembre, sur la chaîne al-Jadeed indiquent bel et bien le contraire. Hannibal Kadhafi, l’un des fils de l’ancien dictateur libyen, est apparu avec des marques de coups et surtout deux yeux au beurre noir. Qu’a-t-il bien pu arriver au fantasque et sulfureux homme d’affaires, qui est aussi l’époux de la mannequin libanaise Aline Skaff?
Tout commence vendredi. Hannibal Kadhafi, qui s’est retiré en Syrie, passe la frontière libanaise. Il y a été attiré par un coup de fil mystérieux. A peine a-t-il mis les pieds au Liban qu’un groupe d’hommes armés de la région de la Békaa-Est lui tombe dessus et le kidnappe pour quelques heures. Selon l’Agence nationale d’information (Ani, officielle), les ravisseurs réclament au Libyen des informations sur l’affaire Moussa Sadr, le chef du Conseil supérieur chiite, qui avait mystérieusement disparu au cours d’une visite en Libye, en 1978. Il se murmure d’ailleurs que le rapt pourrait avoir été perpétré par des membres du mouvement Amal, fondé par l’imam Sadr. Le cousin du président Bachar el-Assad, Sleiman Hilal el-Assad, pourrait aussi avoir été impliqué dans le kidnapping, selon d’autres sources.
 

Recel d’informations
Passé à tabac et visiblement interrogé de façon musclée, Hannibal se voit finalement libéré en quelques heures et remis aux services de renseignements des Forces de sécurité intérieure (FSI). Mais ses ennuis, en revanche, ne sont pas près de s’arrêter…
Sur la vidéo diffusée par al-Jadeed, Kadhafi junior, le visage tuméfié, se veut rassurant. Il se dit «en bonne santé, heureux et détendu»… Et appelle «tous ceux qui ont des preuves sur le dossier de l’imam Moussa Sadr à les présenter sans tarder». Loin d’être sorti d’affaire, Hannibal Kadhafi voit ses péripéties libanaises se prolonger. Lundi 14 décembre, il est ainsi convoqué par le juge Zaher Hamadé, au palais de Justice pour y être interrogé sur l’affaire Sadr. Quelques heures plus tard, le fils de l’ancien guide libyen est mis en examen, car il est soupçonné de détenir des informations importantes sur le dossier. Il apparaît, en effet, qu’Hannibal aurait, au cours de son interrogatoire, livrer des informations sur l’opération dite de Rome, qui aurait été menée par les services secrets tripolitains. Pour mémoire, selon la version officielle livrée par la Libye à l’époque, Moussa Sadr l’aurait quittée pour l’Italie. Son passeport ainsi que des affaires lui appartenant avaient été retrouvés dans un Holiday Inn de Rome. Une version démentie par les autorités italiennes, qui avaient affirmé que Moussa Sadr et ses deux compagnons de voyage n’étaient jamais arrivés dans la capitale italienne.
En 1978, à l’époque des faits, Hannibal n’avait que trois ans. Son implication directe dans la disparition de l’imam Sadr est donc à exclure, mais il pourrait en revanche détenir des informations importantes sur les circonstances de l’affaire et, surtout, sur les personnes impliquées. En tant que membre du cercle intime de Mouammar Kadhafi, il avait peut-être accès à tous les détails relatifs au dossier. Le feuilleton de la disparition de l’imam Moussa Sadr connaîtra-t-il enfin son épilogue avec les révélations futures du cinquième fils du dictateur libyen? Affaire à suivre.

 

Jenny Saleh

Le fils scandaleux
Cinquième fils du colonel Mouammar Kadhafi, Hannibal traîne derrière lui une réputation on ne peut plus sulfureuse. Surnommé par la presse «Hannibal le scandaleux» ou encore «l’habitué des commissariats», il est abonné aux faits divers. Les Libanais, eux, le connaissent davantage comme l’époux de la mannequin Aline Skaff, originaire de Zahlé, avec qui il a deux enfants, Hannibal junior et Alissa. Le couple aura défrayé maintes fois la chronique. Comme en 2008 où ils sont arrêtés dans un hôtel de luxe de Genève, pour mauvais traitements sur une domestique. Libérés sous caution au terme de démêlés diplomatiques entre Berne et Tripoli, ils poursuivent leurs frasques sous d’autres cieux.
En 2004, Hannibal avait remonté les Champs-Elysées à contresens et à 140 km/h… n’échappant à la prison que grâce à son passeport diplomatique. Il avait aussi été condamné en 2005 à quatre mois de prison avec sursis pour avoir battu sa petite amie de l’époque, enceinte. En 2007, son nom apparaît dans une affaire de réseau de call-girls sur la Côte d’Azur.
Fuyant la Libye en 2011, Hannibal et son épouse avaient tenté d’atterrir au Liban, sans succès. Le couple se serait ensuite installé à Oman, avant de s’établir finalement en Syrie, à Damas, pour échapper à une extradition vers la Libye.

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