Trois nouvelles sociétés auraient proposé au gouvernement des solutions de transport bien moins coûteuses que celle présentée par la britannique Chinook. Leurs offres auraient pourtant tout bonnement été ignorées. Rencontre avec Mireille Choufani, vice-présidente du groupe NewBoxer, l’une de ces trois sociétés.
A quelques jours de l’expiration du délai accordé à Chinook pour apporter les documents prouvant l’approbation du pays d’accueil, trois autres sociétés ont soudainement fait leur apparition avec des tarifs défiant toute concurrence. Parmi elles, l’entreprise NewBoxer qui a proposé tardivement au gouvernement d’exporter les déchets libanais à 85 dollars la tonne contre les 123 dollars (uniquement pour le transport, empaquetage non compris) demandés par Chinook.
La société est basée à Bangkok en Thaïlande et possède différentes cordes à son arc: de la production de textile, à la vente en gros, la construction, le transport ou encore l’hôtellerie. Elle ne semble pourtant pas compter parmi ses domaines d’expertise le traitement des déchets.
Dans un entretien accordé à Magazine, Mireille Choufani, vice-présidente du groupe, s’en défend: «Nous avons eu l’occasion de mettre la main sur les contrats d’exportation. La demande du gouvernement aux deux sociétés alors en lice à ce moment-là, Chinook et Hova, était claire: elle ne portait que sur le transport des déchets par bateau et non sur un traitement préalable des ordures. Le gouvernement demandait une garantie bancaire de 2,5 millions de dollars et la preuve de l’approbation du pays d’accueil. Avec une solide expérience dans le transport, nous avons fait nos calculs et décidé de faire une offre au gouvernement, le 16 janvier, en proposant un tarif de 85 dollars la tonne pour le transport des déchets».
Mme Choufani dit ne jamais avoir eu de réponse officielle de la part du gouvernement, contrairement à ce qu’a affirmé le ministre Akram Chéhayeb dans les médias. «Sauf si l’on considère que les diverses déclarations faites à la télévision sont une réponse, nuance-t-elle. Nous sommes surpris que le gouvernement, qui a pourtant une dette publique de plus de 70 milliards de dollars, ne prenne pas en compte des centaines de millions de dollars d’économie».
L’offre retenue par le gouvernement est celle de la britannique Chinook qui, avec un tarif de 123 dollars la tonne de déchets, devrait coûter à l’Etat quelque 307 millions de dollars pour le transport des déchets contre 212 millions que propose NewBoxer.
Le gouvernement a indiqué dans les médias n’avoir pas tenu compte de cette proposition car elle arrivait au-delà des délais fixés. «Comment pouvions-nous fournir une proposition dans les délais, alors qu’aucun appel d’offres officiel n’a été lancé, se demande Mireille Choufani. Le gouvernement a fait planer le plus grand secret sur ce dossier».
A la question de savoir si cette dernière détenait l’approbation des pays pour recevoir les déchets libanais, Mireille Choufani répond: «Nous avons la garantie bancaire et nous avons l’approbation de plusieurs pays, la Russie ne fait pas du tout partie de nos destinations, précise-t-elle. Tous nos permis respectent les conventions internationales. Nous attendons la réponse du gouvernement pour révéler ces destinations. Cela dit, cela reste bien de la responsabilité de l’Etat libanais de trier et d’empaqueter les déchets au préalable avant l’export, insiste la vice-présidente du groupe. Par ailleurs, le contrat porte sur les déchets qui ne datent pas de plus de 45 jours».
La proposition de NewBoxer se décompose en deux parties, comme l’explique la vice-présidente du groupe: une solution à court terme, qui comprend le transport des déchets libanais vers l’extérieur pour 85 dollars la tonne et une solution sur le long terme, qui prévoit la construction d’usines de tri et de recyclage dans tout le pays pour une gestion durable et intégrée des déchets. «Nous prévoyons aussi de redistribuer 35% des profits nets issus de ces usines aux ministères de la Santé, de l’Education, de l’Environnement et aux ONG».
Incinération difficile
Enfin à la question de savoir ce que pense Mme Choufani de la destination russe des déchets libanais, elle répond: «Si les documents doivent être signés par les ministères compétents avec l’authentification de l’ambassade libanaise en Russie, pourquoi le président du Conseil de développement et de reconstruction (CDR), Nabil Jisr, a-t-il ainsi annoncé devoir vérifier l’authentification de ces documents? D’autre part, il est difficilement envisageable de pouvoir incinérer les déchets tels qu’ils sont actuellement…».
La vice-présidente de NewBoxer ne s’est pas trompée, à l’heure où nous mettons sous presse, Moscou vient de démentir formellement avoir donné son approbation pour recevoir les déchets libanais. Affaire à suivre.
Soraya Hamdan