Comme au cinéma
Entre l’image et le son Hitchcock et RadioKVM
Dans le cadre de la 22e édition du Festival du cinéma européen, mélomanes et cinéphiles se sont retrouvés pour une séance spéciale, un ciné-concert alliant la projection du film Blackmail d’Alfred Hitchcock et la musique de RadioKVM.
C’est une soirée tant attendue dans le cadre de la programmation du Festival du cinéma européen, depuis quelques années, depuis son lancement: la séance ciné-concert où l’image épouse la musique en direct. Cette fois, pour la 22e édition du festival, rendez-vous avec le maître du suspense, Alfred Hitchcock, et les sonorités électroniques de RadioKVM, le nom artistique de Sary Moussa.
Il y avait une grande foule, le lundi 1er février, à 20h, une salleulture comble au cinéma Métropolis. Les spectateurs s’installent et le grand écran s’illumine du générique de Blackmail, film muet d’Alfred Hitchcock produit en 1929 et projeté dans sa version restaurée. Un car de police, de nouvelles directives données au téléphone, une direction à prendre, les policiers de Scotland Yard sont en pleine action dans les ruelles de Londres.
A mesure que les premières images défilent, Sary Moussa, installé sur le podium de la salle, fait entonner en direct la musique qu’il compose spécialement pour ce film, pour cet événement. Les spectateurs sont aussitôt pris au jeu, entraînés au cœur de cette expérience sensorielle à multiples effeuillements qui renforce à la fois, et de manière réciproque, la portée de l’image et du son.
Musicien d’électronique autodidacte, Sary Moussa a grandi en écoutant du jazz et du rock, avant de se plonger dans l’electronica et commencer, à partir de 2008, à composer ses propres mélodies sous le nom de RadioKVM. Il a collaboré avec les électroniciens libanais OkyDoky et Munma, entre autres, et sorti des remix et compositions originales pour différents labels. Il a composé la musique pour plusieurs performances de théâtre et de danse, ainsi que des bandes-sons pour des courts métrages. Le premier album vinyle de RadioKVM, intitulé Issrar, a été produit par le label indépendant libanais Ruptured en octobre 2014.
Manipulant son set, ordinateurs et machines électroniques, Sary Moussa amplifie, vivifie et ranime l’ambiance, à la fois oppressante et légère du film d’Hitchcock, ce Blackmail qui suit l’histoire de Frank Weber, inspecteur de police, et sa fiancée Alice White. Un soir, cette dernière profite d’une dispute avec Frank pour rejoindre un autre homme, Crewe. Mais la rencontre tourne mal. Pour se défendre, Alice le poignarde jusqu’à la mort, avant de s’enfuir en toute hâte. Frank est mis sur l’enquête…
Avec la subtilité et l’efficacité d’un film muet, le spectateur est transposé ailleurs, dans un autre espace-temps, où la vie s’élance autrement, à la fois figée et mouvante, lente et grouillante, décalée et moderne, une plongée au cœur des sens aiguisés. Parce que la musique fait vibrer le corps, dans ses mouvements répétitifs, ses «loops» en boucle, sa langueur, ses vibrations et sa puissance. Quand elle ralentit, quand elle s’élance de plus belle, le regard oscille entre l’écran et le coin de la scène. Et quand à un moment elle s’arrête, le temps de laisser au spectateur un moment de répit, de concentration… le voyage se poursuit aussi, avec cette idée devenue certitude, sur l’impact de ce qu’est une musique de film, l’autre âme de l’image. Une image autre.
Sur les planches
Venus est de retour
Après son succès l’année dernière, la pièce Venus est de retour sur les planches du théâtre Monnot, pour quatre représentations seulement, les 14, 15, 16 et 17 février. Adaptée par Gabriel Yammine et Lina Khoury de la pièce de David Ives, Venus in fur, qui est elle-même adaptée du roman La Vénus à la fourrure, de Leopold von Sacher-Masoch, Venus est mise en scène par Jacques Maroun et met à l’affiche Rita Hayek et Badih Abou Chacra.
Billets en vente au Virgin Megastore (01 999 666) et en ligne www.ticketingboxoffice.com
Entre les mots
Beirut Noir: Le chaos, un mode de vie
Collection d’histoires signées de divers auteurs libanais, le livre Beirut Noir s’effeuille comme une promenade dans la ville, à la fois géographique, historique, personnelle, intime et collective.
Il est des livres qui, même sans être de très récente publication, celle-là date de fin 2015, attirent toujours le regard sur les étals de nos librairies locales. Beirut Noir fait indéniablement partie de ceux-là, ceux qui se rapportent à la ville, notre ville, et dont on peut reporter l’acquisition de jour en jour, jusqu’à ce qu’on s’y décide, finalement, fatalement. Beyrouth est en jeu, Beyrouth vu par «la plume» de plusieurs de ses auteurs, nouvelle et ancienne génération, qu’ils soient initialement arabophones, francophones ou anglophones, qu’ils vivent au pays, à l’étranger, ou entre les deux, toujours entre deux cultures, voire plusieurs.
La série Noir a été lancée en 2004 par Akashic Books, une maison de publication indépendante basée à Brooklyn; première anthologie à paraître, Brooklyn noir évidemment. Le principe est simple; chacun des récits qui composent le recueil doit se dérouler dans une région ou un espace différent au cœur de chaque ville qui porte le titre de l’ouvrage. Après Tehran noir, Akashic Books s’aventure plus loin au cœur du Moyen-Orient.
Voici donc Beirut Noir, rassemblé et édité par l’auteur Iman Humaydan qui a fait appel à 15 auteurs différents pour sonder le noir de la ville, de Beyrouth: Mohammad Abi Samra, Tarek Abi Samra, Najwa Barakat, Abbas Beydoun, Bana Beydoun, Leila Eid, Rawi Hage, Bachir Hilal, Hala Kawtharani, Zena el-Khalil, Mazen Maarouf, Alawiya Sobh, Marie Tawk, The Amazin’ Sardine et Hyam Yared. Traduits en anglais par Michelle Hartman, quand l’anglais n’est pas la langue d’origine, ces 15 récits, selon le concept de la série, emmènent le lecteur de Chiyah à Monnot, d’Achrafié à la Corniche, de Gemmayzé à Manara, de Bourj Hammoud à Khandaq el-Ghamiq…
Assemblés en trois parties, When time does not exist, Panorama of the soul et Waiting for yesterday, ces courts récits dégagent des effluves de violence, de désespoir, de guerre, de relents mélancoliques, de tendresse, d’humour, pour chacun un univers différent, une autre approche de la ville et de la vie, pour plonger le lecteur au cœur de Beyrouth où, comme l’affirme Iman Humaydan dans son introduction, «le chaos est un mode de vie». Mais pas que…
Nouvelles… Nouvelles… Nouvelles…
Le prix Mahmoud Kahil
C’est un prix en hommage à Mahmoud Kahil, artiste ayant marqué les caricatures éditoriales dans le monde arabe au cours de sa carrière, de 1956 jusqu’à son décès en 2003. Un prix qui a été lancé par la Mu’taz and Rada Sawwaf Initiative, une association académique basée à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), qui vise à promouvoir et à soutenir la recherche portant sur les bandes dessinées arabes, et à encourager la production, l’étude et l’enseignement dans ce domaine.
En suivant les mêmes critères adoptés dans les compétitions internationales les plus importantes, le jury, composé de professionnels de plusieurs nationalités, s’est penché sur les 900 œuvres en lice, des 200 artistes venant de 11 pays arabes, partagées en cinq catégories différentes. Les noms des lauréats du prix Mahmoud Kahil ont été annoncés lors d’une cérémonie qui a eu lieu, le jeudi 28 janvier, à Beyrouth.
Sur les 25 artistes en lice sous la catégorie Graphic Novels, le prix a été décerné aux Egyptiens Ahmad Nadi, Dunia Maher et Janzir. L’artiste jordanien Amjad Rasmi, du quotidien Asharq al-Awsat, remporte le prix de la catégorie Editorial Cartoons. Le prix de la catégorie Comic Strips est également décerné au Jordanien Mohammad el-Moati. Le Libanais Bahij Jaroudi remporte le prix Graphic Illustrations/infographics, et la Libanaise Ezzat Hussein, celui de la catégorie Children’s Book Illustrations. Le prix honorifique Lifetime Achievement Hall of Fame est décerné à l’artiste syrienne Lujayna el-Asil, en récompense à l’ensemble de son œuvre en matière d’illustration de livres pour enfants depuis 1969, tandis que la revue TokTok remporte un deuxième prix d’honneur pour son encouragement aux bandes dessinées.