Magazine Le Mensuel

Nº 3006 du vendredi 19 juin 2015

general

Ocean Cleanup. Piéger les déchets!

A vingt ans à peine, le jeune Néerlandais Boyan Slat pourrait bien parvenir à mettre en œuvre son projet fou: piéger les déchets plastiques qui polluent les océans grâce à un entonnoir géant. Son projet Ocean Cleanup devrait voir le jour en 2016.
 

C’est l’histoire d’un jeune somme toute, comme les autres. A la différence près qu’au lieu de passer son temps à courir les filles, il voue une haine tenace contre les déchets plastiques depuis des vacances passées à la plage alors qu’il a seize ans. Depuis cette prise de conscience, Boyan Slat, un jeune Néerlandais, a fait beaucoup de chemin.
Alors lycéen, il se donne la mission – pour certains utopique – de nettoyer les océans de leurs déchets plastiques. Au fil des mois, il conçoit un processus efficace, peu coûteux et, surtout, sans danger pour la faune et la flore marines. L’idée est, au final, très simple. Boyan Slat réalise une structure très simple, composée d’une barrière flottante de deux kilomètres de long, en forme de V, qui piège «naturellement» les déchets grâce aux courants marins. Au centre de ce V ainsi formé, les bouteilles de plastique, canettes, sacs et autres polluants en morceaux n’attendent plus que d’être extraits du piège grâce à une plateforme. Pour que la barrière ne dérive pas, le lycéen imagine aussi de l’attacher au fond marin, afin qu’elle soit assez solide et suffisamment souple pour suivre le mouvement des océans.
Convaincu de la pertinence et surtout de la faisabilité de son projet, Boyan Slat s’appuie alors sur les réseaux sociaux pour recueillir des fonds. Il lance ainsi une campagne de financement participatif sur la Toile, pour «vendre» son projet baptisé Ocean Cleanup. Et ça marche, puisque qu’en l’espace de quelques mois, cette démarche lui rapporte pas moins de deux millions d’euros!
Grâce à l’argent récolté, le jeune Néerlandais se rapproche de son rêve qui pourrait bien se concrétiser d’ici l’année prochaine. Il a en effet annoncé, lors du Seoul Digital Forum organisé en Corée du Sud en mai dernier, que le premier système de sa conception devrait voir le jour en 2016. En attendant, une série d’expéditions est en cours sur les océans – une étant partie le 12 juin – pour repérer les zones particulièrement polluées. Selon le jeune homme, cinq principaux secteurs maritimes concentrant les déchets des océans pourraient être nettoyés de leurs tonnes de plastiques dans un délai de 5 à 10 ans.
En 2016, la première barrière devrait être déployée au large des côtes de Tsushima, une île située entre le Japon et la Corée du Sud. Elle prendra la forme d’un entonnoir géant flottant de près de 2 000 mètres, muni de panneaux sous-marins qui permettront de retenir les déchets. Le tout fonctionnant grâce aux courants marins, sans dépense d’énergie et sans porter atteinte à la vie sous-marine. Cerise sur le gâteau, ce projet a été évalué comme viable et efficace par une centaine d’experts qui ont rejoint l’association The Ocean Cleanup de Boyan Slat. Tous ne sont toutefois pas unanimes.
L’association voit grand. «D’ici cinq ans, après avoir déployé le dispositif à plusieurs reprises et à des échelles de plus en plus importantes, The Ocean Cleanup a pour but de mettre en place un dispositif de 100 km de long pour nettoyer environ la moitié des déchets se trouvant dans le Pacifique, entre Hawaï et la Californie», peut-on lire sur son site Internet.

Jenny Saleh

Certains experts doutent
Si une centaine d’experts se sont montrés enthousiastes quant au projet de Boyan Slat, ce n’est pas le cas de tous. Bruno Tassin, du laboratoire Eau, environnement et systèmes urbains, interrogé par le site Rue89, estime qu’il s’agit d’une goutte d’eau, Boyan Slat prévoyant de nettoyer 140 tonnes de déchets par an, quand l’Europe en produit 25 millions de tonnes par an. Autre problème, relevé cette fois par les océanographes Kim Martini et Miriam Goldstein dans le quotidien Metronews, Ocean Cleanup se base sur la présence de la majeure partie des déchets à moins de 3 mètres de la surface. Alors que les vents peuvent enfouir les plastiques à 100 m de profondeur. Un autre expert, le Pr Richard Thompson, de l’Université de Plymouth, explique à la BBC que les investissements devraient plutôt viser à empêcher les déchets d’arriver dans l’océan. Sur ce point, on ne peut pas lui donner tort. 

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