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Nº 2991 du vendredi 6 mars 2015

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Léa Salamé, journaliste franco-libanaise. «Je refuse de pointer du doigt les musulmans»

Très jeune, elle fait des pas de géant dans le monde du journalisme et s’impose dans l’émission de Laurent Ruquier, On n’est pas couché. Léa Salamé, fille de l’ancien ministre libanais Ghassan Salamé, a été élue femme de l’année 2014 en France. Ferme, osée, pertinente, elle est aussi intervieweuse sur France Inter et écoutée par des milliers d’auditeurs. Nous l’avons rencontrée dans le cadre d’une manifestation organisée par la Fondation May Chidiac et l’Association francophone de journalisme.
 

Depuis quelques mois, vous faites un tabac en France dans la célèbre émission On n’est pas couché. Vous menez en parallèle l’interview de 7h50 sur France Inter dans la matinale de Patrick Cohen. Comment se prépare une journée de travail?
Je n’ai plus de vie. Je ne fais que travailler. Je me lève à 5h et c’est parti. Arrivée à 6h à la radio, je fais l’interview et prépare celle du lendemain. Je rentre chez moi pour une courte sieste et commence à travailler jusqu’à 19h sur les invités de On n’est pas couché. Mon travail est certes épuisant, mais tellement passionnant. C’est une chance. Je suis tiraillée de doute en ce qui concerne mes prestations, mais je ne le montre pas. L’émission de Ruquier est une arène. Il faut qu’il se passe quelque chose et cela demande un travail monstrueux.

Quand avez-vous décidé de devenir journaliste? En tant que Libanaise, cela a dû être difficile de se faire une place au soleil…
En France, il y a une volonté de voir des visages différents. Des gens issus de la diversité. C’est un plus et non un moins d’être libanaise, et moi j’en suis très fière. Comme je suis fière de mes origines arméniennes héritées de ma mère. Jeune, j’étais perdue entre mes différentes identités et puis, un jour, je devais avoir 12 ans, mon oncle me dit «assume le fait d’être un millefeuille». Depuis, je suis en parfaite harmonie avec cela.

Votre prénom c’est Hala. Pourquoi l’avoir «transformé» en Léa?
En France, on prononçait Hala, Allah, et je subissais des méchancetés inouïes parce qu’on liait mon prénom à celui d’Allah. C’était hyper violent à mes oreilles. Alors, à 12 ans, je décide de changer de prénom.

Le 11 septembre, vous étiez à New York. Vous avez été même blessée puisque vous habitiez dans le périmètre des tours percutées par les avions terroristes. Qu’est-ce que ce moment a changé dans votre vie, vous qui aviez quitté le Liban pour ne pas vivre les affres de la guerre?
C’est à cet instant-là, en fait, que j’ai décidé de devenir journaliste. L’intensité de vivre le moment, d’être au plus près des événements, de sentir l’adrénaline qui monte…
J’ai voulu vivre cela au quotidien à travers mon métier et, puis, j’avais une grande admiration pour Samir Kassir, si beau, si charismatique avec une aura de liberté inouïe qui l’entoure. Je voulais devenir journaliste comme lui. Alors mon père m’a pistonnée pour un stage auprès de Jean-Pierre Elkabbach. Oui, il l’a fait et j’assume cela mais, par la suite, j’ai gravi toute seule les échelons.

Vous consultez votre père dans le cadre de votre travail?
Cela m’arrive, mais je ne le fais pas systématiquement.

Comment vivez-vous le problème identitaire qui secoue la France aujourd’hui?
Je refuse de pointer du doigt les musulmans. Il y a, certes, un problème identitaire en France. Je comprends les Français de souche qui voient leurs modules traditionnels changer avec les magasins halal, le port du voile… mais il faut ouvrir les yeux et voir les choses comme elles sont…

Quel politicien libanais aimeriez-vous interviewer?
Walid Joumblatt. Et celui avec qui j’aimerais parler politique, c’est Samir Frangié.

Propos recueillis par Danièle Gergès

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