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Mouna Béchara

A Pâques ou à la Trinité…

Et peut-être même à la Pentecôte, avec le fol espoir que l’Esprit saint atterrisse au Parlement, inspire les «représentants» du peuple et leur insuffle l’importance de doter le pays d’un chef d’Etat. Réussira-t-il, là où les appels fusent de toutes parts? Peine perdue car, face aux intérêts personnels et aux accointances étrangères, les dangers qu’ils font courir au pays en laissant le vide s’incruster au palais présidentiel, ne comptent pas. Une telle crise n’est certes pas la première et ne sera pas la dernière tant qu’un vent d’irresponsabilité continue à souffler sur la Place de l’Etoile. Ils sont aujourd’hui 123 occupants des sièges sous la coupole. Cent vingt trois qui ont prorogé leurs mandats sans vergogne. Pourquoi d’ailleurs renonceraient-ils aux faveurs que leur offre une situation de tout repos? Peu importe qu’ils en fassent payer le prix aux contribuables.
Des Libanais, et ils sont nombreux, qui ont vécu les diverses crises et les affres de la dernière guerre, celle de 1975, ont décidé de quitter le pays pour s’organiser une nouvelle vie sous un ciel plus clément. Peut-on les blâmer d’abandonner le bateau et le leur reprocher, alors qu’ils sont condamnés au chômage, que leurs enfants sont sans cesse menacés par les explosions imprévisibles dont nous avons souffert et que nous continuons à craindre? Alors que les terroristes sévissent impunément même dans les pays les plus sécurisés, frappent déjà aux portes de nos frontières, un Parlement censé légiférer et gérer la vie publique a abdiqué après s’être quasiment assuré de la longévité de son mandat.
Le vide au palais présidentiel où les araignées tissent leurs toiles sans être dérangées donne l’image d’un logis abandonné par ses locataires, avant de s’en faire évacuer.
Depuis que l’indépendance, dont nous nous gargarisons, nous a été offerte sur un plateau d’argent un 22 novembre de 1943, qui avait coûté quelques jours de détention à des personnalités politiques de haut rang, la plupart des échéances ont été respectées dans la douleur. De Béchara el-Khoury, l’un des pères de l’indépendance et premier président du Liban indépendant à Michel Sleiman, élu à Doha après plusieurs mois de tergiversations, se sont succédé douze chefs d’Etat, deux présidents aussitôt élus et tout aussi vite assassinés, Bachir Gemayel et René Moawad. Si on exclut l’élection dite démocratique sous la coupole du Parlement de Sleiman Frangié, les autres, tous ou presque, ont été quasiment «désignés» à la va-vite et à contrecœur. Leurs mandats se sont achevés dans des crises, des conflits internes politiciens et leur succession s’est sans cesse heurtée à des problèmes d’ego et d’intérêts. Leur prolongation s’est imposée d’elle-même. Cette «tradition» a été instaurée par le mandat du premier chef d’Etat après l’indépendance, prorogé de deux ans et achevé dans des manifestations sanglantes. Le commandant en chef de l’armée, le général Fouad Chéhab, est appelé à assurer l’intérim. Il réussit le tour de force d’organiser en quatre jours l’élection du président Camille Chamoun. Le mandat de celui-ci, également prorogé, s’est achevé dans des batailles de rues avec les membres du PSNS, cédant cette fois la présidence de la République au général Fouad Chéhab. Le président Amine Gemayel succède à son frère Bachir assassiné et désigne à la fin de son mandat, au dernier gong de minuit, le général Michel Aoun à la tête d’un gouvernement militaire intérimaire formé en fin de compte des seuls ministres chrétiens, les membres appartenant aux autres communautés ayant refusé de s’y joindre. René Moawad élu par un Parlement réuni en catastrophe est, lui aussi, assassiné le jour du 22 novembre, comme pour signifier aux Libanais la fatuité de leur indépendance. Puis ce fut la succession de chefs d’Etat, tous désignés par l’étranger influent du moment. Quant à Elias Hraoui, suivi d’Emile Lahoud, les prorogations furent de mise.
Ce retour rapide au passé n’a nullement pour raison de justifier la tragique situation que nous vivons mais pour confirmer, une fois de plus, que nos dirigeants ont sans cesse eu les yeux tournés vers l’étranger quel qu’il soit, pour quémander un soutien, un conseil ou même un mot d’ordre qui permettrait de sortir de l’ornière. Nul ne semble vouloir le leur donner.

Mouna Béchara

 

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