On pensait que la légende du fameux bâtiment B de la prison de Roumieh était bien tombée depuis l’opération Coup de poing en janvier dernier. Mais une nouvelle émeute a eu lieu, le vendredi 17 avril, dans le bâtiment D de la prison, au cours de laquelle des agents des FSI et deux médecins sont pris en otages.
C’est sur fond de protestation contre le «traitement inhumain» et les mesures de sécurité draconiennes, dont sont victimes les détenus islamistes, que l’émeute a eu lieu. Après la prière du vendredi, les islamistes sont passés à l’action, prenant le contrôle du bâtiment D composé de trois étages, en commençant par le premier et le deuxième étages, qu’ils occupent. Selon des sources sécuritaires, les prisonniers cassent tout ce que contiennent les étages, saccagent les toilettes et les lavabos, brisent les caméras de surveillance et prennent les agents en otages. Ils réussissent à contrôler les entrées principales du bâtiment, séparées de la cour extérieure de la prison par une seule porte. Les islamistes ont pris en otages 12 à 15 agents de sécurité, dont ils ont arraché les tenues, les forçant à s’exposer aux fenêtres donnant sur la cour en les menaçant de les égorger avec des canifs fabriqués à la main.
Ce n’est pas par hasard que les islamistes ont choisi le vendredi pour exécuter leur émeute. Ce jour-là est généralement chargé à Roumieh et les tâches des gardiens sont réparties dans plusieurs directions. Il n’y a pas de visites prévues et aucune audience n’est fixée. La journée est consacrée aux promenades dans la cour, à prendre le bain et à se raser.
Cette mutinerie intervient, trois mois après le transfert des détenus dans le bâtiment D à partir du bâtiment B afin de rénover ce dernier, transformé par les jihadistes en une «principauté» islamiste devenue légendaire. En effet, avant le mois de janvier, date de l’opération Coup de poing, effectuée par les forces spéciales des Forces de sécurité intérieure (FSI) et supervisée par le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, certains islamistes commanditaient des opérations terroristes de l’intérieur de leurs cellules transformées en chambres d’opération.
C’est à l’aube que les forces de l’ordre ont mis fin à cette mutinerie. Le bâtiment a été encerclé par une force armée formée des forces spéciales des FSI et des commandos de l’armée. Des négociations ont eu lieu avec un représentant des détenus, qui a transmis aux responsables les revendications des prisonniers. Peu avant minuit, le dénommé Khaled Youssef, surnommé l’émir du bâtiment D, est convoqué par les forces de l’ordre pour tenter de trouver un accord. En échange de la libération des agents de l’ordre et des deux médecins, certaines demandes des prisonniers seraient satisfaites. Les détenus réclament leur transfert au bâtiment B, qu’ils occupaient avant l’opération Coup de poing de janvier dernier et qui est actuellement en rénovation. Le ministre Machnouk avait déclaré que la remise à neuf du bâtiment serait achevée début mai et que la présence des détenus dans le bâtiment D était provisoire, spécifiant qu’ils seront répartis dans des cellules différentes.
Ce n’est que vers une heure avancée de la nuit que les négociations ont commencé à donner les premiers résultats. Les prisonniers, penchés aux fenêtres, mettaient en garde les forces armées de ne pas s’approcher du bâtiment et leur lançaient des pierres ramassées des murs détruits de leurs cellules. A la nuit tombée, les forces de l’ordre ont braqué les projecteurs sur les murs et ont commencé à se rassembler dans la cour intérieure. Lorsque les détenus ont compris l’imminence de l’assaut, ils ont mis le feu au premier et au second étages, brûlant matelas et couvertures. Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, n’a pas tardé à réagir en assurant sur son compte Twitter que la situation était sous contrôle et que «la prison de Roumieh ne renouera plus jamais avec sa situation chaotique passée».
Joëlle Seif
1 200 détenus à l’étroit
Le bâtiment D est très étroit et ne peut contenir que 500 à 600 personnes au grand maximum, mais il en accueille aujourd’hui 1 200, rendant le quotidien de tous les détenus, islamistes ou non, infernal. Les conditions de travail des agents de l’ordre, responsables de la sécurité de la prison, ne seraient pas meilleures, ce qui expliquerait leur agressivité accrue face aux détenus. Il est primordial de séparer les islamistes et les suspects d’actes terroristes des autres prisonniers. De son côté, l’ancien député de Tripoli, Misbah Ahdab, a reçu les parents des détenus qui lui ont fait part des conditions désastreuses de la détention de leurs proches, ainsi que l’absence de soins.