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Mouna Béchara

Etat comateux

L’horrible carnage qu’a connu Paris, dans les bureaux de Charlie Hebdo, a soudé la France et créé autour d’elle une solidarité internationale. Que l’on soit d’accord ou non sur la politique du journal, sur les limites de la liberté d’expression, la raison fondamentale de cette grande mobilisation est la lutte contre ce barbarisme aveugle qui frappe la planète en ce début du XXIe siècle.
Loin d’échapper à ce fléau, nous en connaissons au Liban, depuis plusieurs années, les formes les plus violentes. Des chefs de file, des ministres, des députés, des personnalités politiques, des militaires, des journalistes, des religieux et tous ceux qui, au Liban, ont eu le courage de lutter pour défendre haut et fort les libertés et la vie en commun, ont été victimes de leurs convictions. Une révolution du Cèdre, emblème du Liban, avait suscité, en 2005, un exceptionnel enthousiasme et entraîné un vaste rassemblement populaire pour réclamer l’indépendance du pays et le retour sous la bannière de la seule autorité de l’Etat. Elle n’a hélas pas résisté aux intérêts personnels.
Nous ne pouvons pas occulter les horribles décapitations et assassinats des soldats pris en otages et dont le seul tort est d’accomplir leur mission.
Des criminels courent toujours. D’autres sont détenus dans la prison de Roumieh d’où, faute de contrôle, ils réussissent à maintenir le contact avec leurs acolytes. La récente attaque contre Jabal Mohsen a fait prendre au ministre de l’Intérieur l’ampleur du problème et la courageuse décision, vu le contexte sécuritaire, de transférer ces criminels, sous la protection renforcée de l’armée, à une destination sécurisée. Ils y sont désormais privés de toute possibilité de communication avec l’extérieur. L’opération s’est déroulée sans problème à la surprise et au grand soulagement des citoyens qui, n’ayant plus confiance dans les dirigeants, craignent les ingérences politiciennes.
Mais, alors que les luttes fratricides se poursuivent et se ressemblent, la République, toujours privée d’un chef, va à la dérive. L’élection d’un président au Liban est une mission difficile pour ne pas dire impossible. C’est au forceps qu’elle se fait et quasiment toujours au gré d’un Etat «ami» et néanmoins étranger. L’histoire du pays au fil des années le prouve. Les législatives ne sont pas à meilleure enseigne. Les permanentes violations de la Constitution, même pour «une fois exceptionnellement», n’ont qu’un seul but: interdire qu’on y touche.
Le pays est livré à un gouvernement qui, faute d’être d’union nationale, est placé sous le label de l’entente. Une entente, elle-même, difficile à protéger. Très vite, les polémiques au sein de l’équipe dirigeante ont porté sur quasiment tous les dossiers. Malgré les efforts du Premier ministre, elles n’ont pas pu être occultées.
Un budget national que la mauvaise gestion des finances publiques a empêché d’être publié depuis des années, un palais présidentiel sans locataire… un Parlement fantôme… sont autant de prétextes pour nous priver des aides internationales indispensables à la gestion des affaires du pays et, plus encore, à celle des besoins qu’exige la présence de plus d’un million et demi de Syriens sur le territoire libanais, selon les statistiques.
La cherté de vie, la faiblesse du pouvoir d’achat, le chômage mènent le pays à la catastrophe. En désespoir de cause, des jeunes sans emplois et sans vision d’avenir se laissent fasciner par les chants des sirènes et embrigader dans des mouvements extrémistes qui leur font miroiter le bonheur sur terre et le paradis dans une autre vie. Ces jeunes exaltés s’accrochent aux promesses, certes mensongères, et adhèrent sans hésiter au combat des jihadistes. Ces derniers agissent à travers le monde sous diverses étiquettes. Ils sont au Liban, dans les pays de la région aussi bien qu’en Occident.
Le bilan de2014 est pour le moins désastreux. L’action entamée par le gouvernement, les dialogues annoncés à grand fracas, amorcé par le Hezbollah et le Courant du futur et prévu entre le CPL et les FL, apporteront-ils un souffle d’espoir à l’horizon de 2015? Nous voulons y croire.

Mouna Béchara

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