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Nº 2930 du vendredi 3 janvier 2014

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Mohammad Chatah repose près de Rafic Hariri. Dignes funérailles attentat odieux

Les funérailles de Mohammad Chatah et de son garde du corps se sont déroulées sans incident dimanche, deux jours après l’attentat. Une foule partagée entre tristesse, douleur et émotion, a fait ses derniers adieux au «martyr de la modération». Les Libanais ressortent de cette épreuve encore plus divisés.

Au bas des marches de la grande mosquée Mohammad el-Amine, faisant face aux personnalités officielles et à l’écran géant, la foule, partagée entre tristesse et colère, se presse sur la chaussée qui sépare le lieu de culte de la Place des Martyrs. Les drapeaux libanais apportés par les participants aux funérailles de l’ancien ministre Mohammad Chatah et de son garde du corps Tarek Badr, sont restés le plus souvent en berne, enroulés autour de la tête ou du cou.
Pas de ferveur mais beaucoup d’émotion sur les visages. A l’arrivée des deux cercueils dans la mosquée, et surtout à leur sortie, tout le monde applaudit, religieusement.
«On est fatigué. C’est comme une tragédie qui recommence perpétuellement. On ne voit pas le bout du tunnel, se lamente une mère de famille, venue avec ses enfants pour l’occasion. Une amie m’a même confié qu’elle n’avait pas eu le courage de faire le déplacement, tellement elle était désespérée».
Le désespoir n’est pas le seul sentiment exprimé en ce jour de deuil. Des petits groupes de jeunes, surexcités, arborant fièrement des drapeaux du Liban, du Courant du futur, mais aussi des étendards islamiques, attirent très vite l’attention des journalistes. Ils font contraste avec le calme de la foule. Devant les caméras, ces jeunes se prennent au jeu médiatique, chacun renchérissant un peu plus pour apparaître à l’écran. Ils ne sont pas tendres avec le Hezbollah et son chef, Hassan Nasrallah.

 

Elan de solidarité
Une fois les cercueils arrivés dans le mausolée où repose la dépouille de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, la foule se disperse dans le calme. Les soldats libanais, qui quadrillent le centre-ville depuis les premières heures du matin, peuvent enfin respirer. La tension est tombée d’un cran.
Les plus passionnés restent pour écouter les discours prononcés sous la tente, d’ou résonnent des slogans fustigeant le Hezbollah et son chef. «Le Hezbollah est l’ennemi de Dieu», ou encore «Hezbollah terroriste», couvrent, parfois, la voix du chef du bloc parlementaire du Courant du futur, Fouad Siniora.
Ces sentiments d’impuissance, de désespoir, mais aussi de solidarité, sont apparus dès les premiers instants qui ont suivi l’explosion, deux jours plus tôt, à quelques pas de la Place des Martyrs.
Au moment de l’attentat, un réflexe devenu presque libanais opère instantanément. Les gens se précipitent vers le poste de télévision le plus proche et appellent les membres de leurs familles ou leurs amis en attendant d’en savoir davantage. Les premières images apparaissent à l’écran, les réseaux sociaux commencent à répandre la nouvelle. Les gens courent dans tous les sens, de la fumée et des flammes, partout.
Sur place, c’est la panique. Dans les rues qui mènent à Starco, des ambulances, sirènes hurlantes, circulent dans tous les sens.
Un esprit de solidarité se développe naturellement, chacun cherchant à se rendre utile par tous les moyens. Que ce soit l’épicier s’improvisant agent de la circulation, des jeunes en scooter transportant les journalistes, ou ceux qui, postés devant les militaires, accueillent les blessés légers qui sortent du périmètre de sécurité, leur proposant une épaule sur laquelle ils peuvent s’appuyer, un téléphone pour appeler un proche, un taxi pour rejoindre la famille, ou, tout simplement, une oreille attentive pour ceux qui ont besoin de parler.
A mesure que l’on approche du lieu de l’attentat, les dégâts provoqués par le souffle de l’explosion sont de plus en plus importants. Des débris de voitures calcinées, des morceaux de verre et des taches de sang. Sur la scène du crime, l’urgence laisse peu à peu place à l’organisation.
Alors que les ambulanciers évacuent les blessés et que les pompiers éteignent les flammes, les journalistes arrivent en grand nombre, se heurtant au large périmètre de sécurité mis en place par l’armée pour préserver la scène du crime afin de permettre le bon déroulement de l’enquête.
Entre la barrière, les journalistes et la haie de militaires, il est difficile de constater l’ampleur des dégâts. On peut voir les façades des immeubles sérieusement endommagées, les vitres soufflées. Moins d’une heure après l’explosion, des employés commencent à balayer le verre qui tapisse les halls d’entrée.
Du haut du toit d’un immeuble en construction de douze étages, s’offre une vue imprenable sur… l’horreur. On peut voir clairement l’épicentre de l’explosion, ainsi que la voiture de Mohammad Chatah, enfin ce qu’il en reste. Les enquêteurs tournent inlassablement autour de la place, tandis que les experts font des prélèvements.
Mais déjà, les rumeurs les plus folles circulent, en même temps que les coupables tout désignés.

Elie-Louis Tourny

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