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Nº 2936 du vendredi 14 février 2014

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Hollande et Obama déploient un filet protecteur. Le Liban au menu des grands

La visite de François Hollande aux Etats-Unis a ouvert une parenthèse diplomatique que les grandes puissances voudraient utiliser pour amener l’Arabie saoudite et l’Iran à apaiser les tensions régionales, stabiliser le front syrien et ainsi, réactiver les institutions libanaises paralysées depuis plusieurs mois. Un scénario idéal qui bute sur de nombreux aléas.
 

Les grandes tendances internationales se mesurent sur des temps longs. En 1962, la résolution de la crise des missiles de Cuba, qui a opposé les Etats-Unis de Kennedy à l’URSS de Khrouchtchev, a évité au monde un conflit nucléaire et pavé la voie à une période dite de détente, marquée par le refus de l’affrontement direct, matérialisée par des négociations continues, au profit de luttes de pouvoir et de guerres sur des terrains périphériques. Soixante ans plus tard, l’accord entre les Etats-Unis d’Obama et la Russie de Poutine sur les armes chimiques syriennes évitait au Moyen-Orient une intervention militaire occidentale aux conséquences incalculables. Depuis le 14 septembre dernier, date de la signature de cet accord, plusieurs espaces de discussion ont été mis en place, notamment à Genève entre l’Occident et l’Iran, puis entre l’opposition et le régime syrien. Mais ces négociations patinent et en l’absence de résultats tangibles, due en grande partie aux messages flous et contradictoires des grandes puissances occidentales adressés à Riyad et Téhéran, les fronts syrien, irakien et libanais restent toujours aussi actifs.
 

Protéger le petit frère
S’est pourtant dessinée à Beyrouth une unanimité internationale sur la nécessité de protéger le Liban du conflit syrien qui s’y est solidement installé. Une unanimité, d’abord construite à l’extérieur de ses frontières, grâce aux appels à l’aide systématiquement lancés par le président Michel Sleiman à la tribune des organisations internationales et auprès des grands dirigeants de ce monde. Dernier exemple en date, vendredi dernier, en Tunisie, où le chef de l’Etat a, tour à tour, rencontré son homologue français, François Hollande, avec lequel il a notamment examiné le mécanisme de mise en œuvre du don financier qui sera accordé par l’Arabie saoudite à l’Armée libanaise (voir encadré), et le chef du Parlement iranien, Ali Larijani, qui a mis l’accent sur «l’importance de la sécurité et de la stabilité au Liban».
Le président Sleiman bénéficie d’une incontestable aura internationale, dernièrement illustrée par le satisfecit adressé par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, «pour les efforts et les démarches entrepris par le président libanais en vue de préserver l’unité et la stabilité du Liban» et transmis par le coordinateur spécial de l’Onu au Liban, Derek Plumby. Un soutien qui s’étend à l’Armée libanaise, selon les dires de son commandant en chef, Jean Kahwagi, expliquant que «ce n’est pas une chose à prendre à la légère que de voir tous les Etats concernés affirmer leur soutien à la stabilité du Liban».
Cette unanimité, le personnel diplomatique en poste au Pays du Cèdre l’a exprimée auprès des leaders politiques du pays. Il y a plusieurs jours, l’ambassadeur des Etats-Unis, David Hale, effectuait une tournée complète. Dans le même temps, son homologue iranien, Ghadanfar Rokn Abadi, recevait l’ancien président de la République Amine Gemayel et le leader druze Walid Joumblatt. Pour quelles raisons alors, cette volonté commune de remettre le Liban sur les rails ne s’est-elle pas encore traduite en résultats concrets? Fondamentalement, parce que le Liban, en sa qualité de variable d’ajustement, servira pour tous ces pays de monnaie d’échange.    
Le Liban est traversé par une multitude de crises qui s’enchevêtrent les unes avec les autres. La crise politique d’abord. Après avoir exprimé leur appui à la formation d’un gouvernement rassembleur, à la tenue des élections présidentielles dans les délais prévus par la Constitution et à la réactivation des institutions, les chancelleries occidentales, et la France en particulier, s’interrogent sur le retard que prend la formation du gouvernement de Tammam Salam. Lorsque Michel Sleiman, à l’occasion de la Saint-Maron, s’est demandé si «être attaché à un portefeuille ministériel était plus important que d’être attaché au Liban», il exprime sa frustration et la crainte de voir se refermer la fenêtre de tir que constituait l’approbation de Saad Hariri de siéger aux côtés du Hezbollah au sein du futur gouvernement.
A qui attribuer ces tergiversations? Du côté du 14 mars, on estime que l’Iran, floué par son exclusion des négociations de Genève II, et le Hezbollah, qui soutient les revendications exorbitantes de Michel Aoun et refuse que les ministères de la Défense et de l’Intérieur reviennent à la coalition, sont les seuls responsables de ces atermoiements. De l’autre côté du spectre politique, on pointe du doigt l’Arabie saoudite, accusée de mener un double jeu, en appelant à la stabilité du pays et en soutenant les cellules jihadistes qui agissent au Liban et en Syrie. La lutte contre le terrorisme est sans doute l’un des points fondamentaux des discussions internationales qui s’ouvrent.

 

Avancées prévues pour mars?
Avec la stabilisation sécuritaire et politique du Liban, d’autres questions transnationales placent la communauté internationale au chevet du Liban et des chrétiens de la région. En pointe sur le sujet, le Vatican d’abord et le pape François qui a évoqué le dossier avec François Hollande et sera sans doute au menu de l’entretien entre le Saint-Père et le président américain Barack Obama, prévu pour la fin du mois de mars, mais aussi la Russie, le cœur de l’Eglise orthodoxe, qui a dépêché de nombreux émissaires au Liban. Entre-temps, les deux chefs d’Etat auront établi une feuille de route cette semaine, dans le cadre de la visite de François Hollande à Washington.    
«La France a des relations historiques avec le Liban, et nous nous tiendrons à ses côtés afin de l’aider pour ce qui a trait à l’afflux d’un grand nombre de réfugiés sur son territoire», a notamment déclaré le président français au cours d’une conférence de presse conjointe tenue à Washington avec son homologue américain. «Il nous faut soutenir le Liban pour préserver son unité et sa sécurité», a poursuivi le chef de l’Etat français. Dans les couloirs de la Maison-Blanche, le bruit court que les deux présidents, qui ont effectué plusieurs ouvertures en direction de l’Iran, ont discuté de la possibilité d’intégrer Téhéran dans leurs efforts diplomatiques en Syrie et au Liban. Les termes du contrat seraient assez simples: en contrepartie d’un assouplissement des sanctions, inflexion sur le soutien indéfectible à Bachar el-Assad et réactivation des institutions libanaises.
Le Pays du Cèdre reviendra sur le calendrier international au mois de mars avec la réunion du Groupe international de soutien au Liban, à l’invitation de la France. Au cours de cette conférence, deux fonds seront créés, l’un destiné à soutenir l’économie du Liban, l’autre à accompagner et financer l’accueil des réfugiés syriens dans le pays. Des aides tributaires de la formation d’un nouveau gouvernement. Autre conférence prévue au mois de mars, celle de Rome, pilotée par la ministre italienne des Affaires étrangères, Emma Bonino, en visite au Liban, la semaine dernière.
Les mécanismes mis en place n’attendent que le feu vert diplomatique pour se mettre en branle. La balle est désormais dans le camp de l’Iran et de l’Arabie saoudite, tous deux sommés de lâcher du lest sur la question syrienne pour encourager un retour à la normale au Liban. Le pays devra se contenter d’attendre le résultat de ces arbitrages décisifs.
 

Julien Abi Ramia

Soutien conditionnel à l’armée
François Hollande et Barack Obama se sont accordés sur un point: il sera très compliqué de livrer des armes à l’Armée libanaise, dans le cadre de l’accord franco-saoudien, en l’absence d’un gouvernement. La semaine dernière, le commandant en chef de l’Armée libanaise, le général Jean Kahwagi, s’est rendu en Arabie saoudite, quelques semaines après une visite à Paris, pour discuter des modalités d’achat des armes françaises pour la bagatelle de trois milliards de dollars. Certaines sources subodorent que Kahwagi n’était que peu satisfait des armes mises à disposition par la France. Dans quelques jours, une délégation militaire française se rendra à Beyrouth pour approfondir les discussions menées par les présidents
Sleiman et Hollande en Tunisie, au cours desquelles le chef de l’Etat libanais a demandé à son homologue de fournir des armes qui permettent au pays de se défendre. Comprendre, des équipements de taille.

Riyad s’attaque à ses jihadistes
Craignant un dangereux retour de flammes, le roi Abdallah vient d’adopter un décret qui prévoit des peines de trois à vingt ans de prison pour les Saoudiens qui participent à des conflits à l’étranger. Une décision suivie, quelques heures plus tard, de l’annonce par le président Barack Obama d’une visite en Arabie saoudite. Selon une récente étude d’un service de renseignement occidental, publiée par Le Figaro, plus de 250
Saoudiens sont morts en combattant en Syrie, sur un total d’environ 2 000 ressortissants du royaume partis renforcer les factions jihadistes liées à al-Qaïda. Les auteurs de ce rapport dénonçaient «le laisser-faire» des autorités saoudiennes à l’égard des volontaires pour le jihad, certains d’entre eux ayant été libérés de prison à condition qu’ils partent pour la Syrie. Un double jeu que dénoncent à mi-mots certains alliés occidentaux de Riyad.              

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