Magazine Le Mensuel

Nº 2870 du vendredi 9 novembre 2012

Editorial

Obama II, son Amérique et Israël

L’Amérique se redresse. Tous les indicateurs ne sont pas au beau fixe, mais je n’en citerai qu’un seul, qui résume la sortie de la dépression, autant psychologique qu’économique des Américains. Malgré un taux de chômage en octobre dernier de 7,9%, en augmentation de 0,1% sur le mois de septembre, l’économie américaine a créé 171000 nouveaux emplois. Cette contradiction apparente s’explique par un nombre plus élevé d’Américains qui rejoignent le monde du travail. Les chômeurs restent nombreux, mais l’Amérique innove et a besoin de nouvelles compétences, qu’elle créé et embauche. JP Morgan prévoit que le seul IPhone 5 apportera à l’Amérique entre 0,25 et 0,5 point de croissance! Ce redressement est entièrement à verser au crédit de Barack Obama. Héritier d’une faillite sans précédent, il a rassuré, d’une main, les moins nantis, en les couvrant sur le plan de la santé et en investissant dans l’éducation. Et, d’une autre main, il a rassuré le capital productif en soutenant les banques pourvoyeuses de crédits à l’investissement.
Sur le plan politique, l’échec de Mitt Romney est avant tout celui des excès de son aile droite. Ce sont ceux qui voulaient encore moins d’Etat, détaxer les riches et qui contestent l’horreur d’un viol, qui ont coulé le candidat républicain. Le parti démocrate a tenté pour la première fois de ne pas faire référence à Dieu dans son programme et Barack Obama a, dans son premier discours de vainqueur, parlé du rêve américain et d’une Amérique compatissante. Mitt Romney dans son message au président réélu a dit «prier» pour le chef de l’Etat afin qu’il puisse «guider» la nation. C’est en ces mots que se résume la différence entre les deux candidats, entre un réalisme à visage humain pour Obama et un messianisme égotiste et utopique pour Romney.
En politique étrangère, surtout au Moyen-Orient, que signifie la victoire démocrate? Si le discours d’Obama au Caire, en 2009, ne fut suivi d’aucune avancée significative, il faut aussi retenir les dernières déclarations de Denis Ross, très écouté à la Maison-Blanche. Il dit que l’Administration d’Obama est celle qui a le plus fait pour garantir la sécurité d’Israël. Voilà, de la part d’un ami d’Israël, de quoi faire taire ceux qui accusent les Etats-Unis d’abandonner l’Etat hébreu. Mais il ajoute, contrairement à Romney, que la solution des deux Etats reste la seule viable. Obama et Netanyahu, tant sur le dossier palestinien que sur la question iranienne, ne cachent plus leur désaccord. Le président des Etats-Unis a refusé de recevoir le Premier ministre israélien à l’occasion de l’Assemblée générale de l’Onu en octobre. Il refuse également de donner à Israël son feu vert pour attaquer l’Iran. L’Egypte des Frères musulmans, qui ne facilitera pas la vie à Israël sans rompre avec lui, n’a pas, à ce jour, renoncé à ses relations avec les Etats-Unis. On a lu et entendu en octobre, que le conseiller du guide de la République islamique d’Iran, Ali Akbar Wilayati, aurait visité les Etats-Unis et que les deux pays seraient prêts à entamer des discussions bilatérales. Toutes ces informations furent démenties à la veille des élections, c’est compréhensible, mais si ce n’étaient que des rumeurs, elles ne peuvent qu’irriter Israël. Justement, maintenant que les élections sont terminées, Obama pourra-t-il faire avancer la solution des deux Etats? La question n’est plus uniquement politique, c’est l’écart entre deux mentalités qui fera peut-être la différence. L’Amérique a voté pour un candidat libéral, donc pour plus d’égalité et de justice sociale dans le pays. Ce candidat, chrétien certes, a tenté d’ôter toute référence à Dieu dans son programme et de ne pas citer Jérusalem comme capitale d’Israël. C’est vrai qu’il a échoué, mais la tentative était une première. A propos de Dieu, les chefs des quinze principales Eglises ont demandé la révision de l’aide des Etats-Unis à Israël. C’est aussi une première.
En Israël, Benyamin Netanyahu semble assuré de garder son siège de Premier ministre. Les chiffres et les noms de sa campagne électorale ont démontré que ses 19 principaux bailleurs de fonds américains ont tous financé Mitt Romney et aucun Barack Obama. Son alliance avec Avigdor Lieberman et les religieux est l’indice de la radicalisation de la société israélienne sur le mode du fascisme des nationaux sionistes et de la dérive religieuse fondamentaliste des Harédims, à la façon des salafistes les plus obscurantistes. Il est vrai que les alliances entre deux nations dépendent des intérêts stratégiques communs. Mais pas uniquement dans le cas des relations entre Israël et les Etats-Unis. Il existait entre ces deux pays une symbiose faite de grands récits communs, de partage de symbole, de valeurs et de modèle de société. C’est ce qui se fissure aujourd’hui et c’est ce qu’Israël devrait redouter.

 

Amine Issa

 

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