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Nº 2876 du vendredi 21 décembre 2012

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Elections législatives. Un rendez-vous de plus en plus incertain


Depuis que Najib Mikati a mis la démission de son gouvernement sur la table en la conditionnant par l’adoption d’une loi électorale, la vie politique du pays ne tourne qu’autour de cette question. Pendant que les leaders s’écharpent sur les velléités des uns et des autres à empêcher la tenue des législatives, les discussions entre Nabih Berry et les députés du 14 mars n’avancent guère.

Les échauffourées, qui ont opposé des activistes du CPL et des Forces libanaises sur le campus des sciences humaines de l’Université libanaise, à Fanar, sont le signe d’une crispation galopante. Les élections, prévues pour l’année prochaine, sont dans toutes les têtes. Il y a encore quelques jours, le débat était encore lisible. Alors que le Courant du futur posait au Hezbollah et à ses alliés la question sur la tenue des élections, les pôles chrétiens des deux camps s’écharpaient, eux, sur la loi électorale. Les partis directement impliqués dans le conflit syrien d’un côté, les calculs d’apothicaire de l’autre. Mais le temps presse. Le président Sleiman a, cette semaine, révélé des «pressions internationales» qui poussent le pays à organiser des élections à la date prévue. Le Premier ministre Mikati a expliqué que si une nouvelle loi électorale était adoptée, il remettrait la démission de son gouvernement. Un marché que soutient désormais le patriarche Raï. Les institutions ont dit leur mot, la balle est dans le camp des politiques.

Berry cherche la clé
Le président de la Chambre commence par le camp de l’opposition. Le 14 mars, tenant du boycott, a fini par lâcher un peu de lest. «Nous ne boycottons pas les institutions et le Parlement, mais le gouvernement», assure le député Marwan Hamadé. Ce dernier formait avec Samir el-Jisr, Antoine Zahra et Elie Marouni, la délégation qui a rendu visite, la semaine dernière, au président Berry dans ses quartiers de Aïn-el-Tiné. L’objectif annoncé des deux camps: trouver le moyen de reprendre les travaux de la sous-Commission parlementaire chargée de plancher sur la nouvelle loi électorale. «Nous insistons pour que les élections législatives aient lieu à la date prévue et pour qu’une nouvelle loi électorale soit adoptée», explique Hamadé. L’opposition émet deux conditions: se conformer à ses exigences politiques et surtout, à ses désidératas sécuritaires. Les députés du 14 mars se disent menacés depuis l’assassinat de Wissam el-Hassan.  
Pour les rassurer, Nabih Berry leur aurait proposé d’élire domicile dans un hôtel proche du Parlement afin d’assister aux réunions de la sous-Commission. A l’heure où ces lignes sont écrites, la proposition est à l’étude. Après la réunion du bloc parlementaire du Futur, le député du Chouf, Mohammad Hajjar, a fait remarquer que «rien n’empêchait une éventuelle rencontre entre les députés du 14 mars et Nabih Berry afin de former une commission restreinte chargée de mettre au point une nouvelle loi électorale». Sans doute, c’est là le signe de la poursuite du dialogue avec le président de la Chambre, seul interlocuteur crédible de la majorité, dixit Marwan Hamadé: «Il a de bonnes intentions mais il est soumis à l’influence de certains. Ceux-là tiennent les rênes du gouvernement et se réclament de la majorité». C’est le Hezbollah qui est visé en premier chef.
Dimanche, à l’occasion de la cérémonie annuelle de remise des diplômes aux étudiants du Hezbollah, le Secrétaire général du parti a accusé le 14 mars d’être responsable de la crise dans le pays. «Il n’y a ni dialogue ni réunions parlementaires, en raison de la décision de boycott prise par le 14 mars. L’objectif déclaré de ce boycott est la chute du gouvernement. Mais elle ne se produira pas. Alors pourquoi continuer? C’est que, justement, il s’agit en réalité de bloquer le Parlement pour mettre le pays devant un choix difficile: organiser les élections législatives selon la loi de 1960 ou les reporter. Ce sont deux mauvais choix».
 
Nasrallah hausse le ton
La charge est extrêmement violente. «Comme d’habitude depuis 2005, tous vos calculs sont faux. Vous boycottez, vous empêchez les réalisations du gouvernement… et tout cela pourquoi? Parce que vous pensez que la chute du régime syrien est imminente. Vous ne cessez de miser sur l’extérieur. Je vous conseille donc de cesser de le faire, de vérifier les informations qui vous sont remises et de revenir au Parlement. Attendez quelques mois et les élections donneront lieu à la formation d’un nouveau gouvernement».
Au-delà de la violence, assez rare, de son discours à l’adresse de l’opposition, c’est la première fois que Hassan Nasrallah prend part aussi distinctement au débat sur la loi électorale. Il estime que, comme les puissances étrangères qui lui sont favorables, l’opposition lie la tenue des élections aux développements du conflit en Syrie. Son leader Saad Hariri n’a pas tardé à réagir: «Nous ne tenons pas à la loi de 1960, la vérité est que Hassan Nasrallah ne veut pas d’élections». C’est ici que les positions des uns et des autres se compliquent. Sur des dossiers aussi importants que celui-là, les accusations ne sont jamais gratuites et le débat sur cette question, tel qu’il s’organise, porte en lui un paradoxe essentiel. Comment peut-on accuser l’opposition d’être soumise aux grandes puissances et de vouloir reporter les élections, chose qu’elles refusent catégoriquement?
Le 14 mars joue-t-il la montre, espérant ainsi voir le régime syrien tomber avant les élections afin de reprendre le pouvoir par la suite? C’est en tout cas l’avis de Michel Aoun (voir encadré).
 De son côté, le leader des FL, Samir Geagea, explique que «la décision de boycott n’a nullement pour objectif d’empêcher l’approbation d’une nouvelle loi électorale», qualifiant de «mensongères» les allégations du camp du 8 mars concernant les intentions de la coalition. «La question qui se pose est de savoir quelle est la partie qui entrave l’approbation d’une nouvelle loi électorale. S’ils désirent réellement approuver une nouvelle loi électorale, ils devraient accepter que les réunions de la commission ad hoc se tiennent au domicile de l’un de nos députés». Pour Geagea, l’équation qui se pose sur ce plan est claire: «Soit le Hezbollah obtient l’approbation d’une loi électorale qui lui permettrait, non pas de restituer les droits des chrétiens, mais de remporter une victoire électorale, soit il entravera et empêchera la tenue d’élections».
Depuis 2005, les bilans de fin d’année restent toujours aussi maigres et confondants d’immobilisme. Les antagonismes entre les coalitions du 8 et du 14 mars restent toujours aussi forts. Il y a sept ans, le retrait des troupes syriennes du Liban n’avait pas suffi. Les pôles centristes, qui tentent tant bien que mal d’ouvrir des pistes d’apaisement de Baabda au Grand sérail en passant par Bkerké, non plus. La fumée blanche viendra sans doute de Syrie où la poursuite du conflit n’arrange finalement personne, encore moins notre pays.

Julien Abi Ramia

 

Aoun rassure
Le leader du CPL, qui a reçu mercredi Tony Sleiman Frangié à Rabié, lequel en a profité pour annoncer sa candidature à Zghorta, est revenu sur la question de la loi électorale. «Ils œuvrent à torpiller les élections en refusant de participer aux séances parlementaires pour débattre de la loi électorale. Il s’agit d’une tentative de leur part de transposer le conflit ailleurs. C’est un coup d’Etat et ce sont ceux qui se livrent à ce genre d’actions qui sont responsables du blocage. Mais s’il n’y a pas d’élections, ne vous inquiétez pas, il n’y aura pas de vacance au niveau du pouvoir».
Mais il prévient: «Il n’est pas possible de tenir des élections sur la base de la loi de 1960 pour des raisons essentielles. Que ceux qui pensent pouvoir les organiser sur cette base le fassent!»

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