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Nº 2890 du vendredi 29 mars 2013

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L’effort de modernisation. Le modèle chinois et les Arabes

A l’occasion du 3e Forum académique sino-libanais, l’Université libanaise (UL) et l’Association de l’amitié Chine-Liban ont organisé un colloque à l’UL sur les moyens de modernisation en Chine et leur impact sur les relations sino-arabes.

«Ne vous mettez pas en avant, mais ne restez pas en arrière». Ce proverbe chinois résume bel et bien la situation actuelle de la Chine qui a réussi au fil des années à construire une image spécifique quant à sa politique, son économie et sa société.
C’est ainsi que l’ambassadeur chinois Wu Zexian a introduit le colloque sur les moyens de modernisation en Chine et leur impact sur les relations sino-arabes, mettant l’accent sur les échanges amicaux entre les universités libanaises et l’Université de Pékin, par le biais de visites culturelles réciproques qui ont mené, entre autres, à  la création de l’Institut Confucius à l’Université Saint-Joseph (USJ). Remerciant le président de la Ligue d’amitié sino-libanaise, le Dr Massoud Daher, qui a fortement contribué au fil des ans à renforcer les relations bilatérales entre les deux pays, l’ambassadeur a donné ensuite la parole au Dr Adnan Hussein, président de l’Université libanaise. Ce dernier est remonté dans l’histoire, rappelant que les relations entre le Liban et la Chine sont nées lorsque cette dernière a obtenu son indépendance après la Deuxième Guerre mondiale. «Beyrouth est une capitale ouverte à toutes les civilisations et à toutes les cultures. Il existe des sites touristiques au Liban et en Chine que nos jeunes devraient connaître et visiter», affirme-t-il.
Yang Fuchang, vice-ministre chinois des Affaires étrangères, évoque 1978, qui constitue l’année où la Chine a connu des débuts de modernisation. «Depuis 35 ans, la Chine baigne dans une atmosphère de stabilité, de développement et de réforme». La politique réformiste chinoise est pratiquement appliquée à deux niveaux: sur le plan académique, les Chinois sont largement ouverts aux cultures occidentales et moyen-orientales, et sur le plan politico-économique, la Chine est, nous le savons tous, un grand pays exportateur (cf. Made in China).

L’automne arabe
Les liens établis avec les différents pays arabes, notamment l’Egypte en 1956, sont toujours maintenus jusqu’à nos jours, malgré les «manifestations» auxquelles nous assistons depuis deux ans. Fuchang refuse d’employer le terme de révolution parce que selon lui une véritable révolution suppose un changement radical dans la structure d’un Etat, ce qui n’a pas été le cas dans ce qu’il qualifie d’«automne arabe». Il a de même insisté sur l’abstentionnisme chinois, soulignant que le principe fondamental sur lequel repose la Chine est de ne pas se mêler des affaires internes des nations, et donnant l’exemple de la Syrie, il déclare: «C’est le peuple syrien qui doit avoir le dernier mot».
Le Dr Ning Qi, professeur à l’Université de Pékin, déclare qu’après l’instauration de la République populaire de Chine, l’Université a profité d’une reconstruction à tous les niveaux avec plusieurs programmes d’aménagement et de nombreuses spécialités. Les statistiques prouvent, en effet, qu’il s’agit de l’une des universités les plus prestigieuses du monde avec 36000 étudiants, 53 campus et d’importants centres de recherche. «Nous enseignons aussi les langues étrangères et la culture de leurs pays respectifs (20 langues étrangères y compris l’arabe)».
Le Dr Camille Habib rappelle la date du 17 novembre 2009, lorsque le président américain Barack Obama se rend en Chine. Suite à cette visite, l’ambassadeur américain à Pékin insulte les experts chinois, révélant que l’intention américaine est de profiter, voire d’abuser autant que possible de ce pays. «Les Américains ont pourtant tort de sous-estimer la Chine qui, non seulement est reconnue comme une puissance économique à l’échelle mondiale, mais aussi comme une nation qui a introduit de nouvelles techniques de modernisation».
C’est, d’ailleurs, un pays qui repose sur trois principes essentiels: le refus de renverser les systèmes politiques étrangers, le refus d’imposer des sanctions aux différents pays, et le refus de s’ingérer dans les affaires internes des autres, espérant ainsi assister à l’émergence d’un monde nouveau sur la base des principes de paix et d’équité.

Harmonie universelle
Pour les Chinois, l’harmonie universelle ne peut se manifester qu’au sein d’une nature préservée de toute violence humaine. C’est dans ce sens que le Dr Huan Qingzhi introduit le «red-green environmental movement» chinois. Dans le même ordre d’idées, le Dr Song Yuqin présente le danger de désertification qui atteint déjà une partie de la Chine et qui risque de frapper 60% du territoire libanais, énumérant ses causes dont 30% sont naturelles et 70% le fruit d’interventions humaines. La tragédie du lac de Juyan, en Chine, ne peut que venir à l’esprit, ainsi que celle du Weiming Lake, en 2002.
Après l’environnement et les enjeux écologiques, c’est au tour de la notion de dynamique sociale d’être évoquée au colloque avec le Dr Frédéric Maatouk. Cette notion est étroitement liée à celle de l’Etat. En effet, l’orientation sociale de la Chine tend vers un Etat ouvert et moderniste, tandis que le Liban est davantage un Etat enlisé dans les conflits et dans le confessionnalisme. «L’Etat libanais est un Etat privé et non un Etat public qui fait primer ses intérêts aux dépens du peuple», martèle-t-il.
Nous ne pouvons être insensibles à l’importance indéniable et primordiale de la philosophie. Le Dr Raymond Gauche confirme l’ampleur de cette «science» de l’homme et du monde en comparant la philosophie de la Grèce antique, notamment celle de Platon aux philosophies chinoises, à savoir le bouddhisme, le taoïsme et le confucianisme. Alors que Platon était à la recherche d’un certain Idéal dans le monde des Idées, les Chinois, eux, ont examiné cette utopie onirique dans leur adaptation à la nature et à ce qui les entoure. «Nous, peuple cananéen, sommes tenus de nous inspirer des principes chinois afin de créer une nouvelle dialectique au sein d’un gouvernement visant à assurer le bien-être de son peuple».
La deuxième partie du colloque est consacrée à l’échange sino-arabe dans la littérature et dans l’art. Selon le Dr Lin Fengmin, l’intérêt que portent les Chinois à la littérature arabe commence en 1979 (lorsque la Chine s’est ouverte au monde) et il est clairement mis en évidence par la traduction des Mille et une nuits de l’arabe au chinois au début du XXe siècle, mais aussi par la publication par des auteurs chinois d’ouvrages qui portent sur l’histoire littéraire arabe ou orientale.

Natasha Metni
 

Arts et médias
S’intéressant à l’art, les Drs Adnane Khoja et Mohammad el-Hage évoquent l’influence de l’art chinois en Orient. Les lettres arabes qu’on retrouve dans le Coran par exemple, sont le plus souvent inspirées de peintures chinoises. Pourtant, «nous faisons face de nos jours à une mondialisation qui fait perdre à l’art toute sa valeur», se désole le Dr el-Hage. Plusieurs problématiques se sont posées quant au respect des traditions artistiques face à ce que nous impose la globalisation.
Quant à l’impact des médias et leur développement en Chine, le Dr Chen Kaihe constate, en présentant l’historique de ce 4e pouvoir, que la presse s’y déploie beaucoup plus lentement que les médias. Après la révolution culturelle qui fut pour lui une «erreur historique», s’annonça une ère d’ouverture et de réforme (Depuis 1979). Aujourd’hui, la Chine se veut une réalité imposante sans pour autant être hégémonique. Mais selon l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), la Chine deviendra la première puissance mondiale en 2016. Et nous autres Arabes?

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