Magazine Le Mensuel

Nº 2985 du vendredi 23 janvier 2015

Livre

A Lebanese Archive. Ou les résultats d’une rencontre émouvante

«J’étais perdu et vous m’avez retrouvé». C’est ce que le Liban aurait glissé à l’oreille d’Ania Dabrowska et de Diab Alkarssifi. Tous les deux, une artiste et un sans-abri, ont travaillé ensemble afin de faire revivre de leurs cendres les images d’un pays qui s’est envolé au fil des ans. Zoom sur un projet qui a débouché sur le livre A Lebanese Archive.
 

Tout a commencé dans une auberge à Arlington, à Londres. Ici, se réfugient des sans-abri et des artistes de passage, comme Ania Dabrowska. Cette dernière était invitée à utiliser son art afin de réengager les sans-abri dans la vie collective.
La rencontre avec Diab Alkarssifi a eu lieu au moment où il est venu sonner à sa porte. Entre ses mains, cet ex-journaliste qui a immigré à Londres, en 1993, et qui était sans domicile fixe portait deux énormes sacs remplis de négatifs, de tirages et de documents. L’artiste raconte qu’elle a pris d’abord ces sacs pour du linge sale. Mais ils renfermaient bien autre chose. S’y dégageait une odeur de vieux papiers, de poudres et d’eau de Cologne. C’est ce qui a ému le plus Dabrowska. Très vite d’ailleurs, elle comprend à quel point ce qu’elle venait de découvrir doit être exploité.

 

27 000 images du Moyen-Orient
«Grâce à ces sacs, explique-t-elle, nous avons pu nous pencher sur l’histoire, les visages, les géographies et les transformations de certaines villes moyen-orientales». Dans ces sacs, trois choses pouvaient être dégagées. D’abord, des photographies qu’il avait prises au cours de son travail en tant que journaliste dans divers journaux au Liban. Alkarssifi collectionnait également des albums de photos de ses proches, de ses voisins, de sa famille. On y voit donc défiler les vies et les morts de personnes inconnues. Autre trésor caché, des extraits de collections de photographies de tout le Moyen-Orient, remontant à la fin du XIXe siècle. Elles montrent Le Caire, Damas et l’ancien Beyrouth. Au total, 27 000 images étaient prises par l’ex-journaliste, comme le relate le site Internet parlant de ce projet. Elles n’étaient pas toutes avec Diab Alkarssifi évidemment. Certaines étaient encore au Liban. Lorsqu’ils ont décidé de travailler sur ce projet, tous les deux ont gardé des photographies de la collection originale, ajouté des œuvres d’Ania Dabrowska et, surtout, établi entre eux un échange montrant les différences et les similitudes de leurs histoires culturelles et politiques réciproques.
Le projet était tellement réussi que, depuis leur rencontre en 2010, A Lebanese Archive est né. Il sera publié au printemps 2015 par Book Works et the Arab Image Foundation. Ce qui est intéressant dans ce livre, c’est que l’artiste a réussi à donner à ces documents d’archives un graphisme contemporain. Un modernisme qui caractérise Ania Dabrowska. Son travail, en effet, a été exposé partout dans le monde, dans des collections privées et publiques. Elle est également lauréate de plusieurs prix de photographies internationales. Pas de doute qu’avec ce projet, le succès de cette artiste ne fait que se conforter.

 

Pauline Mouhanna

Pour plus d’informations, se rendre sur ce site: http://lebanesearchive.co.uk/

La presse mondiale séduite par le projet
Il y a d’abord la presse anglaise comme The National, Time Out London, British Journal of photography, mais aussi des médias arabes… Tous ont parlé de ces images, notamment de ce mariage entre deux photographes qui a permis au Liban d’occuper de nouveau le devant de la scène.

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