Magazine Le Mensuel

Nº 3051 du vendredi 29 avril 2016

Rencontre

Nada Moghaizel Nasr. Acteur du monde dans lequel on vit

Le vendredi 15 avril, Nada Moghaizel Nasr est nommée chevalier des Palmes académiques. Magazine l’a rencontrée pour une discussion à bâtons rompus autour de son combat en faveur d’une «excellence inclusive et sociétale».
 

Elle vient de recevoir les insignes de chevalier dans l’Ordre des Palmes académiques de la République française. Une reconnaissance officielle de son parcours pédagogique et de son dévouement à l’éducation. Une reconnaissance qui, en soi, ne signifie peut-être pas grand-chose pour elle, et c’est intimidée qu’elle a reçu cette information, elle qui n’est pas habituée à ce genre de cérémonies, pensant aussitôt au moyen de la rendre utile. Ce sera donc l’occasion de parler devant un plus large public des principes qui l’ont orientée tout au long de son parcours, depuis une trentaine d’années dans le domaine de l’éducation. Discuter avec Nada Moghaizel Nasr, c’est pénétrer dans un univers théorique et pratique à la fois, c’est, en l’espace de quelques minutes, acquérir des notions qui peuvent sembler rébarbatives au premier abord et, pourtant, tout à la fois explicitées. A commencer par le concept d’excellence inclusive et sociétale. «Un nouveau concept qui s’est beaucoup explicité depuis l’année passée», dit-elle, prenant à cœur et avec le  sourire d’expliquer à son interlocuteur ce fondement primordial des droits de l’homme, du droit à l’éducation. «Une excellence inclusive est le contraire d’une excellence élitiste. C’est une excellence qui inclut tout le monde, qui est assurée à tous, non seulement à ceux qui sont déjà favorisés par la vie, par leurs parcours scolaires antérieurs, par le type de catégorie sociale à laquelle ils appartiennent, par le genre de parents qu’ils ont eu la chance d’avoir… mais aussi à ceux qui auraient été moins outillés dans la vie, moins chanceux». De l’excellence inclusive à l’excellence sociétale, l’éducation est tout aussi concernée «par le développement des compétences qui servent le bien commun, des compétences de tolérance, d’esprit critique, de créativité intellectuelle, qui permettent aux étudiants de devenir des acteurs dans cette partie du monde dans laquelle ils vivent».
Des préoccupations, des objectifs qui ne restent jamais dans un moule purement théorique. Brandissant son côté pragmatique, elle estime que les recherches qui restent sur les étagères sont d’un ennui mortel, leur intérêt réside précisément dans la mise en pratique de leurs résultats. Dans leur concrétisation, leur application sur le terrain, au cœur de l’université, auprès des étudiants, aux côtés de l’équipe éducative. Au passage, elle souligne l’importance de ce qu’elle appelle «l’intelligence collective», ce travail en commun qui rend le travail encore plus fructueux.
Tous les axes professionnels qu’elle a occupés, de son statut d’enseignante en passant par son poste de doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation à l’USJ (Université Saint-Joseph), à son actuelle mission, depuis septembre 2015, de déléguée du recteur à l’Assurance qualité et la Pédagogie universitaire… quand on a la préoccupation d’assurer, auprès des étudiants, l’excellence d’abord, ensuite l’excellence inclusive et sociétale, «on est amené à réfléchir, d’une certaine manière, à avoir un type de pratique particulier, une façon d’être aussi qui est assez particulière». Des choix de vie autre pour «améliorer la vie des hommes dans cette partie du monde dans laquelle on vit, pour ne pas être des spectateurs du monde, mais des acteurs du monde dans lequel on vit».
Des acteurs du monde dans lequel on vit. Cette expression, cet impératif, revient souvent dans ses mots, comme un mode de vie qu’on adopte et qui continue de mouvoir tous nos gestes et pensées. Un mode de vie qu’elle a reçu de ses parents comme une dette qu’elle se doit de rendre, à l’instar d’eux. Laure et Joseph Moghaizel, ces figures qui appartiennent à l’histoire d’un pays, à l’engagement de ses citoyens, à l’instauration des droits de l’homme. Pour elle, pour leur fille, ils ne sont pas, ou pas seulement, ses parents biologiques. Ce sont «nos parents, des figures dans notre histoire libanaise, sur lesquels on peut s’appuyer, s’identifier». Ils sont les acteurs d’une histoire dont on peut énormément apprendre. Une histoire de citoyenneté, une histoire d’amour, une très belle histoire dont elle a été témoin, et qu’elle a le devoir de raconter et non de garder pour elle. Ce qu’elle a fait en 2008 en publiant le livre Joseph et Laure, aux éditions an-Nahar. Ce qu’elle continue de faire dans la vie de tous les jours et dans le champ d’action qu’elle s’est choisi: celui de l’éducation justement, parce que, depuis longtemps, elle est passionnée par les mécanismes de la transmission. Et quand «on travaille sur la formation universitaire, ‘‘un levier stratégique’’, on travaille à former le capital humain d’un pays».

Nayla Rached

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