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Nº 3066 du vendredi 12 août 2016

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Couverture médicale pour les séniors. Onze millions de dollars… introuvables

Le ministère de la Santé a annoncé son projet de rendre complètement gratuits les frais d’hospitalisation pour les Libanais de plus de 64 ans. Comment cette mesure est-elle possible, alors que le ministère peine déjà à rembourser les hôpitaux et que le Parlement n’a pas voté de budget depuis 2005?

Au mois de juillet, le ministère de la Santé annonçait le lancement de la prise en charge hospitalière gratuite pour tous les Libanais âgés de plus de 64 ans. Jusqu’à présent, il couvre 95% des frais d’hospitalisation dans les hôpitaux publics et 85% dans les hôpitaux privés pour les patients qui bénéficient de son aide.
Le reste de la note revient alors aux frais du patient. Ce sont ces 5 et 15% que le ministère de la Santé entend couvrir entièrement. Le coût de cette mesure a été estimé à 17 milliards de livres libanaises, soit 11,3 millions de dollars par an, ou 2,7% du budget du ministère de la Santé.
Pour financer cela, le directeur du ministère, Walid Ammar, explique à Magazine compter sur une augmentation de 3% du budget du ministère.
Les conditions pour percevoir cette aide sont d’être libanais, non assuré par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) ni par une assurance privée. «Chaque année, le ministère de la Santé couvre environ 2,12 millions de Libanais, soit à peu près la moitié de la population qui n’est pas assurée, dont 5,8% qui ont plus de 64 ans, explique Ammar. C’est cette tranche de la population que nous visons par cette mesure en rendant les frais d’hospitalisation entièrement gratuits».
Oui mais voilà, si le ministère de la Santé compte sur une augmentation de son budget pour financer la mesure, il faut préciser que le Parlement n’a pas voté de budget depuis 2005. Difficile donc d’imaginer comment sera financée cette mesure.
A cette question, Walid Ammar répond: «Même si le budget n’est pas voté par le gouvernement, nous n’attendrons pas que les problèmes politiques soient résolus pour mener de nouvelles réformes. Nous pouvons toujours faire passer de nouveaux décrets pour utiliser les fonds publics, comme nous le faisons jusqu’à maintenant. Nous ne prétendons pas faire des miracles avec cette modeste mesure mais, au moins, c’est toujours un pas en avant vers plus de justice sociale, à défaut de pouvoir créer un système de santé idéal».
 

Le corps médical sceptique
Interrogé par Magazine, un médecin haut placé dans l’administration d’un hôpital beyrouthin a indiqué: «En réalité, cette mesure ne va absolument rien changer à la situation. Chaque hôpital a un plafond financier fixé à l’avance par le ministère de la Santé pour soigner les personnes qui ne sont pas assurées, mais ce plafond est toujours très largement dépassé, car il y a plus de malades que de moyens. Les hôpitaux qui soignent ces malades aux frais du ministère sont remboursés des années plus tard. Comment le ministère compte couvrir 100% des frais, alors qu’il n’arrive déjà pas à financer 85% de la couverture? Pour moi, cette mesure n’est que de la poudre aux yeux et la situation dans les hôpitaux n’est pas près de changer».
Les hôpitaux attendent toujours la décision du Conseil des ministres de leur débloquer les arriérés. Plus d’un milliard de dollars n’ont toujours pas été réglés par le ministère de la Santé, la Caisse nationale de sécurité sociale et les institutions militaires.
Pour Walid Ammar, «même s’il existe beaucoup de problèmes dans le secteur hospitalier, notamment en matière de tarification, de dépassement budgétaire, cela ne doit pas nous empêcher de mettre en œuvre de nouvelles mesures. Nous allons percevoir une augmentation de 3% du budget du ministère et nous avons décidé de consacrer cette somme aux personnes âgées les plus vulnérables. Il est vrai qu’il y a un retard de paiement aux hôpitaux, mais cela est dû au problème politique».
Selon la même source médicale interrogée en milieu hospitalier, les établissements et médecins percevraient leurs paiements du ministère de la Santé des années après avoir soigné les patients à la charge de ce dernier. «La conséquence est qu’il arrive que certains patients pris en charge par le ministère de la Santé soient considérés comme des ‘‘patients de seconde zone’’ dans certains hôpitaux, ajoute la même source. Les patients payant eux-mêmes leurs frais d’hospitalisation étant priorisés.

Soraya Hamdan

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