L’équipe de l’expédition Septième continent est rentrée d’un mois d’exploration dans l’Atlantique Nord, à la recherche des «soupes» de plastique qui polluent les eaux. La zone s’étendrait sur quelque deux millions de kilomètres carrés.
Il ne leur aura fallu qu’un mois pour les trouver. Elles, ce sont ces «soupes» de plastique qui polluent les océans. Partie le 5 mai dernier de la Martinique, dans les Antilles françaises, l’expédition Septième continent menée par sept Français dans l’Atlantique Nord aura malheureusement porté ses fruits. Car l’équipe est revenue complètement atterrée par ses découvertes.
«Ce n’est pas ce qui était visible à l’œil nu qui était le plus impressionnant», a ainsi raconté l’équipage à l’agence Reuters. «Un des moments les plus marquants est lorsque nous avons été plusieurs à y plonger le bras: il a fallu ensuite utiliser des pinces à épiler pour retirer les petits morceaux de plastique de notre peau. Imaginons la baleine bleue qui ouvre grand sa gueule pour avaler tout ça», a encore commenté le chef de l’expédition, Patrick Deixonne.
Un autre membre de l’équipage, Laurent Morisson, livre un témoignage tout aussi affolant. «Au début, nous observions des baleines, des dauphins, des oiseaux. Puis ils ont disparu et nous avons commencé à voir du plastique partout», explique-t-il. A tel point, que selon les estimations de scientifiques américains, ce fameux 7e continent, comme d’autres expéditions en avaient trouvé dans le Pacifique couvrirait, pour le seul Atlantique Nord, une superficie de 1 000 km sur 2 000 km environ. Soit plus de trois fois la France!
Au cours de leur expédition, les sept chercheurs ont constaté que la pollution plastique peut parfois être invisible à l’œil nu − il ne faut pas s’attendre à voir un immense amas de déchets à la surface des eaux −, mais peut parfois descendre jusqu’à 30 mètres de profondeur. Autant dire que la faune et la flore de ces zones sont complètement infestées de plastiques.
La zone explorée par les chercheurs français ne l’a pas été par hasard. Le site est le lieu de rencontre de courants océaniques tourbillonnants, les gyres, qui sont à l’origine de cette concentration de déchets.
L’idée de partir à la recherche d’un nouveau continent de plastique a été initiée par Patrick Deixonne, qui a souhaité ainsi faire «connaître ce phénomène aux Européens». Il a suivi ainsi les traces de l’Américain Charles Moore, chercheur à l’Algalita marine Research Foundation, qui avait trouvé un continent de plastique dans le Pacifique Nord d’une superficie égale à six fois la France (3,5 millions de km2). Par ailleurs, Deixonne raconte que le projet est «né lors d’une traversée de l’Atlantique à la rame, en 2009», au cours de laquelle il avait vu «beaucoup de morceaux de plastique». «En rentrant, cela a tourné dans ma tête et je me suis demandé où ces détritus pouvaient bien aller».
Les échantillons et autres données recueillis par l’équipage en mai mettront sans doute des mois, voire des années, à être analysés et exploités par les scientifiques. Des photos optiques et radar de la zone ont régulièrement été prises par satellite, accompagnées de descriptions des macrodéchets par l’équipe, et de relevés de données, comme la température de l’eau, la salinité, la présence de phytoplancton, entre autres. L’objectif étant de parvenir à cartographier ce continent de plastique.
Les données recueillies permettront aussi, selon Alexandra Ter Hall, chercheuse au CNRS à l’université Paul Sabatier de Toulouse, «d’estimer la quantité de plastique présente par unité de surface», ou encore «d’évaluer la concentration en polluants organiques persistants et en métaux lourds, contenus dans ces plastiques». Le biofilm formé à la surface des plastiques sera aussi analysé, car, selon elle, «il semble que des bactéries étrangères au milieu océanique s’y installent». Car l’impact de ces continents de plastique sur la biodiversité est encore méconnu. Ce que l’on sait toutefois, selon Ter Hall, c’est que «les tortues et 90% des oiseaux marins ingèrent du plastique, mais aussi les organismes plus petits, du poisson au phytoplancton». Au fil du temps et de la chaîne alimentaire, ce seront donc les hommes qui se retrouveront à ingérer, eux aussi, du plastique… Une raison supplémentaire de s’en soucier dès aujourd’hui et d’y remédier, via le recyclage et une autre manière de consommer. En commençant, par exemple, à modifier son comportement, lors d’une journée à la plage.
Jenny Saleh
Les continents de plastique
Jusqu’à présent, cinq zones ont été répertoriées comme étant des continents de plastique dans les océans du monde. Il y en aurait deux dans le Pacifique, un dans l’océan Indien, ainsi que deux dans l’Atlantique. Patrick Deixonne envisage dès à présent de partir l’an prochain explorer celles situées dans l’Atlantique Sud ou dans l’océan Indien.
Plus d’infos sur
http://www.septiemecontinent.com/