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Editorial

Éditorial

Entre Kafka et

De tous les gouvernements libanais qui se sont succédé depuis la fin de la guerre civile, en 1990, le cabinet Mikati est celui qui est confronté aux circonstances les plus désavantageuses.

 

Sur le plan interne, la relation avec le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), et ses implications politiques, diplomatiques, financières et économiques, constitue un défi majeur.

 

Le gouvernement se voit contraint de gérer un conflit où l’accusé est un allié et l’accusateur – et ceux qui se tiennent derrière –, sont des amis. L’absurdité de la situation est à la mesure de sa dangerosité. Tout faux pas, dans n’importe quelle direction, risque de transformer ce tableau kafkaïen en film hitchcockien.

 

Au plan régional, nul besoin de répéter combien la situation est explosive. Elle ne l’a jamais été autant. Les répercussions de la crise syrienne sur le tissu social du Liban, sur les relations entre ses différentes composantes religieuses, sur son économie, sa stabilité, sa sécurité, son système bancaire et ses alliances régionales et internationales, sont incalculables.

 

Toute erreur d’appréciation, ou toute décision adoptée sous l’emprise des émotions ou le diktat des idéologies, risque de provoquer des réactions en chaîne dévastatrices. Un tout petit pas peut faire basculer dans l’apocalypse.

 

A ces deux grosses complications, s’ajoutent tous les autres problèmes traînés depuis des décennies, ainsi qu’une multitude d’épines héritées des précédents gouvernements.

 

 

L’éternel danger israélien – qui prend une dimension nouvelle avec le conflit sur les réserves de gaz –, la question des réfugiés palestiniens – qui ressurgit à l’occasion de la demande d’adhésion aux Nations unies –, l’incurie de l’administration, la dette colossale, en sont quelques exemples.

 

Face à ses écueils, le gouvernement est appelé à imaginer des solutions magiques permettant au Liban de naviguer dans des eaux troubles, infestées de requins et d’autres prédateurs. Sa tâche est d’autant plus difficile que sa composition interne est loin d’être harmonieuse. Assis autour d’une même table, on retrouve des extrêmes et des antagonismes, qui s’affrontent parfois pour des broutilles, et qui sont prêts à tout casser pour une futilité.

 

En dépit de ce contexte défavorable, le gouvernement se tire bien d’affaire. Mais jusqu’à quand? Ceux qui lui demandent, au Liban et à l’étranger, de s’engager pleinement pour un camp ou pour un autre en Syrie, sont soit irresponsables, soit mal intentionnés. Transformer l’Armée libanaise en service de protection des opposants syriens, qui se livrent à partir du Liban à des actes subversifs – et peut-être terroristes – en Syrie, est inacceptable. Autant que de garder le silence après l’incursion de l’armée syrienne à Ersal. Exiger que le Liban vote en faveur d’une résolution sanctionnant la Syrie est maladroit, tout comme le fait de lui demander de faire la bataille du régime syrien au Conseil de sécurité.

 

L’attitude la plus sage est celle de la neutralité positive, adoptée jusqu’à présent par le gouvernement. Elle doit servir de cas d’école aux accros de l’extrême qui jouent à la roulette russe… en braquant le revolver sur la tempe des autres. Paul Khalifeh

 

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