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Annan, Lavrov, Hamad et les autres. La diplomatie tourne en rond

 

Un an après le début du soulèvement, les combats meurtriers, qui opposent le régime aux insurgés, se poursuivent mais les discussions avancent. Protégé au Conseil de sécurité par la Russie et la Chine, Bachar el-Assad snobe les cris d’orfraie de l’Occident et continue d’avancer ses pions. Quelques heures après sa rencontre avec Kofi Annan, le président syrien a annoncé la tenue d’élections législatives.

 

Le 23 février dernier, Kofi Annan a été nommé «émissaire conjoint des Nations unies et de la Ligue arabe sur la crise en Syrie». Après que le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, eut catégoriquement rejeté l’idée d’un armement de l’opposition syrienne, promue par le Qatar et l’Arabie saoudite, les Nations unies sont entrées dans une phase de négociation avec le régime. Après la visite la semaine dernière de la secrétaire générale adjointe de l'Onu chargée des affaires humanitaires, la britannique Valérie Amos, les autorités syriennes ont donc reçu samedi 10 mars l’ancien secrétaire général de l’Onu. La veille, Annan avait appelé à l'ouverture d'un dialogue entre le régime d'Assad et l'opposition, mais les opposants ont rétorqué que cela reviendrait à donner du temps aux forces gouvernementales pour les écraser. Selon la télévision d'Etat syrienne, leurs rencontres, en milieu de matinée, se sont déroulées dans une «ambiance positive». Le président syrien a expliqué qu'il était prêt à faire réussir tout effort sincère en vue d'une solution à la crise.

 

L’Onu renoue le dialogue
Deux rencontres, deux tons. Lors de leurs premières discussions, Kofi Annan avait tenu un discours de fermeté, mais sans obtenir d'avancée significative face à Bachar el-Assad, qui estime que les violences en Syrie sont le fait de «terroristes». Il lui aurait fait «plusieurs propositions concrètes qui auraient un impact réel sur le terrain». Elles concernent «la fin de la violence, un accès pour l'aide humanitaire et le Comité international de la Croix-Rouge, la libération de prisonniers et l'amorce d'un dialogue politique qui ne laisse personne de côté». Au sortir de sa première rencontre avec le président syrien, Annan avait fait part "de sa profonde préoccupation concernant la situation en Syrie. L'émissaire de l'Onu et de la Ligue arabe a qualifié ses premières discussions samedi de "franches et couvrant un large éventail de sujets». Samedi, il a également rencontré des "chefs de l'opposition et de jeunes militants ainsi que des hommes et femmes d'affaires influents.
Le lendemain, Kofi Annan a tenu un autre discours. «La situation est si mauvaise et dangereuse qu'on ne peut pas se permettre d'échouer», a affirmé l'émissaire aux journalistes, au terme de sa visite, se déclarant «optimiste». La mission de Kofi Annan était précisément définie. Elle visait à négocier une sortie de crise. Et pour lui, désormais, il n’y a qu’une seule façon de faire, «c'est de faire des compromis et des concessions. Il faut arrêter les meurtres, la misère et les abus commis aujourd'hui, puis donner du temps au règlement politique», a-t-il dit à Damas au terme de son second entretien avec le président Assad. Affirmant qu'il était impossible de «résister longtemps au vent de changement qui souffle actuellement», Kofi Annan a expliqué avoir pressé le président de lire le vieux proverbe africain qui dit «tu ne peux pas faire tourner le vent, donc fais tourner ta voile».

 

La Russie et la bataille des idées
Entre deux amis, cela s’appelle de l’ouverture d’esprit. Entre deux ennemis, c’est une inflexion. Parler de concession est un changement de ton qui s’avèrera peut-être décisif. Mercredi, le plan Annan a officiellement été rejeté par Bachar el-Assad. Si un dialogue direct s’est ouvert entre l’Onu et le régime syrien, la Russie tente d’apaiser le jusqu’au-boutisme des pays arabes.
A l'issue d'une réunion qui s’est tenue au Caire le jour de l’arrivée de Kofi Annan à Damas, le Premier ministre du Qatar a reproché à la Russie de prendre pour argent comptant les explications du régime syrien au sujet de son combat contre des «bandes armées». «Il n'y a pas de bandes armées mais un massacre systématique commis depuis de nombreux mois par le gouvernement syrien. Ensuite, le peuple a été contraint de se défendre et c'est pourquoi le régime les qualifie de bandes armées», a dit Hamad Ben Jassem Al Thani. Le saoudien Saoud al-Fayçal a pour sa part accusé la Russie d'avoir laissé la bride sur le cou de Bachar el-Assad en opposant son veto à un projet de résolution du Conseil de sécurité appuyant les projets de la Ligue arabe. «La position des pays qui ont contrecarré la résolution du Conseil de sécurité de l'Onu (…) a fourni au régime syrien le droit de prolonger ses pratiques brutales contre le peuple syrien».
Malgré ces divergences, les deux parties sont parvenues à se mettre d’accord sur cinq points, ont annoncé à la presse le chef de la diplomatie russe et son homologue qatari. Ils ont appelé à la fin de la violence en Syrie d'où qu'elle vienne. Ils refusent également toute intervention étrangère, appellent à la mise en place d'un mécanisme de supervision impartial et à autoriser l'arrivée de l'aide humanitaire sans entraves, a précisé le ministre qatari, qui lisait un communiqué conjoint.
Reste à la Russie de faire entendre sa voix auprès des Occidentaux, mais la tâche s’annonce difficile.

Législatives, gage de stabilité
Lundi, au siège des Nations unies à New York, avait lieu un débat informel en séance plénière. Les Occidentaux ont appelé une nouvelle fois la Russie et la Chine à se joindre à eux pour obtenir la fin d'un an de violences en Syrie. Le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a averti les autorités syriennes qu'elles devraient «répondre de leurs actes devant la Cour pénale internationale (CPI)». Son homologue britannique, William Hague, a demandé au Conseil de "faire preuve d'unité et de leadership», déplorant qu'il ait "jusqu'à présent échoué à assumer ses responsabilités envers le peuple syrien». "La communauté internationale doit dire d'une seule voix, sans hésitation (…), que les meurtres de Syriens innocents doivent cesser et qu'une transition politique doit commencer», a plaidé la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton.
Mais une nouvelle fois, Moscou et Pékin ont campé sur leurs positions. L'ambassadeur chinois Li Baodong a lui aussi rejeté toute intervention militaire et toute tentative de «changer le régime» à Damas et a insisté pour «des consultations complètes avec toutes les parties sur une base d'égalité». Lavrov a accusé l'Occident de «manipulation» comme il l’a fait sur le dossier libyen, et d'employer des «recettes risquées» pour promouvoir le changement démocratique dans le monde arabe.
Mardi, comme pour marquer son avantage, Bachar el-Assad a annoncé la tenue d'élections législatives pour le 7 mai prochain. Prévues à l’origine en septembre 2011, elles avaient été reportées en raison du processus de réformes annoncées par le président Assad dans la foulée de la révolte contre son régime. «Des élections législatives, pour un Parlement qui n'est qu'une chambre d'enregistrement, au milieu des violences que l'on peut voir à travers le pays, c'est ridicule», a déclaré ce mardi à des journalistes la porte-parole du département d'Etat américain, Victoria Nuland.
Alors qu’Amnesty International a publié un rapport dénonçant «le recours systématique et généralisé à la torture et aux mauvais traitements en détention», l’armée syrienne semble mater militairement les poches de résistance. Après Bab Amro, la ville d’Idlib a été reprise mercredi matin après trois jours de combats. A ce rythme, la barre des 10000 morts pourrait être atteinte dès la semaine prochaine. Julien Abi-Ramia

 

Le conflit s’exporte en Belgique
Lundi soir, vers 18h45, un homme, armé d'une hache, de couteaux, et d'essence, pénètre dans l’enceinte de la mosquée Rida dans le quartier populaire d’Anderlecht à Bruxelles. Cette maison de briques rouges est l’une des quatre mosquées chiites que compte la ville. Il y répand de l’essence avec des accélérants, craque une allumette et la jette au sol. Le feu s’est rapidement propagé. La mosquée a totalement brûlé. Abdallah Dadou, l’imam de la mosquée, âgé de 46 ans et d’origine marocaine, périra victime d'intoxication par la fumée dégagée, en tentant de s'échapper du bâtiment. Le suspect sera interpellé non loin de là. La vice-présidente de l'Exécutif des musulmans de Belgique, Isabelle Praile, elle-même chiite, a estimé que les témoignages recueillis à la mosquée pointaient du doigt une action des extrémistes salafistes.
Lors de son interrogatoire, l’incendiaire présumé, âgé d'une trentaine d'années, a affirmé avoir été «fortement impressionné par les images des événements en Syrie et avoir voulu faire quelque chose pour faire peur aux membres de la communauté» qu'il juge responsables de ces violences, a déclaré à la presse le substitut du procureur et porte-parole du parquet, Jean-Marc Meilleur. «Il a dit qu'il était musulman sunnite».

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