Sept ans après l'assassinat du journaliste franco-libanais Samir Kassir, les assassins courent toujours. La lenteur des enquêtes libanaise et française suscite l’indignation des proches et des amis. Retour sur un crime non élucidé et sur des investigations qui piétinent.
Samir Kassir a été pendant une dizaine d’années un éditorialiste au quotidien an-Nahar. Historien, professeur de sciences politiques à l’Université Saint-Joseph, journaliste, collaborateur de TV5 et du Monde diplomatique, il s’est illustré notamment par ses prises de position courageuses contre la tutelle syrienne sur le Liban, en particulier après l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Il a participé aux grands rassemblements pour la souveraineté du Liban et de la «Révolution du Cèdre».
Le 2 juin 2005, Samir Kassir quitte son domicile vers midi. Il se met au volant de sa voiture, garée devant l'immeuble où il habite, à Achrafié. Une bombe placée sous le véhicule au niveau du siège du conducteur est actionnée à distance. Il meurt sur le coup.
Le Conseil de sécurité se réunit pour condamner l'attentat. Dans une déclaration présidentielle, il se dit préoccupé par l'effet déstabilisateur des assassinats politiques au Liban et se félicite que le gouvernement libanais soit résolu à traduire en justice les auteurs, organisateurs et commanditaires de l'assassinat du journaliste. Il condamne dans les termes les plus vigoureux «l'attentat terroriste qui a tué un journaliste libanais symbole d'indépendance politique et de liberté».
Les proches de Samir Kassir mettent immédiatement en cause la Syrie. Son assassinat s'inscrit dans le cadre de la série noire qui voit la disparition de plusieurs personnalités politiques telles Rafic Hariri et Bassel Fleihane, et plus tard des députés du 14 mars et le ministre Pierre Gemayel. Elle provoque une vive indignation et une vaste condamnation au Liban et dans le monde.
Une enquête diligentée par la France est confiée au juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière, en parallèle à l’enquête libanaise, menée par le juge Sami Sodki. Aucune avancée notable ne semble avoir été réalisée, que ce soit par les uns ou par les autres.
Les proches de Samir Kassir déplorent le retard du juge français à agir. Selon eux, il aurait dû entamer ses investigations dans la foulée de l’assassinat et non pas attendre plusieurs semaines avant de se déplacer à Beyrouth. Mais le juge Bruguière voulait s'assurer de la collaboration parfaite des autorités libanaises avant de venir sur les lieux de l'assassinat. Le volet libanais de l'enquête, avance mais n'about à rien de concret. Quatre suspects arrêtés sont interrogés. Ils seront relâchés.
Israël et la Syrie
Selon les informations citées par des experts, l’assassinat de Samir Kassir aurait été perpétré par des professionnels qui n’ont laissé que très peu de traces. La bombe, contenue dans une boîte métallique aimantée, a été placée sous le châssis. Dans la carcasse du véhicule calciné, des enquêteurs du FBI et un policier français ont découvert 51 échantillons d’un explosif très bien dosé. Trois à quatre cents grammes de TNT, plus quelques grammes de RDX, un explosif militaire retrouvé sur deux résidus d’échantillons. Toujours selon les experts en explosifs, seuls des Etats comme Israël et la Syrie, possèdent du RDX au Proche-Orient.
Deux ans plus tard, les magistrats Nathalie Brown et Marc Trévidic ont continué sur la lancée et remplacent le juge Bruguière. Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a collaboré avec les enquêteurs français dans l'affaire, sans pour autant que l’affaire ne soit traduite devant le TSL comme les autres dossiers.
Les proches et amis de Samir Kassir s’interrogent sur les raisons de la lenteur des investigations. Les enquêtes française et libanaise n’ont pas permis d’identifier les assassins. Ces blocages sont tout simplement révoltants pour ses proches, comme le souligne Reporters sans frontières. La vérité sur la mort de Samir Kassir sera-t-elle dévoilée un jour?
A.K.
Vingt-huit martyrs
Avec l'assassinat de Samir Kassir, le nombre de journalistes victimes d'attentats s’élève à 28 depuis la pendaison par les Ottomans, en 1918, de plusieurs journalistes et activistes libanais et syriens.