Il a 22 ans. Professeur d’arts plastiques à l’école Saint-Joseph de Antoura, il est soupçonné de viol et d’agression sur plus de vingt petites filles de 6 à 8 ans. Plusieurs procès lui sont intentés et l’affaire sera poursuivie jusqu’à ce que la vérité se fasse.
Aussitôt lancée par la chaîne télévisée LBC, la nouvelle fait le tour du pays. Un jeune enseignant de 22 ans est soupçonné d’avoir violenté une vingtaine de petites filles de la classe de 9e. Le scandale éclate lorsque l’une de ses victimes raconte innocemment à sa mère que son professeur lui a soulevé la jupe et lui a fait subir des attouchements. Interrogée fébrilement par sa maman, elle poursuit que ses copines de classe disent avoir été entraînées dans les toilettes pour subir divers attentats à la pudeur, être photographiées dans des postures indécentes et l’une d’elle dit avoir vu du sang sur sa culotte.
Branle-bas de combat. La mère se rend à l’école et informe les responsables. La direction s’empresse de renvoyer l’enseignant, mais quatre des familles des victimes intentent un procès contre le jeune homme. Devant l’ampleur que prend ce fait divers, le directeur du collège, le père Antoine Nakad, affirme avoir pris des mesures concrètes: licenciement du professeur, engagement d’un avocat pour poursuivre l’affaire devant les tribunaux et l’assurance d’un suivi psychologique des jeunes victimes. Les parents de quatre de ces filles ont, de leur côté, engagé un avocat qui a assuré à la presse: «Au fil des jours, la liste des enfants, cibles d’attouchements et de comportements indécents s’allonge. Je peux vous assurer qu’elles sont plus d’une vingtaine à avoir été malmenées». Et si certaines familles ne lui ont pas encore demandé de prendre en charge leur dossier, c’est pour s’assurer auprès de psychologues que leurs enfants sont assez forts pour être capables de comparaître devant la Cour et raconter par le menu ce qui leur est arrivé, ce qui n’est pas évident, vu leur jeune âge. Pour sa part, aussitôt que le scandale a éclaté, le jeune professeur a essayé d’intenter à sa vie – selon des sources sécuritaires – en projetant sa voiture contre un obstacle. Il n’est pas arrivé à ses fins. Blessé, il a été recueilli par la police et transporté à l’hôpital Notre-Dame du Liban à Jounié, où il est sous surveillance policière. Selon certains de ses amis, le jeune homme est tout à fait ordinaire, serviable, doué artistiquement et a suivi des études d’arts plastiques dans l’une des universités prestigieuses de la ville. Il a une amie dont il se dit fol amoureux. Pourquoi a-t-il basculé? Est-il responsable de tous les faits dont il est accusé? Correspond-il à ce qu’on appelle un pédophile?
Est-ce un récidiviste? Doit-il être traité pour ce comportement impardonnable? Seul l’avenir le dira puisque, désormais, l’affaire est devant les tribunaux.
Danièle Gergès
Que dit la loi?
Toute personne qui a commis un acte contraire à la pudeur sur un mineur de moins de 15 ans, ou l’a poussé à en commettre, sera condamnée aux travaux forcés. Au cas où l’enfant victime n’a pas 12 ans révolus, la peine sera de 4 ans minimum. Si la victime a été atteinte d’une lésion ou maladie quelconque, si elle a perdu sa virginité, une peine minimale de 12 ans est appliquée. Pour en savoir plus sur la pédophilie, Magazine a interrogé David Sahyoun, psychanalyste.
Qu’est-ce qu’au juste la pédophilie?
Ce terme définit la conduite d’un adulte qui a tendance à satisfaire sa pulsion sexuelle avec des mineurs. Il désigne deux grandes catégories d’individus souffrant de pathologies narcissiques: ceux qui se distinguent par d’importantes immaturités psychoaffectives et ceux dont le psychisme est dominé par une organisation de type pervers. Dans les deux cas, le contact sexuel s’effectue d’une manière contraignante, que ce soit sous la forme de sollicitations soutenues ou sous des formes plus violentes telles que le viol ou le meurtre.
Un pédophile a-t-il un profil déterminé, des caractéristiques qui permettent de le détecter?
Le pédophile peut aussi bien être un homme qu’une femme, il peut avoir des contacts sexuels avec des mineurs du même sexe, de sexe différent ou des deux. Le pédophile peut être une personne qui a, par ailleurs, une sexualité normale. Un pédophile est conscient de son attirance sexuelle pour les mineurs. Il commet le plus fréquemment son acte avec un enfant qui ne lui est pas inconnu. Il fait souvent partie du cercle familial, comme il se rencontre également dans des structures privilégiées fréquentées par des mineurs comme les écoles, les clubs sportifs ou culturels, les organisations de type scoutisme ou guidisme, les colonies de vacances, etc. Rien dans l’apparence du pédophile ne le distingue: il est, par conséquent, bien difficile à «détecter». On en rencontre dans toutes les catégories sociales, culturelles ou professionnelles.
De quoi souffre-t-il sur le plan psychologique?
Le pédophile est une personne dont le développement psychosexuel n’a pu s’effectuer d’une manière complète et qui s’est trouvé bloqué à un âge infantile précoce. Les causes de la pédophilie ne sont pas génétiques, elles sont d’origine environnementale. Le développement du moi de la personne pédophile, instance d’adaptation et de contrôle, se distingue par une maturité gravement déficiente. Un certain nombre de ces personnes ont souvent eu une enfance marquée par de graves carences affectives, d’autres ont vécu des traumatismes: Ils ont pu eux-mêmes être abusés. Pour certains pédophiles, s’imposer de solides limitations à leurs pulsions sexuelles est très difficile. Placés devant les tentations sexuelles de type transgressif, ils se retrouvent soumis à de très fortes tensions psychiques déstabilisatrices qu’ils ont du mal à contenir.
Est-il forcément récidiviste?
L’acte sexuel pédophile peut être unique ou répété. En France, les statistiques indiquent que 80% ne récidivent plus après la première condamnation et seulement 10 à 20% récidivent. Un pédophile peut même ne jamais passer à l’acte, particulièrement celui qui n’ose pas transgresser l’interdit ou qui a peur de la sanction. Il peut, dans ce cas, se contenter d’images, de films ou de fantasmes pédophiles. Dans certains de ces cas, la tension psychique est si déstabilisatrice qu’elle peut développer d’importants symptômes dépressifs nécessitant une prise en charge thérapeutique. Il faut aussi ajouter que certains pédophiles ont des capacités de sublimation de leurs pulsions dans des activités sociales, culturelles ou artistiques.
Comment parvient-il à gagner la confiance des enfants qu’il violente?
La séduction est une des techniques les plus courantes, à laquelle il faut aussi ajouter la recherche de rapports de type «affectueux» ainsi que la manipulation en vue d’exercer une emprise sur l’enfant. Diverses observations ont montré que les parents libanais minimisent l’importance de la prévention précoce contre toute forme d’abus sur leurs enfants. Le plus souvent, ils ne s’alarment que lorsque les médias font état de passage à l’acte. Cette prévention doit se faire très tôt, entre 4 et 6 ans, sans dramatisation excessive, mais sans banalisation non plus, avec des termes et des moyens adaptés, mais clairement énoncés. Une autre recommandation essentielle: toujours accorder de l’importance à l’écoute et au respect de la parole d’un enfant.
Propos recueillis par D.G.