Dans les années 70 du siècle dernier, de mystérieux attentats sont commis au Liban. C’est l’époque des colis piégés, des bombes dans les cinémas, dans les lieux publics et sur les marchés. Des lettres piégées provoquent la mort de plusieurs personnes. De nombreuses autres sont blessées. Retour sur un triste épisode qui garde tous ses secrets.
Le 30 décembre 1970, un colis piégé tue Antoine Chabouh et son fils. Les assassins sont vite identifiés. Il s’agit de Mahmoud Salloum qui a exécuté le crime, Ahmad Sidani et Fouad Serhan, commanditaires. Le 29 décembre 1972, ils sont condamnés à mort. Jamil Daaboul est condamné à 20 ans de prison pour complicité active.
Les Palestiniens, premières cibles
L’affaire s’arrête là, mais la mode des lettres et colis piégés reprend deux ans plus tard. Le 18 juillet 1972, le directeur adjoint de la Rif Bank, Emile Khayat, reçoit un colis à son bureau. Il explose quand il l’ouvre. Il perd un œil. C’est le premier colis piégé de toute une série qui vient de commencer. Les Libanais vivent de longues semaines dans la psychose de voir des lettres piégées exploser entre leurs mains. Ils n’osent plus ouvrir les lettres ni recevoir de colis.
Le 19 juillet 1972, une autre enveloppe vise Anis Sayegh, directeur de l’Institut des études palestiniennes. Il a trois doigts arrachés dans l’explosion.
Pendant des semaines, des responsables palestiniens sont les cibles privilégiées des lettres ou des colis piégés. Aboul-Hassan Salamé, chef des services de renseignements du Fateh de Yasser Arafat, époux de Miss Univers Georgina Rizk, échappe à un attentat de ce type. D’autres lettres piégées envoyées à Ghassan Kanafani (poète et
dramaturge palestinien proche du FPLP), Chafic el-Hout, directeur du bureau de l’OLP, Farouk Kaddoumi, membre du Conseil exécutif de l’OLP, Marwan Dajani, membre du Fateh, sont découvertes et désamorcées.
Le 25 juillet, un colis est envoyé à Bassam Abou Charif, rédacteur en chef de l’hebdomadaire al-Hadaf, organe du Front populaire pour la libération de la Palestine. Il est blessé au visage et aux mains.
La psychose s’installe. Les Libanais refusent d’ouvrir les colis. Chaque lettre est suspectée d’être piégée. Le ministère de la Poste met en place un détecteur du contenu des lettres et des colis. La vague d’attentats s’arrête subitement, comme elle avait commencé.
En 1975, la mode macabre des lettres piégées revient sur la scène. Le 10 mars, une lettre explose dans le centre de tri de Bir Hassan, sans faire de victimes. Le lendemain, une lettre est envoyée au domicile de Me Khaled Chéhab à Tariq Jdidé. Elle explose, blessant grièvement un visiteur. Sept autres lettres piégées sont découvertes et désamorcées, dont une adressée à Ibrahim Koleilat, leader du Mouvement des nassériens indépendant (Mourabitoun), et une autre à Assem Kanso, porte-parole du parti Baas pro-syrien au Liban.
L’enveloppe et le colis piégés est une méthode qui n’est pas très répandue chez les auteurs d’attentats terroristes de l’époque. Ces bombes nécessitent un dispositif de mise à feu anti-perturbation. A l’ouverture du paquet, le dispositif s’active et actionne la charge explosive. Celle-ci est en général de faible puissance car elle vise une personne particulière et non plusieurs individus à la fois. Cette méthode est utilisée pour se débarrasser d’une personne. Un explosif de plastique tel que le C-4 peut être utilisé car il est produit en feuilles pouvant être découpées à la taille et la forme voulues. Cette méthode d’action a été particulièrement utilisée dans une série d’attentats contre des militants palestiniens en novembre 1972.
Les auteurs de ces attentats sont demeurés inconnus, mais Robert Fisk écrivait dans un article intitulé Dans l’attente d’une guerre annoncée, parue dans le Courrier International du 27 janvier 2010: «On se croirait revenu dans les années 1970, quand Israël envoyait des lettres piégées à ses ennemis au Liban». Les empreintes israéliennes étaient claires bien que les preuves n’aient jamais été trouvées.
A.K.
Sources des informations: articles sur Internet, et Mémorial du Liban: mandat du président Sleiman Frangiyeh de Joseph Chami
Mode d’emploi
Les engins explosifs contenus dans les colis et les lettres étaient conçus de la même façon: un détonateur industriel, compressé dans un étau, était inséré dans une enveloppe et enrobé d’explosifs. Le fait d’ouvrir la lettre déclenchait un mécanisme, en l’occurrence un ressort en acier, une cartouche à broches, une mini-enclume, un détonateur et un explosif de plastique. L’organisation basque ETA utilisait parfois cette méthode.