Magazine Le Mensuel

Nº 2952 du vendredi 6 juin 2014

Affaire Déclassée

Demande d’extradition. Pourquoi l’Italie veut récupérer Dell’Utri

Depuis quelque temps, une affaire occupe la scène libanaise. Elle concerne le ressortissant italien Marcello Dell’Utri, ancien sénateur, dont la présence sur le territoire libanais implique directement le Liban.

Beyrouth a récemment répondu à une requête d’extradition de l’ex-sénateur Marcello Dell’Utri, ami de l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi, qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour complicité avec la mafia, lancé par Rome.
Le président libanais sortant, Michel Sleiman, a signé un accord d’extradition avec l’Italie quelques heures avant de quitter le palais. L’avocat de l’ex-sénateur italien, Nasser el-Khalil, déclare vouloir présenter une demande d’invalidation de ce décret d’extradition devant le Conseil d’Etat. Une telle procédure peut prendre du temps.
 

Accompagné de son fils
Quelques jours plus tôt, le procureur général de la Cour de cassation libanaise, Samir Hammoud, avait adressé une recommandation au ministre de la Justice Achraf Rifi, pour lui demander de répondre positivement à la demande d’extradition. Le ministre en avait référé au président de la République et au chef du gouvernement.
Dell’Utri, cofondateur du parti de Silvio Berlusconi, avait dirigé la branche publicitaire de l’empire médiatique de l’ancien Premier ministre, Mediaset. Berlusconi purge actuellement une condamnation à une peine de travaux d’intérêt général, trois autres personnes ayant bénéficié d’une amnistie pour une fraude fiscale commise par Mediaset. Dell’Utri, lui, avait été condamné en appel à sept ans de prison pour complicité avec la mafia.
Le 8 avril dernier, la police antimafia italienne, saisie d’une demande de mise en détention préventive de Dell’Utri par la Cour de Palerme, avait précisé que celui-ci était «introuvable» et qu’elle le considérait en fuite. Le prétendu fugitif avait alors fait diffuser un communiqué où il niait «vouloir se soustraire à la sentence de la Cour de cassation» et se disait «à l’étranger pour une période de soins et de repos».
Dell’Utri aurait pris l’avion à Milan, accompagné de son fils, pour se rendre à Paris et de là à Beyrouth, afin d’éviter des contrôles de frontière plus stricts à partir de l’Italie.
Le 12 avril, Dell’Utri est interpellé dans un hôtel de Beyrouth. Son arrestation a lieu dans le cadre d’une opération conjointe entre les services de renseignements libanais et la Direction des enquêtes antimafia italienne. Il était en possession de 50 kg de bagages et de 30 000 euros en cash. Selon la Direction des enquêtes antimafia de Palerme, il a été identifié sur le territoire libanais grâce à des enregistrements téléphoniques et à une carte de crédit utilisée pour les paiements. L’ancien sénateur a été transféré, quatre jours plus tard, à l’hôpital al-Hayat pour un problème cardiaque.
Le 9 mai, la Cour de cassation italienne condamne définitivement à sept ans de prison Marcello Dell’Utri. Il est accusé d’avoir servi dans les années 80 puis 90 d’agent de liaison entre les célèbres chefs de la mafia dont Stefano Bontade et Silvio Berlusconi. Le procureur de la Cour de cassation italienne, Aurelio Galassio, a affirmé que les contacts entre Cosa Nostra, la mafia sicilienne, et Dell’Utri «ne se sont jamais interrompus». Les chefs d’accusation portent également sur des investissements qui auraient été faits à Milan, en Lombardie et au nord de l’Italie dans le cadre d’une opération de blanchiment d’argent provenant d’activités mafieuses et de trafic de drogue.
Après la décision de la Cour de cassation, le ministre de la Justice, Andrea Orlando, adresse officiellement une demande aux autorités libanaises d’extrader Dell’Utri. 


Arlette Kassas

Le processus d’extradition
La décision d’extradition au Liban est prise par un décret en Conseil de ministres. Ce décret est soumis au contrôle judiciaire du Conseil d’Etat.
Le traité d’extradition de 1972 impose que le délit en cause soit incriminé dans les deux pays concernés. Le traité prévoit également l’obligation que les faits imputés à Dell’Utri ne soient prescrits ni au regard du droit italien ni du droit libanais.

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