Secrétaire général du Courant du futur depuis 2010, il fait partie de la nouvelle génération des Hariri. Il a l’enthousiasme de la jeunesse qui veut encore croire dans ce pays et affiche une sérénité face à l’avenir, conscient que les gouvernés ont toujours un pas d’avance sur les gouvernants et possèdent plus de maturité qu’eux. De prime abord, on est frappé par sa ressemblance avec son oncle, Rafic Hariri. Même la voix et les gestes sont identiques.
C’est à Saïda qu’Ahmad Hariri a grandi dans une immense demeure qu’il appelle très simplement «la maison». Quotidiennement, plus de trois cents personnes s’y rendent, sans compter le personnel qui y vit. Il a hérité de sa mère, Bahia Hariri, l’amour du social. Il en parle avec beaucoup de tendresse. «Ce n’est qu’en 1992 que ma mère a commencé à faire de la politique. Mais auparavant, elle travaillait dans le social. C’est une femme qui a toujours été très occupée, mais elle trouvait le temps de suivre tous les détails concernant chacun de ses enfants. Elle faisait plusieurs choses à la fois. Je suis comme elle, je cumule plusieurs fonctions», explique Ahmad Hariri. Dès son plus jeune âge, il a été habitué à avoir des contacts avec les gens. «J’ai grandi avec tout ce monde qui représentait un échantillon de la population et j’étais curieux de tout. Pour moi, la maison était juste un endroit pour dormir et j’ai toujours considéré que le
sommeil était une perte de temps», confie-t-il. Il s’entendait plus avec les ouvriers qu’avec les directeurs et passait beaucoup de temps à les écouter parler. «J’étais convaincu qu’on devait leur accorder plus de droits. Je faisais le bilan des erreurs et je les corrigeais en agissant dans le sens opposé. J’obtenais alors un résultat positif. Si, aujourd’hui, je suis à ce poste, ce n’est pas parce que je porte le nom Hariri mais parce que, comme disait Rafic Hariri, je viens d’une classe moyenne. Je sais de quoi les gens souffrent et de quoi ils ont besoin», dit-il. Il fait ses premiers pas dans la vie publique en s’occupant du club sportif de Saïda. Parallèlement à ses études en marketing à l’American University of Beirut (AUB), où il a été diplômé en 2004, Hariri passe trois années, de 2001 à 2004, à rencontrer des gens et à explorer toutes les ruelles de sa ville. «Mon but était d’être présent sur le terrain, de bien connaître la population et la ville. Nous faisions du travail d’équipe. Il y avait un besoin de sang neuf. Nous avons formé un groupe de jeunes qui travaillaient en étroite collaboration avec les plus âgés», se souvient Hariri. C’est en 2004 qu’il livre la première véritable bataille, les élections municipales. «J’ai senti que nous allions perdre. Le défi était alors de réduire l’écart. Nous avons appris de cet échec, et dès le lendemain, nous avons tiré les leçons de notre défaite et nous avons rectifié le tir», raconte Hariri. Il fallait alors apprendre aux gens qu’ils devaient participer aux décisions et les convaincre que la ville leur appartenait. «Nous avons réussi à leur donner ce sentiment et nous avons remporté les élections de 2009».
Développer le CDF
C’est dans le développement du Courant du futur (CDF) qu’Ahmad Hariri s’investit et gravit petit à petit les échelons pour en être aujourd’hui, à 29 ans, le secrétaire général. «Ma première expérience en dehors de Saïda fut la prise en charge de la jeunesse du Futur. Les élections avaient un grand impact sur les étudiants. Le CDF représente le réservoir principal pour la formation de leaders et j’ai voulu sensibiliser les jeunes. J’ai visité toutes les régions libanaises dans ce but», explique Hariri. Avec beaucoup de simplicité, il reconnaît avoir gardé les pieds sur terre. «Les gens sont les mêmes partout. Les habitants du Nord ou de la Békaa ne diffèrent pas de ceux de Saïda. Ils ont tous les mêmes soucis et les mêmes aspirations. Je suis en contact permanent avec tout le monde. Ma porte est ouverte à tous et, dès le départ, j’ai refusé de fixer des rendez-vous. Je suis là et je reçois chaque personne qui souhaite me rencontrer. Je représente le trait d’union entre les gens et le commandement, et ma mission est de créer toutes sortes de moyens de communication pour rapprocher les deux», affirme le secrétaire général du Futur. Pour lui, il est capital de reconnaître l’erreur et d’agir en sens inverse pour obtenir le bon résultat. «En 2007, nous avons commis beaucoup d’erreurs, ce qui était normal car c’était nouveau pour nous. Depuis, nous avons corrigé celles-ci et nous avons développé nos atouts».
Ahmad Hariri place une grande foi dans la jeunesse, tout en réalisant que le pays ne fonctionne pas selon l’aspiration des jeunes et ne les encourage pas à investir. «Le but de Rafic Hariri était de faire prévaloir les priorités économiques sur les priorités politiques. Mais il lui était interdit de réaliser son objectif et de faire quelque chose pour le pays. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les jeunes croient qu’ils sont meilleurs que ceux qui les gouvernent et qu’ils peuvent réussir là où les autres ont échoué. Ils nous ont toujours devancés. Ce sont eux qui ont nous ont menés au 14 mars». Pourtant, le secrétaire général du CDF reconnaît que le 14 mars a commis beaucoup d’erreurs. «La première était de ne pas aller jusqu’au bout et de profiter
de la dynamique du mouvement pour chasser Emile Lahoud de Baabda. L’accord quadripartite fut la deuxième erreur. On est revenu à la répartition des parts. On aurait dû refuser cet accord quitte à perdre».
Face à la montée de l’extrémisme, Hariri confie: «Le chrétien modéré est plus proche du CDF que le musulman extrémiste. Notre discours est modéré et s’adresse à tous les Libanais. Le jour où ce courant sera exclusivement sunnite, je serai le premier à m’en aller. Ce ne sera plus ce que Rafic Hariri a construit et l’exemple qu’il a voulu donner. Peut-être, à court terme, l’extrémisme peut-il gagner. Mais quitte à perdre dans le proche avenir, on n’a pas besoin de tomber dans l’extrémisme, et à long terme, on gagnera sûrement. Saad Hariri s’est adressé à tous les Libanais, de tous bords et toutes confessions». Les extrémistes ne l’inquiètent pas outre mesure. «Ces mouvements apparaissent selon un timing précis et tout le monde sait comment ils ont été créés et qui les manipulent. La scène qu’ils essaient de conquérir est beaucoup plus éveillée qu’eux». Malgré les photos récentes des funérailles des deux cheikhs où l’on voyait des gens lourdement armés, Ahmad Hariri ne craint pas une guerre sunnite-chiite, mais n’exclut pas une guerre israélienne. «Après le fameux 7 mai, les gens ont peur, surtout que le Hezbollah ne s’est toujours pas excusé. Ils vendent leur mobilier à la maison pour s’acheter une arme! Ils n’ont plus confiance dans l’armée qui ne les a pas protégés le 7 mai. Il faut absolument retirer toutes les armes, même les armes individuelles dans les maisons». Le secrétaire général du Futur est en contact permanent avec Saad Hariri. «Il a fait une évaluation de la situation durant les sept dernières années et il ne reviendra pas avant d’avoir une vision claire et précise. Depuis le 7 mai, le pays est paralysé et les institutions ne fonctionnent pas. Il y a aussi des raisons de sécurité qui empêchent son retour. C’est lui qui décidera du timing du retour», estime Ahmad Hariri.
Il a une grande estime pour Fouad Siniora et reste quotidiennement en contact avec lui. Pour lui, Siniora est la révélation de 2005-2009. «On ne connaissait pas toutes les
capacités qu’il avait. Personne d’autre que lui n’aurait pu résister au Sérail. Nous avons tous été surpris par sa force et sa détermination. C’est quelqu’un qui a du souffle et possède une grande patience. Un Hariri n’aurait jamais tenu à sa place». Quant à Najib Mikati, il dit n’avoir aucune relation avec lui. «Mikati ne nous ressemble pas. Nous ne pouvons pas nous accorder avec quelqu’un qui n’est pas comme nous. Tout le monde sait dans quelles circonstances il est venu, et ses relations, lui et son frère, avec les Syriens ne sont un secret pour personne. Il n’a été sincère ni avec nous ni avec ceux qui l’ont élu. Son attitude vis-à-vis des événements en Syrie n’est pas honorable. Puisqu’il a choisi ce chemin, qu’il en assume les conséquences».
Sur le plan personnel, depuis le 3 octobre 2009, Ahmad Hariri est marié à Lama Borji, résidente en dermatologie à l’AUH. Ils attendent pour bientôt un enfant, un garçon, qui sera prénommé Moustafa. «Dans la journée, nous sommes tous les deux très occupés, mais nous passons toutes nos soirées ensemble», confie-t-il. La politique l’a éloigné de la tâche à laquelle il était destiné, celle de prendre en charge la société d’agriculture fondée par son père. «Il m’a toujours conseillé de me tenir à l’écart de la politique. Mon père est un homme calme, serein. Je lui présente mes excuses aujourd’hui pour ne pas l’avoir écouté et d’avoir choisi cette voie». Pour le moment il n’a pas l’intention de se présenter aux élections. Son souhait est de rester au Courant du futur. «Je ne voudrais pas faire autre chose que m’occuper du courant et il reste encore beaucoup à réaliser. Je suis bien là où je suis et je préfère y rester».
Joëlle Seif
Né un… 14 février
C’est un 14 février qu’Ahmad Hariri est né. Un anniversaire qu’il ne célèbre plus depuis le tristement célèbre 14 février 2005. Il se rappelle avoir reçu des fleurs ce jour-là de son oncle. Il avait appelé pour le remercier. Ne l’ayant pas trouvé, il laisse un message. Puis il apprend la nouvelle par la télé. «J’ai reconnu l’une des voitures calcinées, celle qui ferme le convoi et qui roule généralement à 100 mètres derrière lui. J’ai compris tout de suite la situation. J’ai quitté alors Saïda et je n’ai pas mis la radio en route. Je ne voulais pas savoir. J’ai pu arriver jusqu’à Verdun, puis j’ai laissé la voiture et je me suis dirigé à pied à l’AUH. En arrivant, j’ai vu mon oncle Chafic sortir. J’ai compris que tout était fini. Je ne voulais pas rester à l’hôpital. Je voulais garder de lui une autre image. On s’est alors tous rendu à Koraytem», se souvient Ahmad Hariri.
Ce qu’il en pense
Facebook: «C’est le plus grand moyen de communication et de propagande au monde avec un milliard d’utilisateurs. Je suis branché en permanence sur Facebook et Twitter. Ce dernier est encore plus rapide que les flashs d’information. Ma page Facebook est gérée par une équipe. Nous essayons de répondre à toutes les demandes qui nous sont adressées et nous sommes en contact permanent avec les gens».
Ses lectures: «Elles sont essentiellement politiques. J’aime aussi les livres d’histoire. Je lis actuellement un ouvrage d’un auteur iranien intitulé Le chiisme religieux et le chiisme politique».
Sa devise: «La sincérité. Je ne sais pas mentir et, de toute façon, le mensonge a la vie courte».