Magazine Le Mensuel

Nº 2918 du vendredi 11 octobre 2013

LES GENS

Marta Inès Pizzanelli. Construire des ponts

Si l’on veut décrire en peu de mots la mission du nouvel ambassadeur de l’Uruguay au Liban, ce serait probablement construire des ponts entre les hommes et entre les cultures. Depuis janvier 2013, Marta Inès Pizzanelli représente son pays au Liban. Portrait.

C’est, à Kfarhbab, qui surplombe la magnifique baie de Jounié, que l’ambassadeur de l’Uruguay nous reçoit dans sa résidence. Dans son salon sont exposés des objets décoratifs, rapportés de tous ses voyages, et d’autres tout simplement lui rappellent son pays. C’est à  Montevideo, la capitale de l’Uruguay, que Marta Inès Pizzanelli est née. Elle bénéficie de l’opportunité d’un échange scolaire pour se rendre aux Etats-Unis, en Californie, où elle étudie l’anglais avant de rentrer en Uruguay où elle entame des études de droit. Son amour pour les langues étrangères la pousse également à étudier le français. «Avant d’obtenir mon diplôme en droit, j’étais professeur d’anglais à temps partiel et j’ai également travaillé dans les registres fonciers», raconte Marta Pizzanelli. Elle a, de tout temps, été attirée par les relations internationales et la communication avec les gens de cultures différentes. Après avoir achevé ses études, elle présente et passe avec succès le concours d’accès au ministère des Affaires étrangères. «C’était une excellente opportunité, car il y avait vingt-quatre postes vacants. Je fus acceptée comme troisième secrétaire du service extérieur au ministère des Affaires étrangères», se souvient l’ambassadeur.
Quittant son Amérique latine, c’est à Londres qu’elle occupe son premier poste. Elle ne souffre d’aucun problème d’adaptation. «Je viens d’une famille très unie qui nous a bien formés. Nous avons toujours eu des amis de nationalités étrangères. J’ai développé une grande faculté d’adaptation et j’ai toujours essayé de comprendre les habitudes des personnes de cultures différentes, ce qui est une caractéristique principale chez un diplomate dont l’activité consiste à créer des ponts entre les gens et les pays», souligne Pizzanelli. Pour elle, la diplomatie est une mission de service et la recherche d’opportunités pour les habitants de son pays, ainsi que pour ceux de l’Etat où l’on est accrédité. «Notre mission consiste à aider les gens à mieux se connaître et à faciliter les échanges dans tous les domaines. Cette connaissance peut contribuer à améliorer tous les aspects des relations internationales surtout dans le contexte actuel. Ceci est fondamental pour être plus tolérant et compréhensif envers les cultures différentes des nôtres puisque, finalement, nous sommes tous les enfants de l’univers».
Après Londres, c’est à Hong Kong que Marta Inès Pizzanelli passe cinq années. Elle occupe ensuite divers postes à Bruxelles et Paris avant de réintégrer le ministère des Affaires étrangères où elle occupe la fonction de directrice du département du Moyen-Orient et d’Asie. «Je suivais de près la situation du Liban et, en octobre 2012, nous avons reçu la visite du président Michel Sleiman. J’ai aimé le Liban avant d’y venir», confie l’ambassadeur. Elle s’y rend une première fois en mission officielle en 2011 avant d’y occuper le poste d’ambassadeur en janvier 2013, date à laquelle elle présente ses lettres de créance. Avant d’arriver au Pays du Cèdre, elle apprend l’arabe.
Etre une femme diplomate en Uruguay n’est pas étrange, car les femmes jouent un rôle très important dans la société et sont actives dès le début du siècle dernier. Depuis 1938, elles ont le droit de vote. «L’éducation est publique en Uruguay et ouverte à tous. J’ai été à l’école publique de mon quartier. Filles et garçons avaient les mêmes chances et les mêmes opportunités», dit-elle. S’il est vrai que les distances sont une réalité à laquelle on ne peut échapper, en particulier pour un diplomate, il n’en demeure pas moins que les moyens de communication qui existent aujourd’hui les réduisent. «On reste proche de la famille. A n’importe quel moment, on peut se voir et se parler». Marta Pizzanelli se souvient avec humour que, lors de son séjour à Londres, chaque fois qu’elle voulait appeler l’Uruguay, l’opérateur lui répondait «Je vous passe la communication dans six heures».

Une terre où l’Histoire est passée
De nature chaleureuse, proche des gens, Marta Pizzanelli se fait des amis dans tous les pays où elle est en mission. «J’ai des amis tellement proches que, jusqu’à présent, mes enfants les appellent oncle et tante». Divorcée, elle est mère de deux jeunes gens: Alberto (30 ans) et Nicolas (24 ans). Comme sa mère, Alberto est diplomate. Il vit pour le moment à Montevideo et part bientôt pour la Malaisie où il occupera son premier poste diplomatique. Quant à Nicolas, il vit au Liban auprès de sa mère et fait des études de finances à l’Usek. «Je me sens très bien au Liban. Je m’y sens libre. Il existe ici beaucoup de collègues femmes. On rencontre la Libanaise dans tous les domaines. J’aime beaucoup avoir une interaction avec des femmes venant de religions et de milieux différents. Ceci est une grande richesse. L’importance du Liban, dit la diplomate, réside dans cette diversité des cultures qui contribue à montrer la même chose sous un angle différent». «Le Liban est un beau pays qui mérite de connaître la paix et de recevoir beaucoup de touristes grâce à sa richesse culturelle et à la variété de ses paysages. Les touristes devraient pouvoir profiter de ce magnifique climat, du beau contraste qu’offrent les plages en été et la neige en hiver, de la richesse historique. L’Histoire est passée sur cette terre». Elle relève également l’ouverture d’esprit, la chaleur et l’hospitalité des Libanais. «A peine arrivés à l’aéroport de Beyrouth, nous, les ambassadeurs, sommes honorés par cette ouverture du peuple et du gouvernement. C’est la raison pour laquelle je voudrai fortifier les liens entre l’Uruguay et le Liban». Tel est le vœu de la diplomate.
Dans ce domaine, Pizzanelli est très active. Une exposition de peintures murales, d’un artiste uruguayen, aura lieu prochainement. Celui-ci peindra un mur dans une école de Sin el-Fil qui porte le nom de l’Uruguay. L’ambassadeur œuvre aussi sur un projet de jumelage entre des villes ou villages libanais et uruguayens. Elle souhaite également que les échanges commerciaux retrouvent le
volume qu’ils avaient auparavant. «L’Uruguay exporte du bétail, du poisson, des produits laitiers, du lait en poudre, des pierres semi-précieuses et du riz. Nous voulons renforcer ces exportations pour aider les petites entreprises. Nous allons amener au Liban des Uruguayens, designers d’habits pour femmes, et encourager le commerce des colifichets, des bijoux, du vin, des articles décoratifs pour la maison et aussi des médicaments. Dans quelques mois, nous présenterons tous ces produits aux Libanais». Au programme également, la visite de musiciens uruguayens et de danseurs de tango.
Marta Pizzanelli se dit très heureuse d’être au Liban. «Je me fais beaucoup d’amis vu la diversité du tissu social», dit-elle. Confiante, elle estime que le Liban saura traverser le cap actuel avec sagesse et modération. «Le Liban est un pays message et un modèle pour le reste du monde». C’est sur ces quelques mots pleins d’optimisme qu’elle conclut notre entretien: «Au XXIe siècle, nous devons transmettre un message d’espoir pour les nouvelles générations. Ceci devrait être la mission de chaque personne, chacune à son propre niveau».
 

Joëlle Seif 
Photos Milad Ayoub-DR

Les Libanais en Uruguay
La communauté libanaise en Uruguay compte quelque 80000 personnes s’étalant sur trois à quatre générations d’Uruguayens originaires du Liban. «La communauté libanaise en Uruguay, dit-elle, est très active et a beaucoup contribué à la construction du pays. J’ai toujours été en contact avec elle. Les Libanais me racontaient leurs histoires et comment ils ont quitté le Liban». Il existe même des livres écrits par des Uruguayens, dont les ancêtres étaient libanais, qui racontent leur émigration en Uruguay. Les Libanais ont fondé plusieurs clubs sociaux et diffusent deux programmes à la radio tous les dimanches. Il existe même une publication digitale intitulée «Feuille de Cèdre», œuvre d’un journaliste d’origine libanaise qui circule sur le Net en plusieurs langues: en espagnol, français, anglais et chinois.

 

Ce qu’elle en pense
Social Networking: «C’est une chose fondamentale, très importante pour la communication entre les gens. Je suis sur Facebook et bientôt sur Twitter. Ces moyens sont un pas de géant dans l’histoire de l’humanité, mais il faut rester prudent».
Ses loisirs: «Il faut toujours ménager du temps pour ses loisirs. J’aime beaucoup faire du hiking. J’ai été à Jbeil, Batroun, Baalbeck, Ehden, Beiteddine, Saïda et j’irai bientôt à la vallée de Qadisha. Je fais également du yoga et de la natation».
Sa devise: «Etre au service de ma nation et des gens du pays dans lequel je suis en poste. Essayer de contribuer de manière modeste à l’humanité. Il faut que chacun de nous y apporte sa petite contribution. Pour moi, c’est servir et construire des ponts entre les  hommes. Renforcer les relations entre les personnes de cultures différentes».
 

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