La deuxième séance du dialogue national, version 2012, a donc introduit la question des armes. L’occasion pour la majorité et l’opposition d’étaler leurs divergences et pour Michel Sleiman, de réaffirmer sa primauté en prenant la direction du débat qu’il a préféré reporter au mois prochain.
A peine effleuré et aussitôt ajourné au 24 juillet. Depuis la mise en place du comité du dialogue national, les sessions consacrées au dossier des armes finissent toujours de cette façon. La stratégie nationale de défense, c’est l’histoire du serpent de mer qui se mord la queue. Aucune des parties prenantes n’a bougé en quatre ans. Le 14 mars veut désarmer le Hezbollah quoi qu’il en coûte, le Parti de Dieu défend son arsenal bec et ongles et le président Michel Sleiman tente de sauver les apparences. Lundi, à Baabda, Michel Aoun qui revenait de Zahlé (voir encadré), a résumé la situation en ces termes: «Soit l’on trouve un terrain d’entente sur lequel bâtir un accord minimal, soit l’on se contente de gérer l’antagonisme». Son intervention aura été très courte, celles du Premier ministre Najib Mikati et du leader du PSP Walid Joumblatt aussi. Mais ce lundi, est apparue une nouveauté. Si la déclaration de Baabda, du nom du communiqué sorti de la première séance, ne faisait aucune mention des armes, le communiqué de lundi s’y réfère expressément, et à trois reprises, avec l’aval du Hezbollah.
Le 14 mars se déchaîne
Pendant près de cinq heures, les intervenants ont donc parlé des armes échappant au contrôle de l’Etat. L’opposition a concentré son discours sur l’arsenal de la Résistance, les alliés du Parti de Dieu sur les armes qui sont apparues notamment dans le Nord.
Michel Sleiman a ouvert la séance en rappelant les résolutions de la séance précédente que les parties présentes à la table se sont engagées à respecter.
Lorsqu’il prend la parole, le leader de facto de l’opposition Fouad Siniora se montre très clair et pose trois conditions: aucun autre dossier ne doit parasiter le seul sujet inscrit à l’ordre du jour, la nécessité d’appliquer les résolutions des séances de dialogue des années précédentes et la certitude que la table de dialogue ne se substitue pas aux institutions. L’ancien Premier ministre hausse le ton. «Nous demandons qu’un programme clair et précis soit mis en place pour placer ces armes sous le contrôle de l’Etat». Il poursuit: «Nous demandons également la formation d’un gouvernement de salut public, non partisan, qui gérera les dossiers sensibles et organisera les élections de 2013». Le président lui coupe la parole, en lui signifiant que cette question n’était pas à l’ordre du jour.
Tour à tour, Michel Pharaon et Jean Oghassabian étayent ces arguments. De son côté, le leader des Kataëb, Amine Gemayel, qui a visiblement décidé de proposer une alternative à l’argumentaire de l’opposition, a concentré son intervention sur le cadre international que posent les résolutions des Nations unies sur cette question. Face à ce tir groupé, le Hezbollah et ses alliés ne tardent pas à réagir.
Ils démarrent au quart de tour lorsque Fouad Siniora opère une distinction entre le statut des armes du Hezbollah avant et après le retrait israélien du Liban-Sud, en 2000.
Sleiman, le modérateur
Une distinction que le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a balayée d’un revers de main. «La Résistance n’est pas responsable de la prolifération des armes sur le territoire libanais. Elle a protégé le Sud parce que l’Etat s’est déchargé de ses responsabilités». Pour le président du PSNS, Assaad Hardan, «les armes et la stratégie de défense sont des détails. C’est la prise de décision qui compte». Le député Talal Arslan apostrophe, lui, les représentants de l’opposition, et leur demande s’ils n’étaient pas responsables des débordements qui secouent Tripoli et sa région.
En fin de séance, le président du Parlement, Nabih Berry, a demandé que le dossier des armes palestiniennes soit ouvert bien qu’il ne soit pas à l’ordre du jour. Requête acceptée par le président qui a demandé au Premier ministre Najib Mikati d’encourager les travaux de la commission gouvernementale chargée de ce dossier. Le leader du mouvement Amal a même surpris ses interlocuteurs de l’autre camp en affirmant que ce dossier était aujourd’hui le plus sensible du moment. Il conclura ainsi: «Nous sommes tous régis par la Constitution et son préambule qui stipule notre droit à défendre les terres occupées».
Pour le président, cette séance était une séance positive. Elle aura été l’occasion pour toutes les parties de développer chacune sa vision. C’est lors de la prochaine réunion que les choses sérieuses devraient commencer. Le président a déjà prévenu les intervenants. Le 24 juillet, c’est à lui et à lui seul que reviendra la charge de cadrer le débat sur la stratégie de défense, un cadre, assure-t-il, qui respectera au mieux les positions des parties prenantes du dossier. Il faut reconnaître au chef de l’Etat une abnégation qui, espère-t-il, pourrait porter ses fruits dans un mois.
Julien Abi-Ramia
Aoun à Zahlé
Le week-end dernier, le leader du CPL s’est rendu dans «la plus grande ville chrétienne d’Orient». D’abord pour parfaire sa position sur le Printemps arabe, à quelques encablures de la frontière syrienne, mais surtout pour préparer en coulisses les élections de l’année prochaine dans une circonscription qui décidera, comme les années précédentes, de son vainqueur.
Accompagné durant les trois jours de sa visite par le ministre de la Culture, Gaby Layoun et l’ancien député Salim Aoun, le député du Kesrouan a rencontré les dignitaires religieux chrétiens de la ville auxquels il a réaffirmé ses positions sur l’automne islamiste qui «met en péril la présence de la communauté dans la région». C’est pour cela qu’il dit soutenir le régime «laïc et protecteur des chrétiens» de Bachar el-Assad. «Ce qui se passe en Syrie se rapproche de nous», a-t-il averti.
Une inquiétude, étayée pour Michel Aoun, par l’absence des chrétiens au sein des institutions de l’Etat et l’impossibilité de faire adopter le mode de scrutin à la proportionnelle.
Bien qu’il le démente, cette visite avait une dimension électorale. Au cours d’une rencontre élargie avec les responsables du parti à Zahlé et dans la Békaa, il a été question des alliances électorales à nouer avec les barons locaux. A Zahlé, les coalitions nationales ne pourront faire l’économie d’un rapprochement avec Nicolas Fattouche ou l’ex-colistier Elias Skaff, avec lequel les relations se sont refroidies. Pour les cadres aounistes de la région, c’était aussi l’occasion, pour le chef du parti, de mesurer l’efficacité de ses troupes sur le terrain qui doivent faire face à la machine des Forces libanaises et des Kataëb, dont sont membres les députés sortants.