Magazine Le Mensuel

Nº 2851 du vendredi 29 juin 2012

Editorial

Dialogue bis

On prend les mêmes et on recommence. Telle est l’histoire qui se fabrique dans le Liban du troisième millénaire. Au lendemain d’un dialogue en plusieurs actes, auquel avait convié le président de la Chambre, les photos des antagonistes partageant le sel et le pain au centre-ville étaient diffusées, non sans malice dans les commentaires, par les chaînes de télévision. Les Libanais avaient déjà compris qu’il s’agissait d’un fiasco dramatique. Deuxième acte, enregistré dans les annales d’un pays qui n’en finit pas de se détruire, une simili réconciliation parrainée par Qatar suivie de l’élection forcée d’un président de la République. Election dite à l’unanimité, terme que certains contestent. Ils ne sont heureusement pas nombreux à le faire. Un gouvernement d’union nationale imposé, vite transformé en Cabinet de désunion sur pratiquement tous les plans est démis et remplacé par une équipe monochrome que tout divise. Ultime tentative du chef de l’Etat de réunir au palais présidentiel les mêmes antagonistes dans le difficile objectif de réussir des rapprochements auxquels le Libanais, même le plus béatement optimiste, mais néanmoins échaudé, n’y croit pas vraiment. Déjà, au lendemain de l’acte premier de ce récent round de débats, certains participants au dit dialogue, n’ont pas résisté à l’attrait des médias et se sont lancés devant les micros à des discours au raz des pâquerettes.
Ainsi va le pays à vau l’eau. Les Conseils des ministres se suivent et se ressemblent. Les communiqués restent vagues faute de pouvoir être précis ou de faire des promesses impossibles à tenir dans l’état actuel du pouvoir. Les bribes de satisfaction sociale données d’une main sont très vite rattrapées de l’autre. Ainsi, l’augmentation des salaires, accordée par le secteur privé, peine à l’être dans l’administration publique et, cerise sur le gâteau, il est déjà question de hausser la TVA pour couvrir les frais d’une initiative coûteuse.
Enfin, le gouvernement nous annonce, grands biens lui fassent, un Mois de la sécurité,afin de rattraper des visiteurs potentiels qui, à l’écoute des échos de tous les graves incidents qui secouent la scène libanaise du Nord au Sud, comme aux nouvelles des fréquents enlèvements rapportés par les différents médias locaux, mais hélas aussi internationaux, hésitent à profiter de notre été ou même y renoncent carrément. Si nous ne pouvons pas critiquer l’initiative louable du ministre de l’Intérieur et sa décision que nous espérons bénéfique, si tant qu’elle puisse avoir une suite, nous nous sentons frustrés, en tant que résidants, de n’avoir pas été pris en compte bien plus tôt. C’est comme si on voulait nous signifier qu’étant décidés, sinon obligés, de rester chez nous, il était inutile de nous préoccuper de notre bien-être. Pourtant, si les difficultés sociales sont devenues notre lot quotidien, celles de la sécurité perturbent toutes nos activités et celles de notre jeunesse.
Il y a plus de trente ans, nous mettions en garde, dans nos propres colonnes contre le pourrissement du pouvoir et le risque d’une émigration massive et d’une fuite des cerveaux. Nous n’avions pas tort. Rien n’a réellement changé sinon certains patronymes de ceux qui tiennent les rênes du pouvoir et, de ce fait, celles de notre destin.
Il y a plus de trente ans, les Libanais dénonçaient déjà les pénuries d’eau, les défections du réseau téléphonique, pas encore les coupures d’électricité, et des replâtrages dans tous les domaines plutôt que des solutions. Si nous y revenons aujourd’hui, ce n’est pas pour justifier ce qui se passe, mais c’est une fois de plus, pour alerter les autorités sur des menaces toujours plus lourdes et toujours avérées de voir le pays se vider de ses forces vives.
Les regards et les espoirs des Libanais se tournent vers le président de la République, dont on connaît sa capacité à assumer les responsabilités, mais aussi les pouvoirs limités que lui ont laissés les participants réunis à Taëf. La question qui se pose est celle de savoir qui, enfin, retroussera ses manches et se mettra à l’œuvre pour l’aider à réaliser les ambitions qu’il nourrit pour le Liban et qu’il a souvent déclarées.

Mouna Béchara

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